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Fév / 02

Mai 2021 : un mois des Mémoires essentiel

By / Marc Cheb Sun /

Mai 2021 : un mois des Mémoires essentiel

La Fondation de la Mémoire de l’Esclavage vient d’annoncer son plan d’action pour 2021. Vingt ans après la loi Taubira, le mois de mai s’annonce stratégique en matière de lutte contre le racisme et les discriminations.
 
 
 
Fondée pour lutter contre le racisme et les discriminations en inscrivant l’esclavage colonial et ses héritages multiples dans l’Histoire de France, la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage (FME) poursuit son ambition entamée à l’automne 2019. Après une année dédiée à la recherche de partenaires et la mise en place de différents dispositifs, la FME entend en cette année 2021 déployer des actions concrètes. Et ce, 20 ans après la loi Taubira, une loi encore trop peu appliquée. « Nous sommes le premier pays à avoir reconnu que la traite et l’esclavage étaient des crimes contre l’humanité, rappelle Jean-Marc Ayrault, le président de la FME. Il s’agissait d’un acte politique fondateur trois ans après les revendications de la marche de mai 1998. C’est une loi qui nous montre la voie pour dire tout ce qu’il s’est passé. Notre passé colonial est plus que jamais au cœur de notre actualité. Ce n’est pas une question simple, qui est conflictuelle et qui s’inscrit dans une attente. On le voit bien dans les récentes manifestations anti-racistes qui ont soif d’égalité et de justice. C’est l’occasion de mieux comprendre ce qui a pu nous diviser et ce qui nous divise encore, pour mieux rassembler. »  

Dès le 27 avril, date anniversaire de la deuxième abolition de l’esclavage (1848), la Fondation entamera un cycle de commémorations jusqu’au 10 juin.

De La Réunion à La Rochelle : l’enjeu de la transmission
Pour mieux rassembler, la FME mise notamment sur l’organisation du Mois des Mémoires. Dès le 27 avril, date anniversaire de la deuxième abolition de l’esclavage (1848), la Fondation entamera un cycle de commémorations jusqu’au 10 juin, et une cérémonie en Guyane, avec la volonté d’aller bien plus loin que les traditionnels dépôts de gerbe. Le 10 mai, date anniversaire du vote de la loi Taubira par le Sénat, une cérémonie de remise des prix du concours de la Flamme de l’Egalité aura lieu en présence d’Emmanuel Macron dont les récentes prises de position sur le sujet ont quelque peu rassuré. L’exécutif prévoit même de dévoiler le 23 mai le projet de Mémorial aux victimes de l’esclavage qui sera installé au Jardin des Tuileries. Outre les cérémonies nationales, la FME, qui a d’ores et déjà apporté son soutien financier à plus de 80 projets et initiatives émanant de la société civile et du monde associatif, compte sur un vrai effort de mobilisation des collectivités locales sur l’ensemble du territoire. Des conventions ont été signées dans ce sens avec l’AMF, l’ADF ou encore le Conseil Départemental de Seine-Saint-Denis afin d’encourager un maximum de communes à organiser au moins un événement entre le 27 avril et le 10 juin. De Saint-Denis de la Réunion à Basse-Terre en passant par Bordeaux, Lorient ou encore La Rochelle, de nombreux élus et personnalités se saisissent peu à peu des enjeux et de l’impact espéré par la FME. « Nous jouons notre rôle de conseil auprès des pouvoirs publics et je vois des signes encourageants, affirme Jean-Marc Ayrault. Il faut dire l’histoire, toute l’histoire, les pages sombres comme les pages lumineuses. L’enjeu, c’est la transmission, c’est de s’adresser à tous, dans tous les territoires. Pour dire ce que nous sommes, un pays de diversité. »

 

Exigence et lucidité
Face au déficit de transmission qui perdure encore et à l’heure où nombreux sont les enseignants en manque de ressources éducatives sur le sujet, la FME ne manque ni d’idées ni d’outils. Après avoir entamé un cycle de formations à destination d’enseignants de Blois à Cayenne, l’équipe, dirigée par la conservatrice générale du patrimoine Dominique Taffin, a noué des liens avec l’Agence du Service Civique, Unis Cité et la Ligue de l’Enseignement, tout en développant des parcours thématiques avec des institutions culturelles telles que l’INRAP, le Louvre et le Panthéon. Une programmation numérique spécifique est en préparation, ainsi que la mise à disposition d’une exposition itinérante multimédia et d’un kit de commémoration. Dans cette quête de visibilité et d’une meilleure diffusion du savoir, la FME a également initié depuis juin une réflexion sur la place de la mémoire de l’esclavage dans l’espace public et lancera prochainement une seconde campagne d’affichage dans le métro parisien autour des textes poétiques d’Aimé Césaire, Rodney Saint-Eloi ou encore Elie Stephenson. A celles et ceux qui lui reprochent d’orchestrer un travail tourné sur le passé voire l’auto-flagellation, Jean-Marc Ayrault réplique. « Au contraire, ce sont des questions actuelles, insiste l’ancien maire de Nantes connu pour avoir inauguré en 2012 un mémorial de l’abolition érigé en bord de Loire. Nous avons besoin d’exigence et de lucidité sur notre histoire. Comme nous avons besoin d’une presse libre et indépendante pour forger notre opinion et débattre de questions les plus complexes. » La prise de conscience aura-t-elle lieu ? Ce travail de mémoire essentiel dépassera-t-il les clivages politiques afin d’avancer ensemble autour de notre histoire commune ? Sur fond de crise sanitaire, 2021 sera charnière.

 

Florian Dacheux

 

À paraître le 5 mai 2021 aux éditions Flammarion, collection Librio : L’Esclavage et la Traite négrière : 10 chapitres pour déconstruire les idées reçues, un ouvrage coordonné par Marc Cheb Sun et D’ailleurs et d’ici avec des contributions de Jean-Marc Ayrault, Pascal Blanchard, Myriam Cottias, Doudou Diène, Fanny Glissant, Aline Helg, Antonio Mendès, Maboula Soumahoro, Françoise Vergès et l’équipe de D’ailleurs et d’ici : Walid Rachedi, Réjane Éreau, Bilguissa Diallo, Florian Dacheux, Aziz Oguz, Charles Cohen.

Marc Cheb Sun