5 romans sur l’esclavage, une sélection Bookapax

Sep / 02

5 romans sur l’esclavage, une sélection Bookapax

By / Assmaâ Rakho-Mom /

5 romans sur l’esclavage, une sélection Bookapax

Chroniqueuse littéraire, Assmaâ Rakho-Mom, alias Bookapax, nous livre une sélection de romans dédiés à l’esclavage et à la traite négrière. Une sélection grand public, essentielle pour comprendre notre histoire commune.

"Racines", une pépite faite d’enfer et de consolation, qu’on lit pour ne jamais l’oublier

Kounta Kinté est un fier Mandingue d’Afrique de l’Ouest de seize ans, sûr de lui et de son destin parmi les siens. De loin en loin, il entend parler de ces toubabs qui enlèvent des hommes et les emmène Dieu sait où. Un soir de 1766, Kounta est dans la forêt quand il est capturé, brutalisé, fouetté, affamé, jeté au fond d’une cale, et emmené terrifié dans l’obscurité d’un navire négrier. Lui qui rêvait d’être guerrier comme son père, voyageur comme ses oncles, ne reverra jamais plus les lieux de son enfance. Kounta Kinté est vendu à un planteur de Virginie, aux Etats-Unis. Il se marie, fonde une famille soumise aux fers incandescents du maître, et ne cesse de transmettre à sa descendance tout ce que son corps, tout ce que ses mots contiennent d’Africain. Il leur inculque aussi la flamme d’indépendance toujours enfouie au fond de ses entrailles. Ses petits-enfants, ses arrières-petits-enfants, ses arrières-arrières-petits-enfants ne doivent oublier ni son nom ni les images luxuriantes qu’il leur a décrites des plaines d’Afrique. C’est ainsi que Alex Haley, son arrière-arrière-arrière-arrière-petit-fils, va se souvenir de lui, et raconter sa trop douloureuse histoire.

Racines de Alex Haley, Editions J’ai lu.

"L'invention des ailes", le roman terrible et révoltant de deux femmes ostracisées

L’une est esclave, l’autre est écrasée par les carcans bourgeois. Une amitié improbable les lie, n’empêchant ni heurts ni malheurs. Ces deux voix à la fois fortes et ostracisées, ce sont celles de Sarah, fille d’une riche famille de propriétaires terriens de Charleston, en Caroline du Sud, et de Handful, esclave que la famille offre à Sarah pour ses onze ans.

Mais Sarah regarde son monde avec un œil méprisant. Elle ne veut pas de ce cadeau qui vient renforcer son dégoût des pratiques esclavagistes. Mais elle n’a d’autre choix que d’accepter cette enfant noire qu’on lui impose et qui dort devant la porte de sa chambre, à même le sol, chaque soir.

Entre Sarah et Handful, nait peu à peu une amitié à la fois terrible et pleine d’espoirs. Ce sont les voix de ces deux filles, puis de ces deux femmes que le lecteur va tour à tour entendre. Handful, totalement privée de liberté, soumise à des règles cruelles, moins bien traitée que les animaux, concentre énergie et intelligence pour aller vers son affranchissement. Et Sarah, qui vit dans une prison dorée, va tout faire pour échapper aux règles de son milieu. Deux voix d’autant plus puissantes qu’elles sont loin d’être égales, qu’elles sont faites de malaises, de fulgurances, de menus bonheurs aussi.

L’invention des ailes de Sue Monk Kidd, Editions 10/18.

"Underground Railroad", un ouvrage précieux dont on sort hébété

Un style cinématographique, une écriture très visuelle. Le lecteur qui ouvre ce livre doit se préparer à prendre une claque littéraire. L’Underground Railroad est une voie ferrée souterraine. Autour de cette voie s’est organisé un réseau clandestin permettant aux esclaves en fuite d’arriver sains et saufs dans les territoires abolitionnistes. En Géorgie, dans une immense plantation de coton, vit Cora, esclave depuis son plus jeune âge. Abandonnée par sa mère fugitive, Cora cultive avec amour un petit lopin de terre reçu en héritage par sa grand-mère. Elle a seize ans quand elle rencontre Caesar, et avec cet amour vient l’envie de fuir, chevillée au corps de ce jeune homme.

 

Mais la liberté a un prix. Un prix élevé dans cette Amérique de l’après-guerre de Sécession. Cora va s’en rendre compte tout au long de ses jours de cavale, au fil des rencontres en territoires hostiles et racistes. A travers les destins de ces esclaves en fuite, Colson Whitehead dresse en filigrane un portrait de l’Amérique, sombre et alarmant.

 

Underground Railroad de Colson Whitehead, Le Livre de Poche.

Bonus pour adolescent.e.s !

"La vraie couleur de la vanille", un roman plein d’émotions, de sciences et de violence

Sur l’île Bourbon, qui va devenir l’île de la Réunion, Ferréol Bellier Beaumont est à la tête de l’immense plantation familiale de canne à sucre. Il possède plusieurs dizaines d’esclaves, et n’est ni marié ni père de famille. C’est alors qu’il décide d’adopter un jeune esclave dont la mère vient de mourir. Il va l’appeler Edmond, et lui enseigner tout ce qu’il sait en matière de botanique et de classification des plantes.

 

Sauf qu’Edmond apprend vite. Edmond est vif et intelligent. Edmond a du génie. A douze ans, il découvre comment féconder la vanille. Mais son statut d’enfant et d’esclave le condamne. Il ne peut avoir réussi là où d’éminents botanistes ont échoué.

 

La vraie couleur de la vanille de Sophie Cherer (à partir de 13 ans), L’Ecole de Loisirs.

"Philida" fouille l’histoire familiale pour en exhumer les horreurs

Philida est esclave sur la grande propriété viticole de François Brink, près du Cap. De ce dernier, elle a eu quatre enfants. Le maître a promis à Philida de lui rendre sa liberté. Il n’en sera jamais rien. Alors dans un geste fou, l’esclave porte plainte. En cette année 1832, l’abolition de l’esclavage se profile (il aura lieu en 1834). Les conséquences du geste de Philida ne se font pas attendre. Elles seront terribles, mais la jeune femme reste debout, avec un sentiment profondément enfouie de liberté, qu’elle conserve jusqu’au bout.

 

Philida de André Brink (à partir de 16 ans), Editions Babel.

@bookapax

À suivre : 5 romans sur l’histoire coloniale, 5 romans sur la Shoah.