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Août / 30

« Nous ne sommes pas des super-héros mais des athlètes »

By / Florian Dacheux /

Organisés à Paris jusqu’au 8 septembre, les Jeux Paralympiques sont vus comme une opportunité unique de créer une dynamique positive au service d’une société réellement inclusive. Au soir de la cérémonie d’ouverture à Paris, il y avait un énorme paradoxe de voir défiler sur les Champs-Elysées des para athlètes alors que la capitale elle-même est encore trop peu accessible pour les personnes en situation de handicap (lire notre enquête publiée en avril dernier). Immersion et analyse en direct de l’Arena de Bercy.

« Nous ne sommes pas des super-héros mais des athlètes »

«Il faut vraiment que tu arrêtes de parler de nous de cette manière, tu ne nous aides pas. On n’est ni à plaindre ni à survaloriser de cette manière. (…) Nous ne sommes pas des super-héros, on est des athlètes. Donc, venez nous voir parce qu’on va faire des performances, on va faire des exploits sportifs, c’est pour tout ça qu’il faut venir nous voir ». CQFD. Des mots signés Sofyane Mehiaoui* sur son compte Instagram en réponse au judoka français Teddy Riner qui avait qualifié, quelques jours plus tôt, les para athlètes de « super-héros ». Le ton est donné. Alors que Paris accueille les Jeux Paralympiques, toujours en retrait des Olympiques, cette mise au point du basketteur a précédé la cérémonie d’ouverture du 28 août qui a vu 4400 athlètes défilés sur les Champs-Elysées. Emmenée par la quadri-médaillée paralympique Nantenin Keïta, qui dispute ses cinquièmes et derniers Jeux d’été, la délégation tricolore a été acclamée au pied de la Concorde. Deux heures plus tôt, une sublime chorégraphie a eu le mérite de mettre en lumière le paradoxe d’une société qui se veut inclusive mais qui doit poursuivre ses efforts. “De la discorde à la concorde”, se sont formées le “creative gang”, censé incarner l’ouverture et le fait d’être unique, et la “strict society”, plus rigide et résistante au changement. Avant que le magnétisme de Lucky Love émeuve le public. Né sans bras gauche, l’artiste français a terminé torse nu son morceau “My Ability” (ndlr : soit  “ma capacité”, déclinaison de son titre “Masculinity”, déjà hymne LGBTQIA+), une manière de banaliser son corps et sa différence au monde entier…

Cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques © CPSF / KMSP

Une résilience à toute épreuve

En finir avec l’héroïsation, c’est tout l’enjeu de ces Jeux Paralympiques à travers lesquels la maire de Paris Anne Hildago espère un choc culturel. Depuis la création de l’Agence Nationale du Sport, il est vrai qu’une prise de conscience s’opère peu à peu au sein des fédérations pour considérer les para athlètes comme des sportifs à part entière en agissant davantage sur les moyens alloués. Il suffisait de se rendre à l’Accor Arena de Paris pour la première journée du basket fauteuil pour se rendre compte de la technicité des athlètes espagnols et américains opposés sur le parquet de Bercy dans l’après-midi avant que Canadiennes et Chinoises clôturent le show. Combinaisons, dribbles, changements de direction, shoots à trois points, déplacements tactiques, chutes… Tout y était. Une résilience à toute épreuve et un suspense à couper le souffle jusqu’à la fin de chaque match. Reste que le chemin est long avant que le sport, à l’image de notre société, soit réellement inclusif comme on pourrait l’espérer. Dans les faits, la réalité est plus complexe. Outre les actes discriminatoires auxquels ils font face au quotidien, les para athlètes sont beaucoup moins médiatisés et rémunérés. Bon nombre d’entre eux sont encore freinés par l’absence de ressources suffisantes. Face aux discours misérabilistes qui perdurent et la continuité de notre système oppressif qui veut que la personne dite valide, sans handicap, soit la norme sociale, des médailles nous aideront peut-être à changer les mentalités. A l’image d’Ugo Didier, nouveau champion paralympique du 400 m nage libre depuis jeudi. La France pourra également compter sur le cyclisme qui vise pas moins de 20 médailles à domicile. De son côté, la pongiste brésilienne Bruna Alexandre, amputée du bras droit, va devenir la première athlète de son pays à doubler JO et JP la même année… De quoi nous donner quelques idées… Non, la différence n’est pas un obstacle. C’est bel et bien une force. Et non, ces champions ne sont pas des Avengers !

 

 

Florian Dacheux

crédit photos cérémonie : © CPSF/KMSP

crédit Une : © J. Brueder – Ville de Paris

 


*Sofyane Mehiaoui, meneur de l’équipe de France de basket-fauteuil, a grandi à Paris. Grâce à l’appui de la mairie du 18e, il a créé un club dédié à cette discipline. Le Paris Basket Fauteuil compte aujourd’hui une trentaine de licenciés. Achats et réparations des fauteuils adaptés, déplacements des joueurs, recherche de financements… Sofyane se démène ! Il faut dire que le matériel coûte cher : 900 euros pour un fauteuil d’initiation, et jusqu’à 10 000 euros pour les modèles de compétition…

Florian Dacheux