Les RDV de Zaïa – Sur les routes d’une identité apaisée

Mai / 12

Les RDV de Zaïa – Sur les routes d’une identité apaisée

By / akim /

Mariam (Negrifik) par Alexis Peskine 

Les RDV de Zaïa

Sur les routes d’une identité apaisée

La transmission de l’histoire de l’esclavage transatlantique croise les questionnements et les constructions de jeunes Français dans l’hexagone et outre-mer. Ma réflexion démarre sur internet, comme ça, presque par hasard, en suivant le compte Instagram de mon ami Ibrahim.

Parfois, on surfe un peu machinalement sur les réseaux sociaux.

Curieuse curiosité que de vouloir savoir ce que nos amis ont fait de leur journée : de story en story, on clique. 

Depuis quelques jours sur Instagram, Ibrahim, mon ami franco-sénégalais, refait une fois de plus son show.  Extraverti, ce chauffeur de taxi parisien de 33 ans est également comédien.  Là, Ibrahim est au Sénégal, son pays d’origine, celui de ses parents, un séjour pour «se ressourcer». Mais ce jour-là, le ton de la story est moins enjoué qu’à l’ordinaire…

«À Gorée, j’ai pris une grosse gifle»

Via sa story, Ibrahim partage avec nous la visite de son musée local, à Thiès, ville de naissance de sa mère.

Thiès la discrète comme certains l’appellent,  à 70 kilomètres à l’est de Dakar, c’est pourtant la seconde ville du Sénégal. C’est la première fois en 33 ans qu’Ibrahim tape Musée Thiès sur Google et…  découvre qu’un lieu de mémoire est bel et bien présent à quelques kilomètres de lui.  «J’ai plus appris sur notre histoire en ces dix jours à Thiès que durant toute ma vie !»

En fait, c’est le Fort de Thiès qui abrite Le Musée régional, relié à un centre culturel, une bibliothèque, un atelier de peinture sous-verre et sa galerie d’exposition.

Inauguré le 10 février 1975 par le président Léopold-Sédar Senghor, le lieu a été rénové vingt ans plus tard grâce à des subventions.

Entrée du Musée régional de Thiès, ©Le blog de voyage de Sadjo, 2018

C’est un petit musée qui, comme beaucoup, manque de moyens -3000 euros de budget annuel- mais qui accueille scolaires et touristes pour présenter la richesse du patrimoine. Le conservateur actuel, Pierre-André Coly, a gentiment donné des éléments à un Ibrahim curieux : il a pu notamment visiter un pavillon consacré à l’histoire du chemin de fer dans la région et un autre dédié à l’histoire de Thiès. Il a écouté les exploits de Lat Dior, héros de la résistance contre la colonisation française.

Fin de visite, M. Coly plaide sa cause: «Nous souhaitons nouer davantage de partenariats, ici et à l’étranger. Si des structures souhaitent travailler avec nous, ou contribuer à notre développement, nous sommes ouverts à toute proposition.» [1]

De retour à Paris, je retrouve Ibrahim pour un café. Il partage son regret de ne pas avoir reçu la transmission de cette histoire : ni par ses parents, ni par l’école.

Pourquoi ne pas avoir bénéficié d’un tel savoir plus tôt, ici, en France ? Pourquoi ne pas aborder ce sujet qui le concerne tant ? Ibrahim s’inscrit, lui aussi, dans la lignée de cette histoire.

Je sens que ce voyage l’a changé.

«J’ai pris une grosse gifle. Quand tu pars de là, tu as un arrière-goût de on nous a mis la misère. Si tu n’as pas assez de recul, tu peux tomber dans un racisme primaire.»

Malgré une certaine amertume, Ibrahim reste très demandeur pour apprendre davantage sur cette thématique. Ecouter et absorber cette histoire douloureuse, celle de l’esclavage et de ses répercussions, l’a bouleversé mais nourri dans sa réflexion sur sa place en France et dans le monde.

S’imprégner de ces récits, en connaître les ressorts est nécessaire pour se construire plus sereinement, il en est certain.

Après Thiès, Ibrahim me raconte sa visite de l’Ile de Gorée, le plus grand centre de commerce d’esclaves de la côte africaine du 15ème au 19ème siècle[2]. Symbole de l’exploitation humaine, l’île est listée au patrimoine mondial de l’Unesco.

Les RDV de Zaïa

Sur les routes d’une identité apaisée

La transmission de l’histoire de l’esclavage transatlantique croise les questionnements et les constructions de jeunes Français dans l’hexagone et outre-mer. Ma réflexion démarre sur internet, comme ça, presque par hasard, en suivant le compte Instagram de mon ami Ibrahim.

Parfois, on surfe un peu machinalement sur les réseaux sociaux.

Curieuse curiosité que de vouloir savoir ce que nos amis ont fait de leur journée : de story en story, on clique. 

Depuis quelques jours sur Instagram, Ibrahim, mon ami franco-sénégalais, refait une fois de plus son show.  Extraverti, ce chauffeur de taxi parisien de 33 ans est également comédien.  Là, Ibrahim est au Sénégal, son pays d’origine, celui de ses parents, un séjour pour «se ressourcer». Mais ce jour-là, le ton de la story est moins enjoué qu’à l’ordinaire…

«À Gorée, j’ai pris une grosse gifle»

Via sa story, Ibrahim partage avec nous la visite de son musée local, à Thiès, ville de naissance de sa mère.

Thiès la discrète comme certains l’appellent,  à 70 kilomètres à l’est de Dakar, c’est pourtant la seconde ville du Sénégal. C’est la première fois en 33 ans qu’Ibrahim tape Musée Thiès sur Google et…  découvre qu’un lieu de mémoire est bel et bien présent à quelques kilomètres de lui.  «J’ai plus appris sur notre histoire en ces dix jours à Thiès que durant toute ma vie !»

En fait, c’est le Fort de Thiès qui abrite Le Musée régional, relié à un centre culturel, une bibliothèque, un atelier de peinture sous-verre et sa galerie d’exposition.

Inauguré le 10 février 1975 par le président Léopold-Sédar Senghor, le lieu a été rénové vingt ans plus tard grâce à des subventions.

Entrée du Musée régional de Thiès, ©Le blog de voyage de Sadjo, 2018

C’est un petit musée qui, comme beaucoup, manque de moyens -3000 euros de budget annuel- mais qui accueille scolaires et touristes pour présenter la richesse du patrimoine. Le conservateur actuel, Pierre-André Coly, a gentiment donné des éléments à un Ibrahim curieux : il a pu notamment visiter un pavillon consacré à l’histoire du chemin de fer dans la région et un autre dédié à l’histoire de Thiès. Il a écouté les exploits de Lat Dior, héros de la résistance contre la colonisation française.

Fin de visite, M. Coly plaide sa cause: «Nous souhaitons nouer davantage de partenariats, ici et à l’étranger. Si des structures souhaitent travailler avec nous, ou contribuer à notre développement, nous sommes ouverts à toute proposition.» [1]

De retour à Paris, je retrouve Ibrahim pour un café. Il partage son regret de ne pas avoir reçu la transmission de cette histoire : ni par ses parents, ni par l’école.

Pourquoi ne pas avoir bénéficié d’un tel savoir plus tôt, ici, en France ? Pourquoi ne pas aborder ce sujet qui le concerne tant ? Ibrahim s’inscrit, lui aussi, dans la lignée de cette histoire.

Je sens que ce voyage l’a changé.

«J’ai pris une grosse gifle. Quand tu pars de là, tu as un arrière-goût de on nous a mis la misère. Si tu n’as pas assez de recul, tu peux tomber dans un racisme primaire.»

Malgré une certaine amertume, Ibrahim reste très demandeur pour apprendre davantage sur cette thématique. Ecouter et absorber cette histoire douloureuse, celle de l’esclavage et de ses répercussions, l’a bouleversé mais nourri dans sa réflexion sur sa place en France et dans le monde.

S’imprégner de ces récits, en connaître les ressorts est nécessaire pour se construire plus sereinement, il en est certain.

Après Thiès, Ibrahim me raconte sa visite de l’Ile de Gorée, le plus grand centre de commerce d’esclaves de la côte africaine du 15ème au 19ème siècle[2]. Symbole de l’exploitation humaine, l’île est listée au patrimoine mondial de l’Unesco.

Ibrahim sur l’Ile de Gorée, ©Ibrahim Ba, 2018

Ce que l’Histoire nous raconte du passé -et du présent- a bel et bien des répercussions sur notre vie actuelle. Alors, je me questionne.

Quelle place tiennent la transmission et la connaissance de l’histoire dans notre construction ?

Quels lieux, institutions existent en France ? Quelle est la volonté des pouvoirs publics à se saisir de la question de la mémoire sereine, de cette histoire fondamentale ? On m’a parlé d’une nouvelle Fondation créée pour faire bouger les lignes sur ces sujets.

La création d’une Fondation pour la mémoire de l’esclavage

L’administrateur de la Fondation, Pierre-Yves Bocquet, a bien voulu me recevoir pour m’en exposer les enjeux et les ambitions, liés au paradoxe français concernant le travail de mémoire. Si la France est connue pour avoir une politique mémorielle dynamique et ambitieuse (guerres mondiales, patrimoine…) l’histoire de sa volonté de domination sur les continents asiatique et africain, en lien direct avec son actuelle diversité, a produit peu de travail dans les institutions publiques.  «Il y a une certaine crainte de se saisir de ces sujets.» C’est pour sortir de ce paradoxe que la Fondation existe.

Cette fois, il semble s’agir d’une véritable ambition nationale. «La Fondation compte s’appuyer sur la culture pour délivrer son message. Elle développera des programmes avec les associations, les collectivités locales, les entreprises et les institutions culturelles et d’enseignement.»[3]

«Il faut imaginer la Fondation comme une boîte à idées. Notre but est de les partager avec des partenaires, des réseaux» confie Pierre-Yves Bocquet.

L’ambition est de raconter l’histoire, et de la raconter de différentes manières, de célébrer les héritages, pour mieux vivre notre diversité, et pour sortir de certains schémas néfastes à notre société : racisme, concurrences mémorielles, histoire-repentance.

«L’enjeu n’est pas de ressasser. Il faut connaître ce passé pour comprendre ce que nous sommes. C’est une richesse. Il est important d’en parler, et de bien en parler pour éviter le pire.»

Bon, moi qui pensais qu’ériger un lieu était l’ultime reconnaissance d’un fait historique, je reviens sur mon idée.

Comme si le matériel pouvait seul réparer, et mieux expliquer. Un musée, c’est très bien,  mais ce n’est pas tout. La pédagogie doit être au centre des actions.

Sur le terrain, les réalités constatées sont aussi les conséquences de cette histoire mal contée, ou pas contée du tout. D’où l’importance de la création d’une telle structure pour la transmission et la célébration de la diversité de notre pays.

Et là où cela se joue, c’est sur le terrain avec les acteurs du quotidien souvent désarmés face à un public peu ou mal informé, provoquant des tensions.

Le travail de la Fondation devrait pouvoir répondre à ces situations.

Depuis le vote de la loi Taubira, en 2001, le travail sur la mémoire de l’esclavage en France a avancé.

Le Président Macron a confirmé la création d’une Fondation pour la mémoire de l’esclavage, initiée en fin du quinquennat de François Hollande.

Cette institution, dont l’existence découle de la Loi Taubira, est en fait une idée portée par les travaux de personnalités engagées telles que Maryse Condé, Lionel Zinsou ou Edouard Glissant.

Depuis quelques années d’anciennes villes négrières se penchent sur leur passé : c’est Jean Marc Ayrault, maire de Nantes, qui a pris les rennes de la structure en devenant son Président.

«Remonter le fil de l’histoire pour qu’ils soient fiers de ce qu’ils sont : français et d’ailleurs, sans avoir à choisir.»

Dans le 18ème arrondissement de Paris, l’association Espoir 18 œuvre à «l’émancipation des jeunes» comme le dit si bien son directeur Mamadou Doucara. Cet acteur de terrain engagé se définit comme un «militant associatif oeuvrant pour un meilleur ici».

Mamadou me reçoit dans ses locaux et me présente le travail de cette structure incontournable dans l’arrondissement.

Ce lieu de vie accueille les jeunes du quartier en voulant s’éloigner d’une simple «proposition de consommation de loisirs».

Mamadou a saisi l’urgence de travailler sur les questions d’identité, d’histoire, de mémoire, sujets récurrents dans les questions des jeunes.

«Remonter le fil de l’histoire de sa famille, c’est faire en sorte qu’ils soient fiers de ce qu’ils sont :  français et d’ailleurs, sans avoir à choisir.»

 

Espoir 18 devant leurs locaux, ©Site web de l’association, 2019

Après des années de terrain, Mamadou a saisi la nécessité de travailler avec ses équipes sur des sujets délicats tels que les religions, la laïcité, les mémoires et l’histoire. «Pour éviter d’induire les jeunes en erreur, il faut avoir les outils pour mieux répondre à leurs interrogations.»

J’écoute avec attention les positions de Mamadou : il est urgent de mettre en place une réelle pédagogie, de leur donner accès à leur histoire commune (esclavage, colonialisme,…), pour éviter que certains jeunes tombent dans des schémas trop simples de concurrence mémorielle, ou d’enfermement identitaire.

Espoir 18 est dans l’action. Régulièrement, des ateliers sont organisés à la fois pour les animateurs, et pour les jeunes sur ces thématiques avec des personnalités légitimes qui peuvent présenter les choses de manière pédagogique et claire.

«Nous avons reçu Pap Ndiaye, Françoise Vergès, et Marc Cheb Sun pour des ateliers. Ils ont un réel savoir-faire, c’était génial. L’impact se ressent sur le long terme. Mais j’aimerais avoir davantage de moyens pour accompagner ces jeunes sur l’après.»

Loin d’être de simples élèves qui viennent assister à une conférence, les jeunes sont devenus acteurs de cette initiative.

Un Mooc a même été conçu sur l’histoire de la traite transatlantique, du colonialisme et de la Shoah : il est désormais en ligne.

Pour renforcer ces initiatives, Espoir 18 organise également des voyages à l’étranger : «un des outils que nous privilégions c’est la mobilité. L’ailleurs, les échanges, les rencontres font qu’ils se questionnent. Notre but est de provoquer un déclic, de débloquer des choses.»

Belle combinaison d’actions ! Leur dernier voyage ? Le Pérou.

Mamadou me confie vouloir «sortir du bilatéral» et «éviter les raccourcis». Je crois que c’est réussi !

Je ressors de ces rencontres plutôt positive, persuadée que le futur saura mieux célébrer cette diversité qui a découlé de notre histoire.

L’esclavage, les luttes des esclaves, les abolitions, c’est aussi l’histoire de France : la pédagogie devra faire son œuvre, partout, pour désamorcer les tensions identitaires et l’entre soi.

 

Zaïa Khennouf

 

[1] Vous pouvez le contacter via la page Facebook du Musée : https://www.facebook.com/profile.php?id=100013872692928

[2] Selon le site de l’Unesco : https://whc.unesco.org/fr/list/26

[3] Extrait de la brochure de présentation de La Fondation pour la mémoire de l’esclavage, 2019.

Ibrahim sur l’Ile de Gorée, ©Ibrahim Ba, 2018

Ce que l’Histoire nous raconte du passé -et du présent- a bel et bien des répercussions sur notre vie actuelle. Alors, je me questionne.

Quelle place tiennent la transmission et la connaissance de l’histoire dans notre construction ?

Quels lieux, institutions existent en France ? Quelle est la volonté des pouvoirs publics à se saisir de la question de la mémoire sereine, de cette histoire fondamentale ? On m’a parlé d’une nouvelle Fondation créée pour faire bouger les lignes sur ces sujets.

La création d’une Fondation pour la mémoire de l’esclavage

Depuis le vote de la loi Taubira, en 2001, le travail sur la mémoire de l’esclavage en France a avancé.

Le Président Macron a confirmé la création d’une Fondation pour la mémoire de l’esclavage, initiée en fin du quinquennat de François Hollande.

Cette institution, dont l’existence découle de la Loi Taubira, est en fait une idée portée par les travaux de personnalités engagées telles que Maryse Condé, Lionel Zinsou ou Edouard Glissant.

Depuis quelques années d’anciennes villes négrières se penchent sur leur passé : c’est Jean Marc Ayrault, maire de Nantes, qui a pris les rennes de la structure en devenant son Président.

Pierre-Yves Bocquet, administrateur de la Fondation, a bien voulu me recevoir pour m’en exposer les enjeux et les ambitions, liés au paradoxe français concernant le travail de mémoire. Si la France est connue pour avoir une politique mémorielle dynamique et ambitieuse (guerres mondiales, patrimoine…) l’histoire de sa volonté de domination sur les continents asiatique et africain, en lien direct avec son actuelle diversité, a produit peu de travail dans les institutions publiques.  «Il y a une certaine crainte de se saisir de ces sujets.» C’est pour sortir de ce paradoxe que la Fondation existe.

Cette fois, il semble s’agir d’une véritable ambition nationale. «La Fondation compte s’appuyer sur la culture pour délivrer son message. Elle développera des programmes avec les associations, les collectivités locales, les entreprises et les institutions culturelles et d’enseignement.»[3]

«Il faut imaginer la Fondation comme une boîte à idées. Notre but est de les partager avec des partenaires, des réseaux» confie Pierre-Yves Bocquet.

L’ambition est de raconter l’histoire, et de la raconter de différentes manières, de célébrer les héritages, pour mieux vivre notre diversité, et pour sortir de certains schémas néfastes à notre société : racisme, concurrences mémorielles, histoire-repentance.

«L’enjeu n’est pas de ressasser. Il faut connaître ce passé pour comprendre ce que nous sommes. C’est une richesse. Il est important d’en parler, et de bien en parler pour éviter le pire.»

Bon, moi qui pensais qu’ériger un lieu était l’ultime reconnaissance d’un fait historique, je reviens sur mon idée.

Comme si le matériel pouvait seul réparer, et mieux expliquer. Un musée, c’est très bien,  mais ce n’est pas tout. La pédagogie doit être au centre des actions.

Sur le terrain, les réalités constatées sont aussi les conséquences de cette histoire mal contée, ou pas contée du tout. D’où l’importance de la création d’une telle structure pour la transmission et la célébration de la diversité de notre pays.

Et là où cela se joue, c’est sur le terrain avec les acteurs du quotidien souvent désarmés face à un public peu ou mal informé, provoquant des tensions.

Le travail de la Fondation devrait pouvoir répondre à ces situations.

«Remonter le fil de l’histoire pour qu’ils soient fiers de ce qu’ils sont : français et d’ailleurs, sans avoir à choisir.»

Dans le 18ème arrondissement de Paris, l’association Espoir 18 œuvre à «l’émancipation des jeunes» comme le dit si bien son directeur Mamadou Doucara. Cet acteur de terrain engagé se définit comme un «militant associatif oeuvrant pour un meilleur ici».

Mamadou me reçoit dans ses locaux et me présente le travail de cette structure incontournable dans l’arrondissement.

Ce lieu de vie accueille les jeunes du quartier en voulant s’éloigner d’une simple «proposition de consommation de loisirs».

Mamadou a saisi l’urgence de travailler sur les questions d’identité, d’histoire, de mémoire, sujets récurrents dans les questions des jeunes.

«Remonter le fil de l’histoire de sa famille, c’est faire en sorte qu’ils soient fiers de ce qu’ils sont :  français et d’ailleurs, sans avoir à choisir.»

 

Espoir 18 devant leurs locaux, ©Site web de l’association, 2019

Après des années de terrain, Mamadou a saisi la nécessité de travailler avec ses équipes sur des sujets délicats tels que les religions, la laïcité, les mémoires et l’histoire. «Pour éviter d’induire les jeunes en erreur, il faut avoir les outils pour mieux répondre à leurs interrogations.»

J’écoute avec attention les positions de Mamadou : il est urgent de mettre en place une réelle pédagogie, de leur donner accès à leur histoire commune (esclavage, colonialisme,…), pour éviter que certains jeunes tombent dans des schémas trop simples de concurrence mémorielle, ou d’enfermement identitaire.

Espoir 18 est dans l’action. Régulièrement, des ateliers sont organisés à la fois pour les animateurs, et pour les jeunes sur ces thématiques avec des personnalités légitimes qui peuvent présenter les choses de manière pédagogique et claire.

«Nous avons reçu Pap Ndiaye, Françoise Vergès, et Marc Cheb Sun pour des ateliers. Ils ont un réel savoir-faire, c’était génial. L’impact se ressent sur le long terme. Mais j’aimerais avoir davantage de moyens pour accompagner ces jeunes sur l’après.»

Loin d’être de simples élèves qui viennent assister à une conférence, les jeunes sont devenus acteurs de cette initiative.

Un Mooc a même été conçu sur l’histoire de la traite transatlantique, du colonialisme et de la Shoah : il est désormais en ligne.

Pour renforcer ces initiatives, Espoir 18 organise également des voyages à l’étranger : «un des outils que nous privilégions c’est la mobilité. L’ailleurs, les échanges, les rencontres font qu’ils se questionnent. Notre but est de provoquer un déclic, de débloquer des choses.»

Belle combinaison d’actions ! Leur dernier voyage ? Le Pérou.

Mamadou me confie vouloir «sortir du bilatéral» et «éviter les raccourcis». Je crois que c’est réussi !

Je ressors de ces rencontres plutôt positive, persuadée que le futur saura mieux célébrer cette diversité qui a découlé de notre histoire.

L’esclavage, les luttes des esclaves, les abolitions, c’est aussi l’histoire de France : la pédagogie devra faire son œuvre, partout, pour désamorcer les tensions identitaires et l’entre soi.

 

Zaïa Khennouf

 

[1] Vous pouvez le contacter via la page Facebook du Musée : https://www.facebook.com/profile.php?id=100013872692928

[2] Selon le site de l’Unesco : https://whc.unesco.org/fr/list/26

[3] Extrait de la brochure de présentation de La Fondation pour la mémoire de l’esclavage, 2019.

akim