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Sep / 28

Lacoste et les banlieues : situation amoureuse, c’est compliqué !

By / Marc Cheb Sun /

Lacoste et les banlieues

Situation amoureuse: c’est compliqué !

Lacoste fait partie des marques françaises qui rayonnent dans le monde entier. Véritable pionnier du sportswear chic « à la Française », le crocodile bénéficie d’une notoriété qui touche toutes les générations. De terrains de tennis en Fashion Week, l’entreprise dépasse toutes les frontières. Intéressons-nous à son rayonnement dans les banlieues de l’hexagone.

Créée en 1933 par André Gillier et René Lacoste, Lacoste est une entreprise française, spécialisée dans la confection de prêt-à-porter haut de gamme. Conçue pour du sport, le tennis en l’occurrence. Son créateur, René Lacoste était champion de tennis, industriel, ingénieur et, surtout, un désigner hors pair. La marque sera rapidement identifiée numéro une du tennis, puis du golf. « Victime » de sa popularité, Lacoste va sans le vouloir casser les barrières de la mode. À une époque où porter un vêtement de marque était signe de respect, Lacoste va métamorphoser la mode en France, grâce à ou à cause, selon, d’une certaine population.

Sébastien Abdelhamid, journaliste, animateur télé et producteur, fait partie des nombreuses personnes qui ont grandi avec Lacoste. Le crocodile l’a accompagné depuis son adolescence et jusqu’à aujourd’hui. Selon lui, il y a plusieurs explications à ce phénomène : « Lacoste est arrivée à une période où l’état du sportswear n’était pas celui d’aujourd’hui. Les banlieues françaises ont énormément d’influence sur la mode. Porter du Lacoste était devenu une sorte d’uniforme. On est allé jusqu’à coudre des crocodiles sur des polos qui n’étaient pas du Lacoste. Lacoste à su supplanter toutes les autres marques à cette époque. Les marques ont joué un rôle très important dans les cours de récréations. Ton vêtement pour qu’il soit cool, pour qu’il soit branché, il faut que ça soit de la marque. Nike, Reebok et Adidas vont être les leaders parce que ce sont des marques de sports et que la Sneakers arrive en France. Mais rien ne dépassera Lacoste ».

 

« La marque est devenue kaïra »

 

Qui aurait imaginé qu’une marque française de vêtement haut de gamme devienne l’étendard et le symbole d’une jeunesse ? Dans un premier temps pour la jeunesse de banlieue puis pour la jeunesse française de différents milieux. Du jour au lendemain, Lacoste s’est vu portée par toutes les couches de la société.

Pour Sébastien Abdelhamid, Lacoste ne pouvait pas faire grand-chose pour reprendre son image en main à cette époque-là : « Le phénomène était lancé et ils ne pouvaient rien y faire. C’est comme si c’était trop tard. Nous, on voulait juste porter du Lacoste et on se foutait du reste ».

L’entreprise française a été mal à l’aise avec cette réappropriation de la marque et a lancé des grandes opérations de communication pour prendre de la distance avec cette image. Ce qui est tout à fait normal pour Sébastien Abdelhamid : « Le contexte social n’a pas aidé.  C’est logique que Lacoste ne veuille pas être assimilé à cette image. Tu voyais le crocodile dans les témoignages à la TV, dans les manifestations, dans des clips de rap. La marque, malgré elle, faisait partie de la culture de banlieue.  Il faut comprendre la préoccupation de marque et pas que celle du consommateur ».

Lacoste n’a pas non plus été aidé par ses propres collections. C’est connu : On peut porter du Lacoste dans toutes les situations. C’est comme ça que le crocodile se retrouve aussi bien dans les cités, que dans les cours de tennis ou encore dans les quartiers chics parisiens.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le rap a été un facteur parmi d’autres de l’expansion de la marque au sein des banlieues, selon Sébastien Abdelhamid : « Le rap français est un des vecteurs, mais ce n’est pas à cause de lui que tous les jeunes portaient du Lacoste. Oui, il y avait le groupe Arsenik qui avait créé toute son imagerie autour de Lacoste, mais je rappelle le contexte : Si les rappeurs portaient du Lacoste dans leur clip, c’est tout simplement parce qu’ils en portaient dans la vie »

L’ADN Lacoste

 

Bien que cette période fut mal vécue par la marque, elle a été nécessaire pour son développement. Aujourd’hui, la rue est devenue chic, les marques utilisent la banlieue comme symbole de leurs campagnes publicitaires. À la différence des autres, Lacoste ne s’est pas appropriée la banlieue, c’est la banlieue qui s’est approprié Lacoste. Si cela a été vécu comme un tsunami à l’époque, aujourd’hui la marque détient sa propre histoire. Elle est un acteur majeur de la mode, car elle a réussi à s’affranchir de la contrainte de segmentations de ses propres consommateurs. Pour être un géant, il faut savoir toucher plusieurs populations. Ce qu’elle a réussi à faire avec le temps.

Actuellement en pleine fusion entre le streetwear et les grandes marques de prêt-à-porter, Lacoste a su profiter de son passé pour entretenir le présent grâce à des collaborations avec des icônes de la mode et de la musique, des collections audacieuses qui mélange le haut de gamme, le streetwear et le sportswear. Aujourd’hui, c’est à la mode de s’approprier les codes de la rue, ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle pour Sébastien Abdelhamid : « Je suis très mesuré quant à cette nouvelle tendance. Ça peut être une révolution si on prend des gens issus de la banlieue pour créer et devenir des acteurs de la mode, mais si c’est juste pour récupérer une imagerie, des codes et en faire des spots publicitaires, je ne trouve pas ça très sain ». Il ajoute : « Lacoste est en avance sur son époque depuis des années, car la marque a finalement su cultiver cet ADN qu’elle portait déjà en elle ».

 

Amir Boulal

Marc Cheb Sun