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Juin / 29

A Nanterre, la police a tué. Jusqu’à quand, ces drames et ces victimes ?

By / Florian Dacheux /

Nahel M., 17 ans, a été abattu à bout portant par un policier motocycliste après un refus d’obtempérer, mardi 27 juin, dans le quartier de la préfecture, à Nanterre. « Exécuté », selon les termes d’une avocate de la famille. Le policier a été placé en détention provisoire ce jeudi 29 juin, quelques heures avant le départ de la marche blanche sur les lieux du drame, à l’appel de Mounia, sa maman.

A Nanterre, la police a tué. Jusqu’à quand, ces drames et ces victimes ?

Deux jours après la mort de Nahel M., 17 ans, abattu à bout portant par un policier motocycliste après un refus d’obtempérer, dans le quartier de la préfecture, à Nanterre, le parquet a annoncé ce jeudi 29 juin le placement en détention provisoire du policier en question. Le parquet estime que les conditions légales qui encadrent l’usage de l’arme ne sont pas réunies pour « expliquer » ce geste. Cette décision suffira-t-elle à réveiller la France face à la question raciale, toujours bien présente dans les rangs de ses forces de l’ordre ? On en doute sérieusement. Car, 18 ans après Zyed et Bouna, 7 ans après Adama Traoré, pour ne citer qu’eux, rien ne change. L’impression de revivre les mêmes drames, les mêmes marches blanches, les mêmes révoltes. « Une balle dans la tête… C’est toujours pour les mêmes qu’être en tort conduit à la mort », résume Mike Maignan, gardien noir de l’équipe de France de football, via ses réseaux sociaux. « J’aimerais comprendre pourquoi la gâchette semble beaucoup moins lourde quand il s’agit d’un certain type d’individus », a réagi pour sa part son coéquipier Aurélien Tchouaméni. Oui, les leçons de Clichy-sous-Bois en 2005 n’ont servi à rien… On repense alors au dernier roman du slameur Rouda qui, dans Les Mots nus, écrit ceci à propos de la mort d’un adolescent tué par un policier à Toulouse en décembre 1998 : « Toujours la même histoire. Une bavure dont on dit qu’elle n’en est pas une. Une jeunesse triste de colère. Une jeunesse qui n’a pas de mots pour définir sa peine. Des mots qui ne lui appartiennent plus, car la sémantique est une arme imparable entre les mains des puissants. Un meurtre commis pas un flic devient un acte de légitime défense. Les indignés deviennent des casseurs. Une bavure devient un accident. » Pourtant, depuis longtemps, des initiatives existent, coûte que coûte, pour réformer ce qui peut conduire au pire et créer un quotidien où la dite promesse républicaine reste bafouée. Lors d’un récent colloque, organisé par Espoir 18 à Paris, si des policiers étaient bien présents, l’institution avait, une fois de plus, refusé de venir réfléchir aux pistes en réflexion pour changer la donne.

« Il y a le sentiment profond dans les banlieues que nous n’avons pas tous les mêmes droits »

Depuis mardi, les soutiens envers sa maman Mounia et ses proches se comptent par milliers. Les cœurs sont brisés. L’indignation et la colère ne suffisent plus, face à ce meurtre qui n’est pas sans rappeler celui vécu par George Floyd, un Afro-Américain étouffé par un policier blanc de Minneapolis en mai 2020. Pourquoi rappeler ce fait ? Car il est plus que temps que la France sorte du déni ! Ainsi, lorsque l’on parle de « victimes noires », tuées par des policiers aux Etats-Unis, on continue de dire « un ado » pour parler des victimes françaises, comme si celles-ci n’avaient pas de couleur ou comme si leurs origines n’avaient rien à voir avec le drame survenu. « Il y a le sentiment profond dans les banlieues que nous n’avons pas tous les mêmes droits », a déclaré Patrick Jarry, maire de Nanterre, à L’Humanité, avant d’ajouter sur le plateau de C à Vous : « Beaucoup de gens ont le sentiment, moi y compris, que s’il n’y avait pas eu d’images filmées par un témoin, sans doute on nous aurait raconté une histoire, c’est aussi cela qui est en jeu ! » Plus qu’un sentiment, une réalité. Certes, il ne faut pas minimiser les tensions auxquelles sont confrontés les policiers, ni justifier les violences qui embrasent plusieurs villes françaises, de Mantes-la-Jolie à Bordeaux. Mais le drame de Nanterre n’impose-t-il pas une bonne fois pour toute une profonde refonte des conditions d’usage des armes par les policiers et de leurs relations à tous les citoyens ? Depuis la loi prétendument relative à la sécurité publique votée en février 2017 qui élargit le cadre de la dite « légitime défense », les tirs policiers suite à un « refus d’obtempérer » sont en forte augmentation. « En Allemagne, il y a eu un tir mortel en dix ans pour refus d’obtempérer, contre 16 en France depuis un an et demi », a révélé au journal suisse Le Temps Sebastian Roché, politologue spécialisé en criminologie. Initialement prévue devant la préfecture, une marche blanche s’est finalement élancée ce jeudi depuis l’avenue Pablo Picasso à Nanterre, un parcours que Nahel avait pour habitude de prendre en moto. Accompagnée d’Assa Traoré, la sœur d’Adama Traoré, la mère de la victime, postée sur le camion de tête, a scandé avec la foule « Police assassine, justice pour Nahel » près du Théâtre des Amandiers, avant que toutes et tous (plus de 6000 personnes) respectent une minute de silence. Ras-le-bol ! 

 

F.D. M.C.-S. A.O. 

Florian Dacheux