5 romans sur l’histoire coloniale, une sélection Bookapax

Eric Vuillard est un écrivain du court, du concis, et du tranchant. Le lire revient à aller à l’essentiel, sans fioritures ni contournements. Avec Congo, il revient sur les folles et terribles velléités d’un homme, Léopold II, roi des Belges qui s’est auto-proclamé roi du Congo (ndlr : République Démocratique du Congo aujourd’hui, à ne pas confondre avec la République du Congo Brazza colonisée par la France). Dans ce pays d’Afrique centrale qui fait 80 fois la Belgique, durant vingt ans, se jouera l’histoire d’un génocide oublié. Dix millions de morts.

Leopold II achète les terres, les montagnes, les fleuves et les espaces. Il fait sien les hommes aussi qui, entre ses mains, se voient soumis, massacrés, découpés. Le colon coupe des mains et en remplit de pleins paniers. Il chasse, scalpe, accumule les trophées, et en cette fin de 19^ème siècle, décime en paix. C’est cette Histoire, avec ses tenants et ses aboutissants, avec ses causes et ses conséquences, que raconte Eric Vuillard, avec des mots sans concessions, des mots gorgés d’une froide colère, des mots empreints d’une saine émotion.

Congo de Eric Vuillard, Editions Actes Sud.

Ouvrez ce livre court, plongez dans ses pages, et laissez-vous porter par la plume envoûtante de Cheikh Hamidou Kane. Suivez Samba Diallo, cet enfant Peul qui, chaque jour, se rend auprès de son maître pour apprendre le Coran et la culture musulmane dans un mélange de douleur et d’exaltation mystique. Un jour, Samba Diallo est retiré à son maître pour être confié aux Pères Blancs et aller à l’école de la colonisation.

C’est une lecture à la fois belle et exigeante que cette Aventure ambiguë. C’est le parcours d’un homme qu’on arrache au socle familial, culturel, religieux pour l’implanter dans un terreau autre, celui du colon, de l’européen. Samba Diallo va étudier, il va quitter ses terres, il sortira de l’école licencié de philosophie. L’adulte va en savoir plus que ses parents sur le monde, sur les enjeux de pouvoir, sur les Blancs, etc. Mais plus il accumulera de savoir, plus il perdra en tradition. Et ce sont ces tiraillements, ces déchirements, ces crises de conscience que raconte Cheikh Hamidou Kane avec une poésie qui prend aux tripes et faire profondément réfléchir.

L’aventure ambiguë de Cheikh Hamidou Kane, Editions 10/18.

On est en 1947 et l’histoire se déroule entre le Sénégal et le Mali actuels, sur la ligne de chemin de fer Dakar-Niger. Les cheminots noirs décident de se mettre en grève afin d’obtenir les mêmes droits que leurs collègues blancs s’agissant des salaires, des retraites, des primes, etc. La grève va durer cinq mois. Cinq longs mois durant lesquels le train ne va circuler qu’une fois par semaine, conduit par les Français.

Ce sont ces cinq mois de lutte que raconte Ousmane Sembene. Sa langue se fait foisonnante, riche, abondante, tandis qu’elle embrasse à la fois la mobilisation des grévistes et la détermination de leurs femmes et enfants. C’est une vision très large que nous offre l’auteur, dans une ambiance brûlante et festive.  Par petites touches révélatrice, le romancier nous montre à quel point les Droits de l’Homme sont restés en terre hexagonale, à quel point la souffrance domine et les inégalités se font prégnantes. La France pose un genou au bout de ces longs mois de lutte, et de Thies à Bamako en passant par Dakar, la liesse sera complète.

Les bouts de bois de Dieu de Ousmane Sembene, Editions Pocket.

Nailah n’a aucune envie d’être là. Elle n’en veut pas de ces vacances chez sa grand-mère en Martinique. Elle traine des pieds, sent que les journées vont être longues et ennuyeuses. Nailah ne connait presque rien du pays de naissance de sa mère. Elle ne le sait pas encore, mais ces vacances vont marquer un tournant dans sa vie. Derrière les clichés, derrière les plages de sable blanc et les cocotiers, l’adolescente va découvrir une autre réalité : des terres que le colonialisme a ravagées, la violence des colons, les déportations, etc.

Un vieux secret de famille va mener Nailah dans les coulisses de la magie ancestrale, dans la Martinique du 17^ème siècle. Trois voix vont se faire alors entendre, trois femmes d’époque (Funmilayo la prêtresse yoruba déportée comme esclave, Nonum la jeune chamane, et Rozenn la paysanne bretonne arrivée dans la colonie après avoir été accusée de sorcellerie) qui vont ouvrir Nailah à l’histoire des peuples, à certaines réalités crues, aux conséquences de l’esclavage et de la colonisation jusqu’à aujourd’hui.

La prophétie des sœurs serpents de Isis Labeau-Caberia, Editions Slalom.

Amel, Louis et Omer. Trois personnages. Trois parcours. Et un événement, celui qui a marqué la journée du 17 octobre 1961. Ce jour-là, alors que la guerre d’Algérie fait rage, une foule d’hommes et de femmes se dirigent vers Paris pour manifester pacifiquement contre le couvre-feu qu’impose le préfet de Paris aux Algériens. A leur sortie du métro, les manifestants sont violemment réprimés, tabassés, jetés dans la Seine, emprisonnés.

Cette journée marquée par le sang et la terreur, Amel, Louis et Omer ne la connaissent pas. Pourtant leurs parents l’ont vécue, de près ou de loin. C’est pour mieux avancer qu’ils vont fouiller le passé.

La Seine était rouge de Leïla Sebbar, Editions Babel.

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À suivre : 5 romans sur l’histoire coloniale, 5 romans sur la Shoah.