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Avr / 11

Paris 2024 : le breaking dans une forme olympique

By / Florian Dacheux /

Paris 2024 : le breaking dans une forme olympique

Alors que la 7e édition de la Semaine Olympique et Paralympique a donné lieu à de multiples événements prônant l’inclusion et le sport pour tous, une discipline fait particulièrement parler d’elle : le breaking. Nouveau sport olympique, cette danse acrobatique, issue de la culture hip hop, suscite un engouement partout en France. Opération marketing ou tendance durable ? Décryptage.

Depuis qu’il est entré au rang des disciplines olympiques, au détriment du karaté, le breaking n’en finit plus d’être à la Une. Issue de la culture hip-hop, au même titre que le locking ou le popping (smurf), cette danse acrobatique, appelée initialement le breakdance, tient ses origines du mouvement de paix qu’a connu le quartier du Bronx, au nord de New-York, au début des années 1970, à la suite d’une terrible guerre de gangs. Ainsi né dans la rue, le break – mix d’attitude, de jeux de jambes et de mouvements saccadés – est étroitement lié aux codes du graffiti, du DJing ou encore du rap, ces cultures urbaines qui façonnent tant nos quartiers pluriels. Alors que son inclusion aux JOP de Paris 2024 a déclenché autant d’attentes que d’inquiétudes dans un milieu très attaché à l’aspect artistique, les athlètes s’accordent peu à peu vers un langage commun. Désormais affiliés à la Fédération française de danse, ces derniers continuent de s’affronter dans des battles où ils doivent improviser des figures au sol sur des musiques qu’ils ne connaissent pas à l’avance. Les meilleurs d’entre eux, de Sékou Diagouraga à Carlota Dudek, participeront aux championnats de France de breaking à Reims les 29 et 30 avril prochains. B girls et autres B boys (ndlr : noms donnés à ces sportifs) pourront y obtenir des points pour leur classement national, avant de représenter la France en compétitions internationales, puis place de la Concorde en juillet 2024. « On s’est battu pour avoir cette reconnaissance, déclarait récemment Mounir Biba, nonuple champion du monde de breakdance. Personne ne remettra en question la technique et les spécificités de cette discipline. Il s’agit d’une discipline à la fois artistique et athlétique qui s’inscrit dans une logique sportive depuis son existence. On l’a toujours revendiqué. » 

Battle à l’Assemblée

Preuve de sa nouvelle renommée, l’Assemblée nationale lui a ouvert ses portes dans le cadre de la 7e édition de la Semaine Olympique et Paralympique. Réunie dans la galerie des fêtes, une cinquantaine d’enfants des centres aérés de la ville de Paris ont rencontré des athlètes de l’Equipe de France du dispositif « 30 minutes d’Activité Physique Quotidienne »*, en présence de Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, et Amélie Oudéa-Castera, Ministre des Sports. Après quatre ateliers centrés autour de la gymnastique rythmique, du judo, de la boxe, ainsi que du breaking, une véritable battle a eu lieu, opposant, non pas nos habituels députés, mais bien des élèves de la section hip-hop du lycée Turgot de Paris (IIIe) à celle du lycée Jean-Jacques Rousseau de Sarcelles (93). « Le hip-hop, c’est une façon d’être, un style vestimentaire, une culture importante qui représente les minorités et la jeunesse, affirme Igor du lycée Turgot. Au début, j’étais dubitatif car je voyais mal la façon dont le break allait être accueilli aux Jeux. Mais d’après ce que je vois et entends, des acteurs du mouvement sont consultés et impliqués, donc c’est tant mieux. J’espère un jour que les Jeux s’ouvriront à la danse hip hop debout. » Au tour de sa camarade Aïcha de rebondir : « Le hip hop permet avant tout de nous rassembler autour d’une même passion, ça crée des liens au-delà des barrières que l’on peut se mettre. Le hip hop, c’est bien plus que les stéréotypes qu’on lui attribue. Cela représente toute notre diversité. Paris 2024, selon moi, c’est utopique mais je vois cela d’un bon œil. C’est à vivre au moins une fois dans sa vie. Paris, ce n’est pas uniquement la Tour Eiffel et la baguette. On espère juste des places accessibles pour le plus grand nombre. »

« Cela donne de l’espoir pour l’avenir de toutes les danses urbaines. »

Leurs homologues de Sarcelles corroborent. « A Sarcelles, la culture hip hop est très forte, témoignent de concert Melinda et Ken. Ce qu’il se passe autour du breakdance, ça donne de l’espoir pour l’avenir de toutes les danses urbaines. Cela fait un moment qu’on dit que notre sport est un art. En 2024, ce sera diffusé dans le monde entier. On attend de voir ce que ça va donner en termes d’opportunités pour les futures générations. » Alors que la Fédération Française de Danse a lancé depuis septembre dernier la toute première formation officielle d’entraîneur de breaking au centre de la danse Pierre-Doussaint aux Mureaux (78), le comité d’organisation de Paris 2024, par la voix de son président Tony Estanguet, ne cache pas ses intentions, sans nier l’aspect marketing, en faisant « le choix de sports jeunes, créatifs, spectaculaires et en phase avec leur époque » (ndlr : skateboard, escalade, surf, …). « Si le breakdance l’a fait, pourquoi pas toi ? », scandent partout en France Lahcen Mustapha et ses camarades de « Et toi en 2024 », un dispositif labelisé Paris 2024 pour inspirer le maximum de jeunes de quartiers populaires dans la construction de leur avenir professionnel. Car si les JOP restent une affaire de médailles, la question de l’héritage sur la durée est la seule qui vaille pour les populations locales, à l’instar de la ville de Marseille qui accueillera le 29 avril le Mondial du breaking, une journée dédiée aux cultures urbaines. En parallèle, le monde du spectacle vivant envoie également des signaux similaires, à l’instar des Indes Galantes de Rameau revisitées en partie à travers des chorégraphies hip-hop en 2019 par le metteur en scène et réalisateur Clément Cogitore, ou encore à travers le parcours du chorégraphe Mehdi Kerkouche invité en 2020 à créer pour le Ballet de l’Opéra national de Paris. Cet été, le soir du 5 juillet, ce sera au tour de Bintou Dembélé de faire l’ouverture du Festival In d’Avignon avec sa dernière création G.R.O.O.V.E. Alors, on danse ? 

 

Florian Dacheux

Illustrations Une : © Fédération Française de Danse & Paris 2024

Galerie Photos : © F.Dacheux

 

* Le dispositif « 30 minutes d’Activité Physique Quotidienne » a pour but de promouvoir l’activité physique en milieu scolaire grâce à la mobilisation de sportifs de haut-niveau (SHN). Etaient présents à l’Assemblée nationale : Marlone Alvarez, Kimie Alvarez, Nathanaël Etouke (breaking), Lorette Charpy, Emma Brochard, Shana Loxton-Vernaton, Maëlys Laporte, Célia Joseph-Noel, Salomé Lozano-Leon (gymnastique), Wassila Lkhadiri, Amina Zidani, Fatia Benmessahel (boxe) et Nathan Petit (parajudo).

Paris 2024 va-t-il réussir son pari de l’inclusion ?

 

Placée sous le signe de l’inclusion, la 7e Semaine Olympique et Paralympique a mobilisé début avril plus de 7000 écoles et établissements. Près d’1 million de jeunes ont pratiqué de nombreux para sports et rencontré des athlètes aux quatre coins de la France. Alors que des élèves de 6e du Collège Galillé de Lingolsheim (Bas-Rhin) et des élèves en situation de handicap ont participé à des ateliers de para athlétisme, des enfants âgés de 6 à 15 ans ont été sensibilisés du côté de Marseille à la pratique du basket fauteuil et du cécifoot. A Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), ce ne sont pas moins de 30 écoles élémentaires, quatre collèges et deux lycées qui se sont impliqués, soit 90 classes. Il faut dire que la ville est l’une des rares à disposer d’une EMS (Ecole Municipale de Sport) adaptée aux personnes en situation de handicap psychique et neurotypique, avec natation, danse adaptée ou encore judo. La commune a bénéficié des financements de Paris 2024 pour former une vingtaine d’éducateurs sportifs au sport adapté en partenariat avec l’ONG Play International. « Il était important que Paris 2024 soit présent pour montrer que le modèle inclusif d’Épinay-sur-Seine à travers l’EMS adaptée est parfaitement reproductible ailleurs », a rappelé en marge de l’événement Slimane Tirera, chef de projet engagement citoyen pour le comité d’organisation des JOP. Autre événement phare ? Celui organisé par le club étudiant Handicap Diversity d’HEC Paris à Saclay (Essonne). Parmi les leviers présentés le 6 avril en présence de Tony Estanguet, président de Paris 2024, l’atelier rugby à 7 en fauteuils a fait forte impression. Fondé en 2011, ce sport d’équipe mixte exclut toutes cotations et classifications. Accessible au plus grand nombre, il met les pratiquants valides dans la même situation qu’une personne en situation de handicap. Des élans encourageants vers la pratique du sport pour tous et l’acceptation de nos différences. 

 

Fl. D.

L’expo « Histoire, Sports et Citoyenneté » à Marseille !

Impulsée par la Casden et le Groupe de recherche Achac, l’exposition « Histoire, Sports et Citoyenneté » est visible tout au long du mois d’avril sur le Vieux Port de Marseille. Celle-ci se compose de 30 panneaux mettant en valeur 30 destins exceptionnels et 30 valeurs citoyennes sur les 30 olympiades de 1896 à 2024. Ainsi qu’un site internet dédié avec des contenus additionnels, des guides pédagogiques : https://casdenhistoiresport.fr

Florian Dacheux