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Mar / 29

Discrimination capillaire : les députés adoptent un texte

By / Florian Dacheux /

Discrimination capillaire : les députés adoptent un texte

L’Assemblée nationale a voté jeudi 28 mars 2024 en première lecture une proposition de loi visant à sanctionner la discrimination capillaire en milieu professionnel et dans l’espace public.

Déposé le 12 septembre 2023, le texte du député guadeloupéen Olivier Serva (groupe indépendant Liot) a été adopté jeudi 28 mars 2024 par 44 voix contre 2, avant d’être transmis au Sénat où son avenir est incertain. Il vise notamment à empêcher des employeurs, notamment dans le commerce, de contraindre leurs salariés à lisser leurs cheveux pour dissimuler leurs coupes afro, ou à cacher leurs tresses et dreadlocks. Cette proposition de loi entend modifier le Code général de la fonction publique, le Code pénal et le Code du travail afin d’y faire apparaître une précision portant spécifiquement sur la discrimination capillaire. Après le « aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite en raison de l’apparence physique » déjà inscrit, serait ajoutée la mention « notamment la coupe, la couleur, la longueur ou la texture de leurs cheveux ». « En France, la discrimination reposant sur l’apparence physique est déjà punie en théorie », a convenu le député Serva. « Mais de la théorie à la réalité il y a un gouffre », a-t-il souligné, en plaidant pour « clarifier » une « loi mal comprise ou mal appréhendée ». Olivier Serva a évoqué « les femmes noires qui se sentent obligées de se lisser les cheveux » avant un entretien d’embauche, « les personnes rousses, victimes de nombreux préjugés négatifs », ou les « hommes chauves ». Le gouvernement a porté un « regard bienveillant » sur le texte, s’en remettant à « la sagesse » des députés. La gauche a soutenu ce texte. C’est un problème « réel, sérieux et politique », qui « touche principalement les femmes » et les « personnes racisées », a souligné l’Insoumise Danièle Obono, dénonçant tout comme l’écologiste Sabrina Sebaihi un « racisme systémique ». Dans le tumulte, le LR Xavier Breton a dénoncé une « idéologie militante », « une fuite en avant » vers une « liste de discriminations » au risque d’établir « une hiérarchie ». A l’extrême droite, le RN Philippe Schreck a appelé à ne « pas moquer ou railler » cette proposition de loi, mais s’est interrogé : « Est-ce que nous nous occupons des problèmes quotidiens des Français », dans un pays « quasi en faillite » ?

« Depuis 2004, nous œuvrons pour l’acceptation des cheveux texturés dans la société. Cette loi, c’est historique. »

Face à ces déclarations hors sol et hors sujet émises par la droite dure, les militantes de la première heure se réjouissent de cette proposition de loi sur le point d’aboutir. A commencer par Aline Tacite de Boucles d’Ebène Studio et Aude Livoreil du Studio Ana’e, deux précuseures en France en matière de formation en coiffure des cheveux structurés, alors que les CFA Coiffure tardent encore à inclure ce module spécifique dans leurs cursus. « C’est 20 ans d’engagement et de travail sur le terrain avec des actions concrètes pour éveiller les consciences, explique Aline Tacite. Depuis 2004, nous œuvrons pour l’acceptation des cheveux texturés dans la société. On est des actrices et témoins de l’évolution des mentalités. C’est historique. C’est une avancée incroyable et on est très touchée par l’adoption de cette loi ». Sur les réseaux sociaux, la journaliste Rokhaya Diallo n’a pas manqué non plus d’afficher sa joie, rappelant la publication de son livre Afro, publié en 2015 avec la photographe Brigitte Sombié. Un livre de 113 portraits célébrant les personnes afro descendantes ayant opté pour le cheveu naturel et expliquant les pesanteurs socio historiques qui entravaient ce choix.

Avec le vote de ce texte, la France est le premier pays au monde à se doter, à l’échelle de l’ensemble de son territoire national, d’un arsenal législatif visant à lutter précisément contre la discrimination capillaire en milieu professionnel et dans l’espace public. Dans un communiqué, le député Olivier Serva a assuré que « la mobilisation se poursuivra pour que ce texte soit inscrit à l’ordre du jour et adopté définitivement au Sénat ».

Florian Dacheux