RESISTANTS D’OUTRE-MER ET NOMADES

Août / 18

RESISTANTS D’OUTRE-MER ET NOMADES

By / akim /

DISSIDENTS D'OUTRE-MER

Au mois de juin 1940, l’amiral Robert, représentant le régime de Vichy aux Antilles, s’assure de la fidélité des îles au maréchal Pétain. Privés de liberté, craignant un retour de l’esclavage, exaspérés par les difficultés quotidiennes, les Antillais entrent peu à peu en résistance : c’est l’heure de la Dissidence. Dès le 1er juillet 1940 et la défaite de la France, Paul Valentino, ancien secrétaire général de la SFIO, maire de Pointe-à-Pitre et grand résistant, refuse l’armistice. « Français nous sommes, et Français nous voulons rester […] Si l’Allemagne règne sur la métropole française, elle ne régnera pas en Guadeloupe », déclare-t-il dans son discours. En plus des distributions de tracts et des manifestations, entre deux et cinq mille jeunes Antillais choisissent l’exil. Souvent à bord d’embarcations de fortune, au péril de leur vie, ils rejoignent les Îles britanniques voisines de la Dominique et de Sainte-Lucie. Le but : s’enrôler au sein des Forces françaises libres (FFL) avant de rallier l’Europe ou le continent nord-américain. Et, pour certains, intégrer des unités combattantes. Descendants de l’esclavage, il leur est impossible de ne pas se lever, de ne pas combattre nazisme et fascisme. À l’été 1943, la Martinique et la Guadeloupe se libèrent du joug vichyste. Intégrés aux bataillons de marche des Antilles n° 1 et n° 5, c’est en Français libres que ces milliers de jeunes participent à la libération de l’Hexagone. Sujet quasi inconnu en métropole, la mémoire de La Dissidence reste vive aux Antilles. Ce n’est qu’en juin 2014, soit soixante-dix ans après les faits, que George Pau-Langevin, ministre des Outre-Mer, accompagnée du secrétaire d’État aux Anciens combattants, préside le premier hommage national en l’honneur de ces hommes et femmes. Une plaque leur est enfin dédiée : « Aux dissidents de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane. Refusant la défaite, ils ont bravé les océans pour rejoindre la France libre et se sont battus en héros pour sauver la patrie ».

Lisa Serero

Paul Valentino, ancien secrétaire général de la SFIO, maire de Pointe-à-Pitre de 1945 à 1959, et grand résistant.

Dans Parcours de dissidents, la cinéaste Euzhan Palcy revient sur une page méconnue de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale : l’engagement de milliers de jeunes Antillais dans le combat pour la France libre.

Résistance nomade

Né en 1925, Raymond Gurême a tout juste quinze ans lorsqu’il est arrêté avec sa famille par les gendarmes. Nous sommes en 1940 et l’Allemagne ordonne à la France d’interner les gens du voyage. Le père de Raymond a pourtant combattu sous le drapeau français durant la guerre de 14-18. Qu’importe… Les Gurême sont parqués dans un camp de rassemblement à Darnétal, près de Rouen, avec camions et roulottes. Le 27 novembre 1940, ils doivent tout abandonner et sont déportés au camp d’internement de Linas-Montlhéry, en Essonne. L’agilité d’acrobate de Raymond lui permet de s’échapper. Sa famille, elle, continue d’être transférée dans différents camps. Après avoir été arrêté pour le vol d’un camion allemand, le jeune Raymond est conduit dans un camp de travail. À sa sortie, il décide de s’engager dans la Résistance jusqu’à la fin de la guerre. Son combat pour la France libre, et l’internement injuste dont sa famille a été victime, n’ont jamais été reconnus par l’État, si ce n’est par une symbolique mais insuffisante attribution de la Légion d’honneur. En 2010, Raymond Gurême publie Interdit aux nomades *, un livre coécrit avec la journaliste Isabelle Ligner. Depuis, le vieil homme parcourt le pays en évoquant ce chapitre occulté de l’histoire française dont il est l’un des rares survivants. Raymond est aujourd’hui installé avec sa famille dans l’Essonne à proximité du camp où il fut enfermé.  L.S.

* Éditions Calmann-Lévy.

MAI 1946 Plus d’un an après la fin de la seconde guerre mondiale, les “nomades” sont les derniers internés français à quitter les camps. Ils ne recevront aucun dommage pour les préjudices subis.

Grande image carrée : Archive Assemblée Nationale

 

akim