Sep / 18
Née à la suite de la mort du jeune Hismaël D. en janvier 2018, pris dans une rixe entre bandes rivales, l’association HDJ organise pour la 3e année consécutive une journée spécifique pour dire stop aux rixes le 23 septembre à Paris, dans le quartier de la Roquette. Outre des tournois de foot et de basket, des épisodes de Rixes, la série documentaire de StreetPress, seront projetés. Entretien avec son père Magloire Diabley qui mène des actions de terrain pour lutter contre la violence dans les quartiers populaires.
Une journée pour dire stop aux rixes
«Je ne veux plus entendre qu’un jeune meurt dans une rixe. Cela me fait trop mal. Ce que j’ai vécu, je ne veux pas que d’autres familles le vivent. » Magloire Diabley est en mission. Le 13 janvier 2018, son fils a été assassiné en plein cœur de Paris. Poignardé un soir d’hiver par un ado, à cause d’un conflit entre des jeunes du quartier de la Roquette dans le XIe, où a grandi Hismaël, et ceux de Riquet dans le XIXe arrondissement. Depuis, Magloire s’est juré d’honorer la mémoire de son fils par l’engagement contre ces violences. Ce samedi 23 septembre, comme chaque année depuis trois ans, il organise « Une journée pour la vie, une journée contre les rixes » dans le square de la Roquette, là où son adolescent a grandi.
« Comme il le disait lui-même, la Roquette, c’était son village », confie son père, alors qu’il nous fait la visite des lieux. Sous un pont, une belle fresque colorée a été peinte, avec le visage rond et jovial d’Hismaël : « 26-09-2002, 13-01-2018 ». Il avait 15 ans quand il s’en est allé. « Quand il était petit, il jouait dans le parc de ce côté, nous raconte Magloire en nous montrant les jeux pour enfants. Et quand il a grandi, il est passé de l’autre côté pour jouer sur le terrain de foot. » Au-dessus du pont, il y a tourné un clip avec ses potes du groupe de rap RCK Squad. Toute la vie d’Hismaël est dans ce parc : le foot, la musique, ses amis. « Mon fils rassemblait tout le monde. Il n’était pas méchant. Il était gentil, souriant », se remémore Magloire, qui était très complice avec son fils qui l’appelait Pap’s. Joueur de foot au Maccabi Paris, l’ado était surnommé Hismo Cuadrado, en référence au footballeur colombien Juan Cuadrado, à qui il ressemblait. Dans le rap, ses potes l’appelaient Hismo le Boss.
C’est à l’image de son fils que Magloire a imaginé la journée de ce 23 septembre, avec des tournois de foot et de basket dans la matinée. Le soir, à la salle Olympe de Gouges, un concert avec des jeunes rappeurs de Paris et sa banlieue aura lieu. Avant cela, à partir de 17h, des épisodes de Rixes, la série documentaire de StreetPress, sur la rivalité mortelle des bandes adolescentes, sera projeté, en présence d’Adama Camara, qui a perdu son frère dans une rixe et qui a voulu se faire vengeance lui-même. Depuis sa sortie de prison, il milite contre les rixes, un combat mis en lumière dans la série de StreetPress. Un débat sera organisé, avec la participation du Youtubeur le Chairman et le journaliste Aboubacar Sakanoko, pour sensibiliser les jeunes sur ce phénomène.
Magloire Diabley en a fait un combat. Il a passé des jours et des nuits avec des jeunes du XIe arrondissement, au parc de la Roquette ou au centre Paris Anim’ Mercoeur. « Quand j’ai vu le regard de ses amis à la mort d’Hismaël, j’ai senti qu’il y avait le match retour qui se préparait. Et je n’avais pas envie de revoir des jeunes mourir, surtout pour Hismaël », témoigne le père de famille. Il est devenu le tonton, comme l’appellent aujourd’hui les jeunes du quartier. « C’est en venant au square de la Roquette, en passant du temps auprès de ses amis, que je me suis reconstruit », raconte Magloire, qui va à la rencontre des jeunes à Paris et ailleurs pour sensibiliser contre les rixes. « C’est la mission que Hismaël m’a confiée. » Avec sa femme, il a justement fondé l’association Hismaël Diabley Junior (HDJ) pour mener ce combat. Aujourd’hui, tout ce travail lui a permis d’aller mieux, même s’il reconnaît qu’il a aussi connu des moments très difficiles. « Plein de choses vous passent dans la tête. La vengeance… J’ai failli me suicider. Si je ne l’ai pas fait, c’est pour ma famille, ma femme, ma fille. » Grâce à la série documentaire de StreetPress, il s’est rapproché d’autres familles qui ont perdu un enfant dans une rixe. Un élan de solidarité est né. « Je suis un papa victime. Mon témoignage est très important auprès des jeunes. Ils me racontent qu’ils se sentent délaissés. Il faut aller leur parler. On doit créer le lien avec eux, remettre de l’humain », dit-il. Magloire en appelle aussi à la prise de conscience des premiers concernés. « C’est aussi aux jeunes de comprendre. Qu’est-ce que ça vaut de tuer un enfant de 15 ans ? » Récemment, le meurtrier de son fils – âgé lui aussi de 15 ans au moment des faits – est sorti de prison. Il a sorti plusieurs titres de rap, faisant l’apologie de la drogue et de la violence, sans avoir l’air d’avoir pris conscience de la portée de son acte. Une attitude qui a remué Magloire. Des jeunes du XIe et du XIXe en ont même parlé entre eux, ne comprenant pas le comportement du jeune homme. « Pourquoi il a tué mon fils ? », s’interroge encore Magloire, qui a entamé une action judiciaire pour faire interdire les clips. « J’attends que la justice fasse son travail. » Coûte que coûte, le père de famille est déterminé à continuer son combat pour la mémoire de son fils. « Non à la violence », répète inlassablement Magloire Diabley. Aujourd’hui, Hismaël serait sans doute très fier de son Pap’s.
Aziz Oguz