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Août / 17

UN COMBAT POUR LES DROITS CIVIQUES

By / akim /

UN COMBAT POUR LES DROITS CIVIQUES

Les années 1960 aux États-Unis consacrent l’apogée d’un partenariat spirituel, éthique et politique de certains Noirs et Juifs. Dès 1909, de nombreux militants juifs, religieux ou non, participent à la création de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP) aux côtés de dirigeants noirs. Puis, c’est au tour de philanthropes juifs de financer cette association ainsi que des écoles (primaires, collèges, lycées, universités) où 40 % des Noirs du Sud finissent par étudier. Des organisations juives telles que l’American Jewish Committee, l’American Jewish Congress et l’Anti-Defamation League appuient activement le mouvement des droits civiques. En juin 1964, la campagne Freedom Summer est lancée : des volontaires se rendent dans le Mississippi pour inciter les électeurs noirs à voter. De nombreux Juifs sont du voyage. Deux d’entre eux, Andrew Goodman et Michael Schwerner, sont abattus par le Ku Klux Klan ainsi que le militant noir James Chaney. Pour la célèbre marche de Selma à Montgomery le 20 mars 1965, Martin Luther King invite le rabbin Abraham Heschel à ses côtés, au premier rang de la manifestation. Ce moment sera immortalisé par la presse et deviendra le symbole de la solidarité et la fraternité entre Juifs et Noirs aux États-Unis.

Lisa Serero

Deux questions à Nicole Lapierre1

Comment est-on passé, aux États-Unis, d’une logique de luttes communes entre Juifs et Noirs, à une concurrence des mémoires ?

Une fois les droits civiques obtenus, la vie des Noirs a très peu changé : les discriminations se sont poursuivies. Cette frustration a généré une radicalisation du mouvement avec une volonté de se battre seul. Sans oublier que, contrairement aux Noirs, une bonne partie des Juifs américains a bénéficié d’une mobilité sociale. Avec l’apparition du conflit israélo-palestinien, l’éloignement entre les communautés s’est accentué.

En France, on a assisté au prolongement de cette fêlure à travers des phénomènes extrémistes minoritaires, comme l’antisémitisme noir ou le racisme juif. Suite à un passé en partie lié à la collaboration, la France a reconnu tardivement la gravité de la Shoah jusqu’à lui accorder une place de référent absolu. Un traitement à l’opposé du sort réservé à la reconnaissance du colonialisme. Résultat : les Juifs sont vus comme les victimes emblématiques.

Quelles pistes pour retisser des liens ?

Aux États-Unis, la presse noire parlait des pogroms en Europe de l’Est tandis que la presse juive dénonçait les lynchages dont les Noirs étaient victimes. Il faudrait qu’en France, on puisse retrouver cette lutte commune. Les gouvernements ont leurs responsabilités : lorsque leurs promesses sont trahies à l’égard d’une population discriminée, le ressentiment ne peut que s’aggraver. Il faut à la fois imaginer un idéal de justice et d’égalité, et créer des espaces de rencontre pour favoriser l’interconnaissance et atteindre ainsi un humanisme concret. Cela suppose un soutien appuyé au tissu associatif qui peut mener à bien cette mission.

Propos recueillis par L.S.

1. Auteure de Causes communes. Des Juifs et des Noirs. Éditions Stock.

akim