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Sep / 01

Faïza Guène : « Avoir écrit La discrétion est un aboutissement »

By / Marc Cheb Sun /

Faïza Guène: « Avoir écrit La discrétion est un aboutissement »

C’est un roman énergique et profond qui paraît en cette rentrée littéraire sous la plume de Faïza Guène. Avec La discrétion, l’autrice peaufine une œuvre romanesque digne et intelligente.

 

Yamina est une femme discrète. A soixante-dix ans, elle continue de prendre soin de sa famille, de cultiver son jardin, et d’agir en bonne voisine. Yamina ne les voit pas, ces micro-agressions, ces paroles blessantes, ces mots condescendants qu’on lui adresse. Ou plutôt, elle choisit de ne pas les voir. Elle préfère regarder ces bassesses de haut, pour se préserver et pour protéger la paix de sa famille.

Mais d’où vient Yamina ? Quelle est son histoire ? Pourquoi personne ne s’y intéresse ? Avec des chapitres courts, datés et situés, Faïza Guène rend une jeunesse à Yamina. Elle redonne corps à cette femme qu’on ne voit plus, elle lui donne des convictions, un passé.

Avec La discrétion, c’est à une génération de femmes que l’autrice a voulu rendre hommage. Le formidable portrait de Yamina est fait de gravité, il est chargé de majesté, empreint de distinction. Pourtant, pour ses enfants, cette femme reste une inconnue. C’est ce lien que tisse Faïza Guène. Avec une grande délicatesse, mais sans faux-fuyants.

"Pour La discrétion, je dirais que j'ai été secouée émotionnellement, plus que d'habitude"

En quoi l’écriture de ce roman a-t-elle été différente des précédents ?

L’écriture de ce roman a été différente des précédents, mais comme chaque fois. C’est chaque fois une expérience différente.  Pour La discrétion, je dirais que j’ai été secouée émotionnellement, plus que d’habitude, je crois être allée chercher des choses profondes, liées à l’histoire de ma mère.

 

Pourquoi l’écriture de ce livre s’est-elle imposée maintenant ?

Je suis incapable de répondre à la question pourquoi maintenant. Je suis dans l’écriture instinctive, toutefois, je crois simplement que chaque livre, chaque étape du chemin littéraire a son moment. C’est un aboutissement que d’avoir écrit La discrétion, dans le sens de mon œuvre, c’est-à-dire raconter des vies et des histoires qui ont l’air de ne pas compter, mais qui sont belles et surtout universelles. 

 

Est-ce qu’on peut dire de Yamina qu’elle s’impose par la discrétion ?

Yamina s’impose par la dignité ! La discrétion est un moyen pour cette femme, mais la fin, c’est une intelligence et une bonté qui la conduit à s’effacer pour camoufler la colère et mettre sa famille en paix.

 

Ce livre se veut-il féministe ?

Ce livre ne se veut pas féministe, d’ailleurs un livre qui se voudrait féministe ne le serait pas d’après moi. La voix de cette femme est une voix féministe. Yamina, sous ses airs dociles, est une RÉSISTANTE ! Ce n’est pas simplement de la théorie, elle est féministe de fait, par ce qu’elle a transmis à ses filles.

 

La colère se transmet, l’air de rien. Mais que faire de cette colère ?

L’enjeu du roman est aussi de parler de cette colère étouffée, dont on ne sait que faire, qui nous ronge et nous embarrasse. De la colère héritée. L’idée c’est déjà de raconter nos histoires, les valoriser, ainsi réparer les offenses passées et enfin se mettre en paix. Je crois que l’harmonie passe par la reconnaissance.

 

Parle-nous de tes influences littéraires…

Sans hésiter, mon auteur de référence est James Baldwin. J’ai d’ailleurs mis un extrait de La prochaine fois, le feu en exergue de mon roman. Cet auteur me bouleverse, je me reconnais en lui. Sinon j’aime Virginie Despentes, Romain Gary, Annie Ernaux, Naguib Mahfouz, Fatou Diome, Alain Mabanckou. Chacun d’entre eux résonne dans une partie de moi.

 

Propos recueillis par Bookapax

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Marc Cheb Sun