Jan / 22
Art et histoire : l’incroyable collection de Cheryl Ann Bolden!
Collectionneuse, voyageuse, éducatrice : difficile de cataloguer Cheryl Ann Bolden tant elle colle à chacun de ces qualificatifs. Curieuse et observatrice seraient sans doute les mots qui correspondraient les mieux à cette sexagénaire américaine, arrivée à Paris au milieu des années 90. Plongée dans son atelier niché dans une friche artistique d’Aubervilliers.
Entre caverne d’Ali Baba, atelier d’artiste et bureau, on ne sait plus où poser les yeux lorsqu’on pénètre dans l’antre de la créativité de Cheryl. « Je me suis intéressée à la médecine chinoise, ça m’a sensibilisée aux autres cultures très tôt dans ma vie ». Après quelques années en Chine, puis en Grande Bretagne pour étudier l’image des Noirs dans l’art européen au 17ème et 18ème siècle, un passage en Australie où sa rencontre avec les Aborigènes la marque durablement, Cheryl rentre temporairement aux États-Unis. Elle Y devient guide touristique, puis ouvre une galerie d’art dans sa ville natale de Charlottesville. « Je suis née à une époque particulière : nous cherchions à nous définir en tant que Noirs, des figures majeures comme Maya Angelou ou Toni Morrisson exprimaient la singularité de notre expérience… notre histoire traumatique se traduisait notamment dans des objets, ça m’a interrogée et poussée à collectionner. En devenant guide touristique, j’ai pu entrer dans d’anciennes maisons coloniales ».
Et c’est ainsi que Cheryl commence à accumuler des objets issus de l’époque de l’esclavage et des articles plus récents, telle une gardienne des traces de l’histoire contemporaine. « Certains m’ont été confiés, d’autres collectés avec les années, mais tous témoignent de l’histoire et de la présence noire aux États-Unis ». Des éléments parfois aussi banals que des poupées de chiffons noires, des affiches publicitaires, des représentations d’Harriet Tubman ou Rosa Parks, des livres d’anthologie de l’histoire noire, tous représentent des pièces à conviction qui disent la place sociale des afro-américains dans l’histoire de ce pays et les stéréotypes qui collent à la peau des Noirs.
« Ces objets sont aussi l’occasion de provoquer des conversations, des réflexions avec les plus jeunes que je rencontre en ateliers ou en cours d’anglais ».
Également performeuse, Cheryl utilise parfois cette matière pour créer des installations artistiques, du recyclage ou participer aux événements de la friche artistique où elle est installée. L’idée est toujours d’aller à la rencontre des gens, en particulier les jeunes.
La distance avec son pays d’origine lui occasionne une réflexion sur la diversité à la française. Via sa pratique artistique, elle interroge l’expérience noire à travers le monde selon un prisme différent. « J’ai une fille métisse, à moitié britannique et élevée en France. Notre vécu est très différent. Cependant des questionnements quant à son identité la traverse, elle aussi et bien qu’elle se sente 100% française ».
Une preuve que la question de la diversité et du patrimoine qui y est attaché est loin d’être réglée.
« Ce qui me caractérise, c’est la curiosité. J’ai 63 ans, mais je me pose toujours des questions, je veux faire des expériences et comprendre ».
L’atelier de Cheryl est accessible sur demande. C’est un lieu qui vaut le détour… Et l’artiste est toujours prête à entrouvrir des champs créatifs, notamment via des cours d’anglais destinés aux jeunes, qui permettent une réflexion autour des thématiques qui lui importent.
Bilguissa Diallo
Photos: Willy Vainqueur
Infos pratiques
Atelier accessible sur demande, 6 personnes au maximum
preciouscargo75@gmail.com
Villa Mais d’Ici, 77 rue des cités 93300 Aubervilliers
http://www.museumpreciouscargo.org/
http://www.villamaisdici.org/
Pour les jeunes, accessible avec ce pass : https://aide.passculture.app/fr/category/18-ans-1dnil5r/