Sep / 09
FRÉDÉRIC CHAU PORTRAIT
« J’ai voulu devenir plus blanc que blanc. » Quand Frédéric Chau prononce ces mots, ses souffrances d’enfant remontent. Sa voix se brise. Lui, l’acteur de trente-sept ans, le « Chinois » du Jamel Comedy Club, n’oublie pas combien la quête identitaire est un parcours tumultueux. « Devenir comédien a été ma porte de sortie. Je me suis enfin réalisé, moi qui ai tant cherché à me dénaturer. » Une difficulté à s’assumer, conséquence d’un passé familial complexe. Arrivé en France à six mois, après que ses parents ont fui le Cambodge des Khmers rouges, Frédéric Chau grandit en Seine-Saint-Denis. « Les blagues sur les Juifs, les Arabes, les Portugais, c’était quotidien. Mais j’étais le seul Asiatique… Quand tu es pointé constamment du doigt, tu finis par rejeter tes origines. »
Frédéric Chau refuse pourtant d’être « un pantin qui se ment ». Décidé à devenir
« acteur de sa vie », il déclare à ses parents son intention d’être comédien. « Au départ, ils n’ont pas compris. Mon père m’a dit : “Tu crois que c’est EuroMillions qui t’a payé tes études ?” » Tenace, il enchaîne les castings avant de créer, avec de nouveaux humoristes, le collectif Barres de rires. De quoi booster sa notoriété auprès du grand public. Il assure la première partie du spectacle de Jamel Debbouze, 100 % Jamel, dont il intègre le show télévisé. Dans ses sketches, Chau joue sur son appartenance asiatique et les clichés qu’on lui colle. Une visibilité nouvelle qui lui permet de tourner successivement une dizaine de films (Eden à l’Ouest, Coursier, Mais qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?) et de devenir l’ambassadeur d’une communauté avec laquelle il avait pris ses distances. « Les gens sont venus me dire : “C’est super, tu nous représentes.” Moi qui avais tout fait pour les oublier… J’ai réalisé combien cette reconnaissance me rendait fier. » Alors, Frédéric opère un total come back vers ses origines. « J’ai décidé de m’y intéresser corps et âme. Maintenant je leur porte un amour inconditionnel. »
Réconcilié avec lui-même, le comédien écrit son propre film, Made in China, aux tonalités largement autobiographiques. L’histoire d’une personne en guerre contre ses racines. Mais qui parvient à réussir… grâce à elles.
RETROUVEZ CET ARTICLE DANS LA REVUE PAPIER NUMÉRO 1
Texte : Charles Cohen
Photo : Darnel Lindor
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