Nov / 23
5 romans sur le racisme, une sélection Bookapax
"Pachinko", une fresque sociale et familiale fascinante
Début des années 30, dans un petit village coréen, Sunja se laisse séduire par les belles paroles d’un riche étranger. Sauf qu’un jour elle se découvre enceinte, et apprend dans le même temps que son amant est déjà marié. Entre le déshonneur et la position de seconde épouse, Sunja choisit d’épouser Isak, un pasteur chrétien qu’elle connait à peine, et qui l’emmène vivre au Japon.
Commence alors un exil empreint de douleurs, de tensions et d’émotions fortes. Et ce sont alors quatre générations de Coréens du Japon qui vont se succéder sous nos yeux sur près de quatre-vingts ans, chacune se débattant à sa manière pour trouver une place dans un contexte historique secoué de conflits. Le roman fait grandement écho aux questions d’identité et de racisme auxquelles peuvent se trouver confronter toutes les personnes ayant quitté leur pays pour un autre, et les sujets de la transmission, du maintien des traditions, des différences de générations, des incompréhensions générationnelles aussi, parlent profondément à tout un chacun.
« Pachinko » de Min Jin Lee, Harper Collins Poche
"Le chant des revenants", un roman aussi puissant qu’impactant
Ne vous fiez pas à la surprise qui vous envahira dès les premières pages de ce roman. La voix est singulière, la polyphonie est émouvante, mais vous vous y ferez très vite, et vous suivrez sans encombre ces personnages profonds et inoubliables. Avec une écriture à la fois poétique et brute, Jessmyn Ward raconte le racisme ordinaire, celui qu’on ne saurait dire avec des mots, celui que le corps exprime avant les mots, celui qui frappe comme des coups.
Jojo, 13 ans, sa petite sœur, leurs grands-parents, leur mère qui se cherche, leur père incarcéré, voilà autant de personnages qui dessinent les contours d’une famille afro-américaine du sud des Etats-Unis, avec ses failles, ses manquements, son amour indicible, et son environnement empreint de toxicité et de racisme. Tout est si bien incarné que certaines scènes restent gravées. L’autrice a trouvé une langue propre, à la fois lyrique et cinglante, et c’est cette écriture douce-amère qui fait de ce texte un moment mémorable.
« Le chant des revenants » de Jessmyn Ward, Belfond
"Stold", un roman nécessaire pour une cause peu mise en lumière
Elsa, neuf ans, est fille d’éleveurs de rennes samis, un peuple autochtone du nord de la Scandinavie. En ce jour d’hiver, la fillette est témoin d’une scène qui va la marquer à vie. Son faon est tué sous ses yeux par un criminel qui ne la voit pas et qui n’est autre qu’un voisin du nom de Robert Isaksson. Elsa sait et se tait, le lecteur sait et attend. Dix ans plus tard, Elsa est une jeune femme et elle décide que l’heure de la confrontation est venue, pour que cessent les crimes contre les rennes.
En écrivant ce roman, que l’autrice portait en elle depuis de nombreuses années comme elle l’a précisé, Ann-Helen Laestadius a eu envie de dénoncer le racisme et les discriminations subies par le peuple Samis en Suède. Elle s’est appuyée pour cela sur de nombreuses plaintes déposées par les membres de la communauté samie qui rapportent des faits de sadisme, de tortures, de mutilations et de crimes contre leurs troupeaux, la viande des rennes étant ensuite revendues à des restaurateurs, et les plaintes restant sans suite. Elsa est une héroïne forte et déterminée, et malgré quelques longueurs, on la suit jusqu’au bout.
« Stold » de Ann-Helen Laestadius, Editions 10/18.
Bonus pour adolescent.e.s !
"The hate u give", un roman actuel à la fois subtil et frontal, qui fait largement écho au mouvement Black Lives Matter
Dans ce premier roman coup de poing, on suit Starr, jeune afro-américaine de seize ans, qui vit dans un quartier où sévissent deux gangs. Starr étudie dans un lycée situé dans un quartier chic et à majorité blanche, et se trouve donc tiraillée entre deux univers. L’adolescente ne se sent pleinement à sa place ni dans l’un ni dans l’autre. Mais la vie de Starr bascule un soir quand, en rentrant d’une soirée avec son ami d’enfance, la police les arrête et tue ce dernier. L’adolescente est la seule témoin des faits que la police cherche immédiatement à étouffer, et le quartier s’embrase.
En une soirée, Starr va devoir grandir, affronter des événements trop énormes pour ses jeunes épaules. Mais elle ne sera pas seule dans cette épreuve, dans cette lutte que les médias ne vont cesser de relayer. Famille et amis vont la soutenir, Starr va donner une leçon au monde, et l’intrigue va s’attacher à nous montrer de manière brutale les injustices flagrantes que subit la communauté noire aux Etats-Unis.
« The hate u give » de Angie Thomas, Editions PKJ
"Darius le grand ne va pas bien", un roman rafraîchissant malgré les thématiques traitées
Darius est un adolescent issu d’un couple mixte. Son père est américain et sa mère est iranienne. Darius subit du harcèlement scolaire en raison de son prénom et de ses origines iraniennes, et vit une dépression sévère. Quand soudain le père de sa mère meurt, la famille décide de se rendre en Iran, un pays dont Darius ne connaît ni la culture ni la langue.
Mais à Yazd, petite ville proche de Téhéran, Darius va faire la rencontre de Sohrab, un garçon de son âge. Et une amitié aussi magnifique que réparatrice va naître entre les deux garçons. Dans ce superbe roman sur l’appartenance à plusieurs cultures, l’auteur nous livre avec une écriture vivante et insolente une réflexion sur l’identité mais aussi sur la dépression adolescente. Les symptômes, les traitements, la thérapie, tout y est subtilement décrit, tout en maintenant le roman dans une lumière qui porte le lecteur et apporte une vraie sensibilité au texte. La culture perse enveloppe en plus le lectorat et nourrit l’imaginaire de manière forte.
« Darius le grand ne va pas bien » de Adib Khorram, Editions Akata