Olympisme : 130 ans d’évolutions géopolitiques, sociales et culturelles

Jesse Owens [États-Unis] au saut en longueur, carte postale colorisée, 1936. © Coll. part./DR

Olympisme

130 ans d’évolutions géopolitiques, sociales et culturelles

Et s’il existait un livre retraçant l’histoire des Jeux Olympiques et son contexte géopolitique, des premiers jeux à Athènes en 1896 à ceux de 2024 ?

Ce livre s’appelle Olympisme, une histoire du Monde. Il retrace les moments les plus significatifs de l’histoire des Jeux Olympiques. Un reflet et un acteur incontournable de la politique mondiale.

Morceaux choisis parmi un livre et une expo passionnants, concoctés par les historiens du collectif ACHAC.

Eté 1896, Athènes : les premiers Jeux Olympiques de l’ère moderne ont lieu, 1500 ans après les dernières Olympiades antiques ! En 1896, seulement 241 athlètes de 14 nations différentes participent aux 43 épreuves regroupées en 9 disciplines. Des disciplines qui persistent, jusqu’à aujourd’hui, comme l’escrime, l’athlétisme, le tennis, l’haltérophilie, la lutte, la natation, la gymnastique, le tir et les jeux nautiques. Depuis cet été 1896, le plus grand évènement sportif se reproduira tous les 4 ans durant plusieurs siècles, à l’exception de certaines années de conflit mondial.

Eté 1916 : les Jeux Olympiques doivent avoir lieu en Allemagne. Mais les tensions internationales engendrées par la guerre les mettent en péril. En 1915, les Allemands font savoir que la manifestation sportive n’aura pas lieu. Pourtant, une liaison entre ‘sport’ et ‘guerre’ commence à s’installer. La presse spécialisée compare la guerre à « un grand match ». Et le sport devient, pour les soldats, un moyen de s’évader un instant des combats.

Du 20 avril au 12 septembre 1920, les JO de l’après-guerre et de la paix ont lieux à Anvers, pour rendre hommage aux souffrances infligées au peuple belge durant la guerre. Les perdants de la Grande Guerre en sont exclus, et l’idée de paix entre les peuples d’Europe est évoquée. Certaines carrières exceptionnelles débutent lors de ces JO, comme celle du prodigieux coureur finlandais Paavo Nurmi, trois fois médaillé d’or, ou encore celle de la joueuse de tennis française Suzanne Lenglen, deux fois médaillée d’or. Après huit ans d’absence, les JO sont relancés pour une vingtaine d’années et de nouveaux sportifs reprennent le flambeau.

1924 : Paris accueille les JO pour la deuxième fois. La situation d’après-guerre réduit le budget accordé à l’organisation. Cette dernière est au point mort lorsqu’une initiative privée sauve les Olympiades. Les dirigeants du Racing Club de France mettent à disposition leur terrain pouvant accueillir 60 000 personnes. Les Olympiades se déroulent dans des conditions bien plus modestes que les Français ne l’imaginaient, mais les Jeux Olympiques continuent de véhiculer des principes de paix et de rencontre des peuples, indépendamment de l’appartenance religieuse ou « raciale ».

VIII^e Olympiade. Paris 1924, programme officiel, 1924.

© Coll. Groupe de recherche Achac

Les Jeux Olympiques de l’Allemagne hitlérienne

A Amsterdam en 1928, puis à Los Angeles en 1932, les Olympiades se déroulent dans un contexte international de crise et de montée des nationalismes. Jusqu’à donner lieu aux JO de l’Allemagne hitlérienne en 1936 à Berlin…. Déjà, avant l’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933, Berlin semble être le futur hôte des JO de 36. Cependant, l’arrivée du régime nazi au pouvoir fait naître des mouvements d’opposition envers ce projet. Considérant que ce régime antisémite est opposé aux valeurs d’inclusion des Olympiades, certains pays adhèrent à l’idée d’un boycott pour organiser une « contre-Olympiade » populaire à Barcelone. Le mouvement prend de l’ampleur, si bien qu’un changement de ville, hôte des Jeux Olympiques, semble être, pour un temps, une véritable option. A la recherche d’un apaisement, sans s’embarrasser de considérations morales, Le CIO (Comité International Olympique) autorise finalement l’accueil des Jeux à Berlin. Le plus grand évènement sportif mondial, prônant la paix et l’inclusion, se déroule donc en 1936 sous les yeux d’Hitler et de l’Allemagne nazie. Une occasion : montrer les réalisations du Reich au monde – 1000 trains acheminent les spectateurs,

4,5 millions de billets d’entrée sont vendus, un stade monumental de 100 000 places est construit. De plus, les athlètes allemands surentraînés remportent 33 médailles d’or. Le régime antisémite est en marche, les juifs sont d’ailleurs exclus des Jeux. Toutefois, la « supériorité de la race aryenne » est mise à mal par les écrasantes victoires d’athlètes africains-américains comme Ralph Metcalfe, Cornelius Johnson ou encore Jesse Owens, considéré comme le héros de ces Olympiades, remportant quatre médailles d’or en athlétisme sous les yeux du chancelier allemand.

Berlin 1936, écusson, 1936.

© Coll. Groupe de recherche Achac

Dans un contexte de guerre mondiale sanglante, les Jeux de 1940 prévus à Tokyo puis Helsinki, ainsi que ceux de 1944 à Londres, sont annulés. Les deux capitales accueilleront les Olympiades suivante avec un enjeu d’apaisement international. Londres en 1948 et Helsinki en 1952.

Rayonner aux JO : un tremplin pour les puissances mondiales

Après une courte période de paix, des tensions se font ressentir entre les deux grandes puissances mondiales de l’époque : l’URSS et les Etats-Unis. Les JO suivants jusqu’en 1988, seront marqués par la Guerre Froide. Rayonner aux Jeux Olympiques, c’est s’imposer en tant que puissance mondiale. Chaque épreuve sportive devient une source de rivalité pour les deux nations ennemies. Aux Olympiades de Munich en 1972, alors que la Guerre froide est à son paroxysme, une finale de basket a lieu entre les Etats-Unis et l’URSS. 50/49 pour les Etats-Unis. Le match est censé être terminé. Mais trois secondes sont ajoutées après un temps mort. Et l’URSS marque finalement deux points durant ce court instant, remportant ainsi la finale ! Cette partie restera dans les mémoires comme le match le plus controversé de tous les temps.

La Guerre froide prend fin en 1989 et les JO suivants se déroulent enfin dans un contexte plus apaisé.

En 2008, la Chine accueille les Jeux à Pékin. L’organisation des Olympiades est contrôlée, et témoigne de l’arrivée de la Chine sur le devant de la scène internationale. En plus d’une démonstration organisationnelle, la Chine s’impose à la tête du classement olympique avec 51 médailles d’or, soit 15 de plus que les Américains, deuxième au classement. Les JO de 2008 confirment la Chine comme une grande puissance mondiale. Cependant, ils révèlent également le non-respect des droits de l’Homme des actions chinoises envers les minorités tibétaines.

Les Jeux Olympiques sont déterminants dans la démonstration de force des nations. Un pays qui brille aux JO rayonnera sur la scène mondiale. De plus, les Olympiades sont de réels témoins du contexte historique international. Ils retranscrivent à travers un évènement sportif, les crises du monde entier, qu’elles soient politiques, économiques, écologiques, sociales, sanitaires… La crise économique de 1929, les tensions de la Guerre froide, ou encore la pandémie de la Covid-19, ont pu se ressentir à travers l’histoire des Jeux Olympiques.

Moscou Capitale des XXII^e Jeux Olympiques, affiche signée S. Pegov, 1980.

© Coll. part./DR

Où en sont les Jeux Olympiques aujourd’hui ?

100 ans après les derniers JO à Paris, la capitale française accueillera les Jeux en 2024, pour la troisième fois. Alors que de grandes avancées ont eu lieu en termes d’inclusion au sein des JO (meilleure représentation des différentes nations, création des Jeux Paralympiques en 1960, engouement médiatique autour des Jeux féminins, création des Gay Olympic Games en 1982, destinés aux personnes LGBT+…), les Olympiades ne sont cependant plus autant appréciées qu’au siècle précédent. Les vagues de contestation se multiplient jusqu’à la remise en cause de l’éthique des Olympiades dans la société actuelle. D’un point de vue écologique, les JO sont souvent considérés comme catastrophiques. Cela se traduit par la construction presque instantanée des infrastructures, le déplacement des populations en avion… D’un point de vue social, ce n’est pas vraiment mieux. Des personnes sans domicile sont virées des lieux environnant les stades. Des milliers d’étudiants sont expulsés de leur résidence étudiante, afin de loger les acteurs et spectateurs des Jeux Olympiques. Enfin, D’un point de vue économique, les Jeux représentent une fortune. Certains pays mettent plusieurs décennies à rembourser leurs dettes. Par exemple, le Canada a finalement remboursé ses dettes, 41 ans après la construction d’un stade à Montréal.

Ce livre précieux est accompagné d’une exposition du même nom (Olympisme, une histoire du monde), au Palais de la Porte Dorée jusqu’au 8 septembre 2024. Cette dernière se termine en pointant l’avenir : à quoi ressembleront les jeux dans les années à venir ? Selon les guides et historiens, les Olympiades seraient « sécurisées » jusqu’en 2032.

Bien qu’ils n’échappent pas aux grands enjeux contemporains, les Jeux Olympiques restent un évènement fédérateur prônant la paix internationale.

Gabriel Dubreuil