ARTISTES AFRO-DESCENDANTS

Clown Chocolat
Plus d’un siècle ! C’est le temps qu’il faudra pour que cette histoire soit enfin révélée au grand public, grâce au film de Roschdy Zem, Chocolat. Né esclave à Cuba, Rafael Padilla débarque en Europe après avoir été vendu. Évadé, puis engagé comme domestique, Rafael devient le partenaire scénique  du clown blanc Tony Grice. 1886 : le duo présente ses premiers numéros à Paris, l’ancien esclave est rebaptisé Chocolat.
Une méprisable appellation, communément réservée aux Noirs. Et Rafael Padilla rencontre George Foottit, un clown britan­nique. C’est la consécration pour leur duo : un succès qui durera près de quinze ans… et met en exergue le racisme de l’époque.
Le Blanc dans la peau du boss, le Noir, niais et puéril, dans celle du souffre-douleur. L’expression Je suis chocolat (Je suis KO) serait même née de leur numéro ! Des publicités s’amusent de la couleur du clown. Comme celle du savon Pal : on y voit l’artiste se faire savonner jusqu’à… en blanchir. Chocolat visite les hôpitaux pour divertir  les enfants malades, et crée le concept  de thérapie par le rire. C’est enfin le premier acteur noir à interpréter l’Othello de Shakespeare en France. Un pari auquel le public n’a pas adhéré… Après une des­cente aux enfers, Rafael Padilla décède en 1917 et tombe dans l’oubli général. Lisa Serero
À lire : Choco­lat clown nègre, l’histoire oubliée du premier artiste noir de la scène française, Gérard Noiriel, 2012, éditions Bayard.

Alexandre Dumas
Le célèbre auteur des Trois mousquetaires et du Comte de Monte-Cristo aurait-il changé de couleur au fil des siècles ? Comment expliquer que cet écrivain noir du xixe soit joué par un acteur blanc au cinéma en 2010 ? Peu de Français le savent : Alexandre Dumas est le fils de Thomas Alexandre Dumas, premier général de l’armée française, aux origines afro-antillaises, et d’une esclave noire, Marie-Louise-Élisabeth Labouret. Un « mulâtre » de Saint-Domingue, c’est ainsi qu’on désignait Alexandre. Une identité qui lui valut de nombreuses moqueries et insultes racistes tout au long de sa vie. Dans ses mémoires, Alexandre Dumas s’est lui-même décrit comme un nègre, avec des cheveux crépus et un accent légèrement créole. Mais, en 2010, rien de tout cela à l’écran. Dans le film de Safy Nebbou, L’Autre Dumas, c’est Depardieu qui incarne l’écrivain… devenu blanc. Exit le racisme dont Dumas a souffert.
En 2002, lors du transfert des cendres de l’écrivain au Panthéon, le président Chirac évoque longuement l’injustice dont Dumas fut l’objet : « Fils de mulâtre, sang mêlé de bleu et de noir, Alexandre Dumas doit alors affronter les regards d’une société française qui […] lui fera grief de tout : son teint bistre, ses cheveux crépus, à quoi trop de caricaturistes de l’époque voudront le réduire […] Certains de ses contemporains iront même jusqu’à lui contester la paternité d’une œuvre étourdissante, et son inépuisable fécondité littéraire qui tient du prodige ».

Le Chevalier de Saint-George
Rares sont les figures historiques noires, actrices de la vie culturelle et artistique française, à être mises en avant. Au xviiie siècle, le Chevalier de Saint-George (1745-1799) est fils d’un colon néerlandais et d’une esclave guadeloupéenne. Ce métis affranchi reçoit une éducation digne d’un jeune aristocrate. Escrime, musique, danse, équitation… Rien ne lui résiste et tout lui réussit. Le Chevalier devient le premier compositeur noir à la cour royale. Désormais l’un des favoris de Marie-Antoinette, il écrit ses propres sonates, concertos, symphonies, opéras-comiques… Celui que l’on a tardivement nommé Le Mozart noir pour ses talents de compositeur, chef d’orchestre et violoniste, est alors pressenti pour diriger l’Académie royale de musique. Ce poste prestigieux lui est violemment refusé en raison de sa couleur de peau. Après sa mort en 1799, Napoléon Bonaparte décide d’effacer cet artiste hors pair de la mémoire collective en bannissant sa musique et détruisant ses œuvres. Encore aujourd’hui, le Chevalier de Saint-George peine à trouver la place qu’il mérite dans les pages d’histoire.