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Jan / 28

Les RDV de Zaïa croisent l’entrepreneuriat «Soigner la société par l’empowerment»

By / akim /

Les RDV de Zaïa

croisent l’entrepreneuriat

«Soigner la société par l’empowerment»

Souvent, quand j’ouvre ma boîte mail, je fais comme tout le monde : le ménage, machinalement, dans le flot de publicités et de messages qui ne me concernent pas.

Mais il y a quelques semaines, un mail un peu spécial attire mon attention: une invitation à un bootcamp intitulé She Means Business.

J’ouvre et j’y trouve une belle promesse : développer vos compétences numériques, découvrir ou renforcer votre leadership et votre capacité à entreprendre.

Bon… c’est combien cette histoire?

Car oui, on ne vas pas se mentir : on nous propose rarement de nous former gratuitement !

Je scroll… gratuit… initié par Sheryl Sandberg (Facebook)…. pour toutes les femmes …. moments d’échange … coaching … networker…

Wow, me voilà intriguée. Je m’inscris.

Rendez-vous est pris pour le 7 décembre.

She Means Business : l’empowerment des femmes par le digital

Le jour J, je me rends à la journée de formation un peu sceptique tout en demandant à voir.

Arrivée La Défense : des femmes de tous âges et de tous profils font tranquillement la queue pour se procurer le pass d’entrée à She means Business.

J’aperçois même des mamans venues avec la poussette : j’adhère.

Être mère et entrepreneur, c’est carrément possible et elles le prouvent !

La salle est impressionnante : écrans géants, lumières tamisées, musique motivante. Goodies et livret (récupérés à l’entrée) en main, je m’installe et j’observe.

Ma voisine me chuchote : «Nous sommes plus de 2000». Oui, 2000 femmes ont libéré une journée entière pour cet événement !

Le programme est chargé : formation sur quatre blocs de compétences, à savoir  leadership, marketing digital, web et entrepreneuriat.

Un véritable show à l’américaine se déroule devant moi, je me croirais à l’une de ces conférences TED, si souvent visionnées sur ma tablette.

Cette salle dégage une belle énergie, une envie d’échanger, mais aussi de se nourrir de parcours inspirants.

Les entrepreneuses sont bienveillantes, à l’écoute, et cela tranche avec la froideur parisienne à laquelle, moi provinciale, je m’étais presque habituée.

On nous a promis des intervenants légitimes, de l’humour et des informations utiles : je prends !

Les interventions s’enchaînent et le discours est rythmé de mots-clés hyper positifs, de phrases à emporter chez nous.

Tiens, j’en partage une avec vous :

«Une putain de nana c’est une guerrière, une femme qui se donne à 200% sur le terrain et à 200% dans sa vie. Elle gère de front plusieurs vies et est légitime.» (Laura Di Muzio)

Former 15000 femmes au digital en un an

Initié par Facebook et organisé en France par Social Builder, une start-up engagée pour la mixité, le programme She Means Business «a pour ambition de former 15000 femmes en 2018».

À l’heure du numérique -des outils principalement développés par et pour les hommes-, l’empowerment des femmes par la formation au digital paraît utile et urgente. L’engouement constaté ici n’est donc que logique.

Cette journée de bootcamp ne représente qu’une partie du programme… Car il s’agit également de suivre une formation gratuite en ligne (Social Builder Academy) puis de prolonger le tout en restant en contact via la page Facebook de l’événement où s’échangent conseils, s’organisent d’autres rencontres et se partagent les bonnes pratiques.

Au bootcamp, certains intervenants nous invitent à travailler ensemble et aller à la rencontre les unes des autres.

Lors d’un exercice de réflexion sur le leadership, je rencontre Sarah, une jeune trentenaire rayonnante. La discussion s’engage et nous parlons de nos activités respectives. Nouvellement entrepreneuse, Sarah Sabsibo a précédemment mené une carrière de journaliste économique.

Fin de journée : échange des cartes de visite afin de nous revoir car sa vision sur la société, l’entrepreneuriat en France et ce qu’il faut faire pour l’améliorer m’a paru honnête et tranchante.

Les retours des «putains de nanas» (tel qu’elles se sont surnommées suite au bootcamp) sur la page Facebook est sans appel.

Être entrepreneur, c’est une aventure souvent solitaire, où l’on tâtonne, sans garantie que le risque payera.

Cette page Facebook, c’est l’impression qu’on est moins seules, que tout le monde a du mal, mais qu’ensemble on est plus fortes.

« Mobiliser les gens pas concernés »

Quelques jours plus tard autour d’un café, je retrouve Sarah. Elle me présente Mohamed, avec qui elle a co-fondé Bees Academy.

Sarah Sabsibo et Mohamed Necib se sont rencontrés grâce à Facebook (comme quoi le digital rapproche !) : les deux faisaient partie des mêmes groupes sur le thème de l’entrepreneuriat.

Mêmes constats, mêmes colères, mêmes espoirs sur leur France d ‘aujourd’hui et de demain : ils décident d’associer leurs forces.

Mohamed m’explique que le profil de l’entrepreneur est trop typé.  

Dans un article des Échos de décembre 2018, il était d’ailleurs décrit comme «un homme blanc, trentenaire, parisien et très diplômé».

Une fois ce constat établi, Mohamed s’est mis à échanger sur les réseaux sociaux et à regarder autour de lui pour nourrir ses réflexions. «Je connais trop de gens à haut potentiel gâché.»

Sarah et lui se retrouvent sur des frustrations communes, mais avant tout sur une envie d’agir pour «répondre à une injustice».

Et si c’était eux, ceux –et celles- qui peuvent changer la donne ?

Bees Academy était née.

La plus grande tâche ? Identifier les freins à «l’entrepreneuriat pour tous», puis développer une solution pour changer l’écosystème de l’intérieur. Leur but avoué : «sortir de l’entresoi» pour aller vers «le mélange des territoires et des cultures».

Sarah l’annonce : «Nous voulons mobiliser les gens qui ne se sentent pas concernés par manque de compétences ou de motivation». Les solutions et les talents sont partout. Nous sommes persuadés que quand ils s’impliquent, ils sont une grosse valeur ajoutée.»

« En France, quand on veut, on ne peut pas, mais il faut qu’on puisse »

L’équipe de Bees Academy : Sarah Sabsibo , Mohamed Necib, Mehdi Chaabi et Bastien Ebalard ©Bees Academy

Ce discours m’enchante, surtout dans le climat actuel où règnent pessimisme et négativité. J’ai moi aussi envie de croire que ma France est truffée de talents et de potentiels non identifiés qui viendront réveiller une société endormie et ronronnante.

Mohamed me présente l’équipe et le plan d’action sur le long terme, pour créer une communauté et «faire avec les autres».

D’abord, deux journées de sensibilisation seront organisées pour aller chercher ceux qui n’osent pas. Objectifs : «donner du déclic et avoir de l’impact» mais aussi «démystifier l’entrepreneuriat, espace d’émancipation et de libertés».

Ensuite, les futurs entrepreneurs devront compléter un parcours de e-learning et auront accès à des interviews de personnalités influentes pour s’inspirer.

Enfin, impulser un bootcamp de coaching pour acquérir des compétences précises pour mieux entreprendre, et échanger sur leurs idées et projets.

Encore une fois, le but est de former une communauté des entrepreneurs de demain (une ruche de bees, abeilles en anglais) qui auront la même manière de penser ‘outside the box’ (en dehors des cases) comme on dit et qui formeront la nouvelle génération.

Sarah ajoute : «Il faut faire société en répondant aux enjeux d’inégalité. Nous voulons soigner la société par l’empowerment.»

Une session de sensibilisation sera organisée fin février et le site internet de Bees Academy va bientôt être mis en ligne. À suivre !

« La France doit soutenir ses talents »

Convaincue que les talents existent, je me suis demandé quelle réponse nos politiques apportaient à cette tendance.

Comment la France voit-elle ou soutient-elle ces talents dans leur aventure entrepreneuriale ?

Côté La République en Marche, on a déjà mis en place des mesures visant à faciliter certains aspects : fin du RSI, et promotion du statut auto-entrepreneur par la hausse du plafond de chiffre d’affaires.

La LREM et le Président de la République ont toujours porté haut et fort les idées de libéralisation de l’esprit d’entreprendre. À terme, les indépendants, commerçants et artisans devraient pouvoir bénéficier de l’assurance chômage.

Le «droit à l’erreur», il nous faut l’affirmer sans craindre l’échec et ce que cela peut impliquer. Pour moi, il s’agit d’un pas en avant vers un entrepreneuriat serein.

Chez la France Insoumise, on est plutôt anti-ubérisation, en opposant la stabilité du salariat à la fragilité d’un travailleur avec un statut de micro-entreprise.

Pour EELV, le temps est au renforcement de la protection sociale pour de tels travailleurs (maladie, accident du travail).

S’il est commun de penser qu’être entrepreneur c’est inné, j’ai compris, au fil des mes rencontres qu’il n’en est rien. Les bonnes idées peuvent germer chez chacun de nous. L’esprit d’entreprendre se cultive, et se développe par différents moyens.

boniface n'cho

Boniface N’Cho dans un de ses salons, 2018 ©Instagram @boniface.c

Un serial entrepreneur engagé 

J’ai eu la chance de croiser le chemin de Boniface N’Cho, serial entrepreneur qui a bien voulu partager avec moi sa vision des choses.

Boniface est insaisissable (dans le bon sens du terme), multi-facettes et m’apprend qu’il est possible de gérer une boite de communication tout en dirigeant une structure éducative (crèche/école) et… en lançant trois boutiques de barbier Groomer’s Barber.

Le Bac en poche, Boniface s’est lancé dans l’évènementiel en organisant des concerts. Malheureusement, l’aventure se solde par un échec. Résultat : grosse dette, et de petits boulots pour remonter la pente.

Animé par la fibre d’entreprendre, il retente sa chance… et ça marche.

«Je suis devenu entrepreneur grâce aux rencontres.»

Je veux savoir si entrepreneuriat rime avec fragilisation du travailleur. Sa réponse : «Absolument pas. L’entrepreneuriat crée des emplois. C’est cela la finalité.»

Aujourd’hui à la tête de 90 salariés, il considère ses équipes comme «une famille».

Il n’y a pas une seule façon d’entreprendre, chacun vit son aventure différemment et Boniface me raconte comment une de ses structures fonctionne sous la forme de SCOP (Société coopérative et participative : la gestion d’une SCOP se fait de manière participative, impliquant chaque membre).

Il s’y épanouit : «On se fait confiance par un mode de gouvernance différent».

En plus, il remarque constater la baisse de l’absentéisme et des arrêts maladie !

«Je fais confiance à mon personnel en les responsabilisant.»

Cette idée d’une direction d’entreprise alternative, plus participative, c’est également une idée portée par EELV, qui aimerait développer des CAE (Coopératives d’activités et d’emploi) où des entrepreneurs se réuniraient, deviendraient sociétaires et salariés de la structure.

Cela répondrait sûrement à certaines craintes des entrepreneurs : celle de la stabilité du revenu, de pouvoir partager la pression de diriger une entreprise, et de ne plus être seul face à son destin.

Mais je me demande si cette forme de structure peut s’adapter à tous les secteurs, à toutes les activités.

N’a-t-on pas besoin, parfois, d’avoir une stabilité dans la prise de décision ?

Peut-on faire confiance dans une co-direction à ceux avec qui on s’engage ?

Le statut de la micro-entreprise (autrefois auto-entreprise) est-il forcément synonyme de fragilité, d’exploitation par de grands groupes de plateformes comme Uber ? Mes interrogations sont nombreuses.

Ces dernières semaines m’ont convaincue qu’une génération nouvelle d’entrepreneurs est en formation, et que bientôt, le visage de l’entrepreneuriat français changera bel et bien. Le changement des mentalités est en cours et ça fait du bien de le savoir !

Nous devons créer un environnement favorable à la création, et à la prise de risque.

Si aujourd’hui certaines étoiles dans le ciel paraissent briller moins que d’autres, il ne tient qu’à nous de leur rappeler leur statut d’étoile. Car, dans le cas contraire, on pourrait bien se priver de leur lumière…

Zaïa Khennouf

akim