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Juin / 11

Le sport comme levier avec la génération Paris 2024

By / Florian Dacheux /

Promu comme levier pour lutter contre toute forme de discrimination, favoriser l’inclusion et l’interculturalité, le secteur du sport est au centre de tous les attentions au fur et à mesure que l’on se rapproche des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024. A moins de 800 jours de cet événement planétaire, le programme Génération 2024, mené conjointement par l’Agence Nationale du Service Civique, le CNOSF et le comité d’organisation des Jeux, vise 30 000 jeunes volontaires sous contrat. Rencontre.

Le sport comme levier avec la génération Paris 2024

Né voyant, Yvan Wouandji a perdu la vue à un âge où il ne savait pas que c’était possible. « J’avais à peine 10 ans et je ne connaissais pas du tout le handicap visuel, raconte l’actuel leader de l’équipe de France de cécifoot. Petit à petit, j’ai découvert plein d’adaptations et d’outils accessibles. C’est un milieu que l’on ne valorise pas forcément. Pourtant, on fait tout pour aller de l’avant et rester positifs. Ce n’est pas parce que nous ne voyons pas que nous ne sommes pas compétents et que nous perdons nos aptitudes. Bien au contraire. C’est pourquoi je milite beaucoup à travers des programmes d’inclusion par le sport que je mets en place. J’interviens beaucoup en milieu scolaire, en prison ainsi qu’en entreprise. » Rien d’étonnant de le retrouver jeudi 2 juin 2022 sur les terrains du Five de Paris 18e à l’occasion de la rencontre annuelle nationale des volontaires en service civique de l’Union Française des Œuvres Laïques d’Education Physique (UFOLEP). A deux ans des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024, l’Agence Nationale du Service Civique, le Comité d’organisation des Jeux et le Comité national olympique du sport français (CNOSF) tentent en effet d’agir main dans la main dans l’idée de séduire un maximum de jeunes à embrasser une mission en service civique. En se rapprochant du secteur du sport, qui n’est autre que le premier tissu associatif du pays, l’objectif est clair : permettre à près de 30 000 jeunes de 16-25 ans de bénéficier de missions en service civique. D’une durée de six à douze mois, l’engagement volontaire proposé est sans condition de diplôme, et ouvert jusqu’à 30 ans pour les jeunes en situation de handicap.

La transférabilité de compétences sportives en compétences professionnelles

Yvan Wouandji, leader de l’équipe de France de cécifoot © F.Dacheux

Cheville ouvrière de cette ambition, Slimane Tirera (auteur d’une tribune sur D’Ailleurs et D’Ici en mars 2021 suite à la sortie de son essai La Fin des Potes, Autopsie d’un universaliste aux Editions Mindset, NDLR) œuvre en coulisses en tant que chef de projet engagement citoyen pour le comité d’organisation des JOP de Paris 2024. Issu du monde de l’éducation populaire, il agit au carrefour des institutions afin d’aider au développement de ces missions à enjeu social et environnemental au travers des Jeux. « On travaille avec tous les invisibilisés, les réseaux d’éducation prioritaire, dans les quartiers populaires, les zones rurales ainsi qu’en outre-mer. Les faire entrer par le biais du service civique, c’est un moyen universel. Ils acquièrent des prérequis en termes de valeurs et de formations qui vont leur permettre d’évoluer dans le mouvement sportif. La plupart trouve ensuite un emploi en tant qu’animateur, éducateur, référent, tuteur. » Pour l’heure, ce réseau surnommé « Génération 2024 » comptabilise près de 3500 jeunes en mission en France et à travers le monde. Ces volontaires apportent leur soutien à des actions variées telles que l’accès à la pratique sportive des publics qui en sont éloignés, développement du parasport ou du sport-santé, lutte contre les discriminations et violences dans le sport ou encore mise en place de mesures écologiques. Parmi elles, citons en premier lieu l’action menée par Job Odyssée, une association qui forme des jeunes éloignés de l’emploi grâce au principe de transférabilité de compétences sportives en compétences professionnelles. « On essaie d’aider un maximum de jeunes notamment issus des quartiers prioritaires, confie leur marraine Fatia Benmessahel, championne de France de boxe des moins de 64kg et étudiante en cinquième année d’école d’ingénieurs. C’est de l’insertion dans l’emploi par le sport, en allant chercher leurs compétences au sein de leurs pratiques sportives. L’autre enjeu, c’est la féminisation des postes, c’est pourquoi nous collaborons par exemple avec la SNCF, la RATP ainsi qu’Engie. » Avec pour slogan « Mettons KO les inégalités », cette association n’a pas l’intention de faire semblant. « C’est vraiment une structure qui aide les jeunes à prendre confiance en leurs qualités et qui permet aux femmes de viser plus haut », confirment Kiala et Marine, deux jeunes boxeuses de Rosny qui réalisent actuellement une mission en administration. Au tour de Mustapha et Enzo, boxeurs également, de rebondir au poing : « Fatia a un parcours très inspirant. Son équipe nous pousse vraiment à monter en compétences. »

« La différence doit être une richesse et une force »

L’une des clés : partir de sa passion du sport pour trouver sa voie © F.Dacheux

Le sport serait-il alors ce levier idéal pour lutter contre toute forme de discrimination, favoriser l’inclusion et l’interculturalité ? « Le sport, avec la culture, est un levier qui parle aux jeunes, répond du tac au tac Slimane Tirera. Le sport, c’est la passion, c’est populaire, ça rassemble, ça procure des émotions. Des jeunes ont pleuré quand Karim Benzema, probable futur ballon d’or, a remporté la dernière Ligue des Champions de football. Ils s’identifient à ces nouveaux héros. Le sport les tire vers le haut et les sort de leur isolement social. Je connais des jeunes qui incitent des mamans à venir faire de la zumba, qui accompagnent des personnes âgées à marcher, qui font du savoir nager, etc. Peu à peu, en apprenant des compétences transverses, leurs difficultés s’estompent. Le sport regroupe plein de métiers. A Paris 2024, nous avons des comptables, des managers, tout type de métier. Certains rejoignent des formations, d’autres deviennent cadres. Tout cet écosystème leur donne des lignes sur le CV. » Alors qu’il vient de s’envoler pour l’Italie afin de disputer le championnat d’Europe de cécifoot, Yvan Wouandji saisit le mot de la fin : « Le sport, ce n’est pas forcément la performance sur le terrain. Il faut se servir de cette passion pour transmettre des valeurs de solidarité, de résilience, de respect, de partage. Sur la question du handicap, il est temps de regarder les personnes à travers leurs aptitudes et non plus à travers ce qu’on pense être leur condition physique, leur état. Il ne faut plus rester sur cette photo figée. C’est aussi pour dire que la vie ne s’arrête pas à un obstacle. La différence doit être une richesse et une force. Il ne faut pas avoir honte de ce que l’on est. »

 

Florian Dacheux

Vous avez dit Cécifoot ?

Du 10 au 17 juin 2022, l’équipe de France de Cécifoot dispute le championnat d’Europe IBSA à Pescara en Italie. L’occasion de rappeler ce qu’est le cécifoot. Sport collectif d’opposition pour déficients visuels, le cécifoot est une adaptation du football, importée du Brésil. L’objectif est de mettre un ballon sonore dans le but adverse en le faisant progresser à l’aide des pieds, tout en empêchant l’adversaire d’en faire autant. Cette discipline a fait son apparition pour la première fois aux Jeux Paralympiques d’Athènes en 2004. Année après année, les joueurs de cécifoot impressionnent par leur vitesse et leur exceptionnelle perception de l’espace. Avec quatre joueurs de champ et un gardien, les matchs de cécifoot se déroulent en deux mi-temps de 15 minutes sur un terrain équivalent à celui du handball (environ 40x20m). Sur les lignes des deux côtés du terrain, des barrières sont alignées pour éviter la sortie du ballon. Le gardien, qui n’a pas forcément de handicap visuel, joue un rôle essentiel car il participe à l’orientation de ses joueurs en zone défensive. En phase offensive, les joueurs sont assistés par un guide placé derrière les buts adverses. Les joueurs de champ ont une acuité visuelle nulle ou très faible et/ou pas de perception de la lumière. Cependant, afin d’égaliser les situations de handicap entre tous, ils doivent porter un masque occultant sur le terrain. Lorsqu’ils se déplacent vers le ballon, ces derniers se signalent en disant : « Voy ».

Florian Dacheux