L’HOMME AUX QUATRE NAISSANCES

Sep / 09

L’HOMME AUX QUATRE NAISSANCES

By / akim /

L’HOMME AUX QUATRE NAISSANCES

C’est l’histoire d’un homme qui est né plusieurs fois. Du temps où il grandit dans le xiiie arrondissement de Paris, Jean-Baptiste Phou garde « le bruit de la pluie sur les pavés, un peu l’atelier des parents… C’est tout ». Les parents, Cambodgiens arrivés ici dans les années 70 pour fuir les Khmers rouges, triment à l’atelier de confection qu’ils ont créé. Et élèvent leurs quatre enfants (il est le troisième) dans le silence absolu, celui de leur culture, celui du génocide1.
Défiant son père dubitatif, Jean-Baptiste obtient son bac littéraire, avec un dix-sept en français ! Lui… orienté, un premier temps, en STT (Sciences et Technologies tertiaires). Le charisme de la prof avait agi : « Elle m’a ouvert une fenêtre : l’amour de la littérature. » Deuxième naissance.
En DUT de commerce, l’étudiant Phou obtient les meilleures notes de sa promo. « Même dans les matières scientifiques, alors que je connaissais à peine mes tables de multiplication… » Il intègre la prestigieuse École supérieure de commerce de Paris. Conseil de l’un de ses enseignants : « Puisque tu ne sais quelle carrière embrasser, fais de l’argent, ça servira toujours ! » Jean-Baptiste pratiquera la finance de marché à Barcelone, avant d’être débauché par Singapour.
Troisième naissance, disparition de sa grand-mère paternelle. L’appel des racines. Pas un coup de foudre « mais un fil à dérouler : une composante manquait à mon identité ». Et puis il ne supporte plus la banque. Alors – sans trop y croire – il répond à une annonce et décroche un premier rôle dans une comédie musicale !
Adieu Singapour, vive Phnom Penh.
Rentré en France, l’identité coince aux entournures. L’acteur Jean-Baptiste ne se reconnaît pas dans les offres : « Fais le Chinois ! Prends l’accent ! » « Là, je me dis : y a un problème. Je n’ai pas quitté mon métier superpayé pour ça. Donc je décide d’écrire. Sans conseil ni atelier d’écriture. Je voulais parler à ma manière et à la première personne. Puisque nul ne m’attendait, je pouvais tout me permettre. Alors autant me lancer ! »
Créée à Paris en 2011, Cambodge me voici bouleverse le public français. La pièce joue à guichets fermés. Un an plus tard, la version en langue khmère fait carton plein au Cambodge. Avec, en guest star, Dy Saveth, la Catherine Deneuve locale.
Et M. Phou père souffle à son fils : « Tu as donc compris notre souffrance… »
C’est la quatrième naissance de Jean-Baptiste Phou.

Auteur: Anasthasie Tudiesch

Photo: Laurent Fontaine Czaczkes

 

 

 

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