Mémoire et justice sociale : l’appel d’Elan Interculturel

Mai / 07

Mémoire et justice sociale : l’appel d’Elan Interculturel

By / La Rédaction /

A l’occasion de la journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions (10 mai), l’association Elan Interculturel souhaite engager une discussion sur la mémoire et le colonialisme encore présent aujourd’hui, surtout dans les débats autour de la migration. Leur objectif : faire reconnaître l’interculturalité comme une force.

Mémoire et justice sociale : l’appel d’Elan Interculturel

Le 10 mai doit devenir un moment crucial de notre conscience collective pour rendre hommage aux victimes de la traite transatlantique et du système esclavagiste qui s’étend encore aujourd’hui. Et même là, on aura fait que la moitié du chemin si on ne se confronte pas à notre passé colonial et aux impératifs de décolonisation actuels.

 

Le 10 mai est l’occasion de commémorer, mais surtout de réfléchir aux profondes cicatrices, que cette injustice historique a laissées dans le tissu de notre société contemporaine. Cependant, notre devoir de mémoire ne peut se limiter à la passivité ; il nous invite plutôt à célébrer cette journée par des actions concrètes visant le changement et la construction d’une société plus juste pour tous·tes. Il est essentiel de prendre conscience de la participation de notre pays à l’une des plus grandes tragédies de l’histoire de l’humanité et des violations des droits humains qui, pendant plus de 400 ans, a vu plus de 15 millions de personnes être victimes de la traite transatlantique des personnes réduites à l’esclavage. La France a organisé un total de plus de 4220 expéditions négrières, dont plus de 43% ont été lancées depuis le port de Nantes, en faisant ainsi le principal port français de la traite[1]. Immédiatement après le port de Nantes, on trouve Le Havre, La Rochelle, Bordeaux, Saint-Malo, Lorient, Honfleur, Marseille, Dunkerque et bien d’autres.

 

Néanmoins, la glorification des personnes qui ont promu et participé à cette tragédie imprègne encore aujourd’hui l’espace public. Nous marchons encore dans les rues où leurs noms ornent les places, les monuments, notamment les statues, qui les représentent toujours. L’une des manifestations les plus éclatantes de cette glorification est l’existence de la statue de Colbert, le créateur du Code Noir qui a légalisé et réglementé l’esclavage dans les colonies françaises. Érigée devant l’Assemblée nationale à Paris, elle représente un outrage au cœur même de la démocratie, un affront à la douleur et à la souffrance infligées à des millions d’individus réduits en esclavage et à leurs descendant·e·s. Laisser cette statue souligne encore actuellement le refus de se confronter à notre passé colonial et l’absence d’une journée nationale en mémoire des victimes de la colonisation française en est la preuve.

 

Cette position se manifeste aussi lorsque le peuple rejette le racisme institutionnalisé, comme lors de la marche du 21 avril dernier à Paris « en mémoire de toustes les jeunes victimes de crimes policiers, judiciaires et carcéraux » et en solidarité avec la cause palestinienne, qui a été initialement interdite. 

 

Le comble de l’ironie se manifeste quand la pensée coloniale s’arroge le droit de migrer afin de piller d’autres territoires et de faire assimiler leurs cultures, alors que les politiques migratoires européennes n’ont de cesse de fermer leurs frontières, à moins d’utiliser les migrant·e·s comme de la main d’œuvre bon marché et d’entretenir les réseaux de traites et d’esclavagisme moderne.

 

La pensée coloniale perdure. Le racisme, la xénophobie et le sécuritarisme gagnent du terrain en Europe. La décolonisation nous oblige à affronter ces inégalités et à travailler au démantèlement des systèmes d’oppression existants. « D’où que l’on vienne, où que l’on soit né·e, notre pays existe. Il s’appelle Solidarité.[2] »

 

Elan Interculturel 

 

[1] Nantes, la traite atlantique et l’esclavage. (2024, Avril 29). Extrait du Mémorial de l’abolition de l’esclavage.

[2] Extrait de l’appel de la campagne « Antiracisme et Solidarité ».