Août / 16
L’HOMME DU MOUVEMENT
Il naît en 1975, «a priori, car la déclaration à la mairie n’avait pas été faite». Souvenirs d’enfance : « beaucoup de solitude, j’étais à part ». Égaré dans « une jungle » entre une famille très traditionnelle et une société française fermée, qui le rejette : « Je n’ai pas attendu mon carnet de circulation pour comprendre la place qu’on m’assignait.» Carnet de circulation ? Nara et sa famille sont des voyageurs manouches, objets de fantasmes, de rejet et d’une exclusion institutionnalisé .
Sa famille, il en parle et en reparle, avec une étonnante liberté. « Je ne supportais plus d’entendre ce fameux Chez nous, c’est comme ça ! Attention, être itinérant n’est pas une cause de repli sur soi. Au contraire : dans notre mode de vie, le fait de voyager crée des emplois adaptés à ce mouvement. Quand ma famille a perdu la possibilité de voyager, elle s’est précarisée et refermée davantage. »
Nara a soif d’ouverture. Le Centre européen de formation aux diversités, qu’il lance il y a cinq ans, prend en compte toutes les formes de différences et construit des passerelles entre expériences de terrain et approches universitaires.
La tradition, les coutumes ? « Il ne faut pas enfermer les gens là-dedans. C’est trop pratique de penser Oui mais, eux, ils sont comme ça… Chacun a le droit d’évoluer, de remettre en cause. D’être fidèle à un héritage et d’en rejeter un autre. Moi, je ne vis pas avec toute ma famille. J’aspire à une liberté et c’est ça que je veux offrir à mes enfants. La liberté d’être, de choisir, choisir son mode de vie, choisir ses relations, sa relation à sa culture du voyage, de Manouche, à son identité française. Choisir, choisir, choisir. » Marc Cheb Sun
Circulez…
En 1912, l’administration française commence à ficher les «nomades», et les oblige à posséder un «carnet anthropométrique» dès l’âge de treize ans. Généalogie, empreintes digitales, largeur de la tête, des oreilles ou des doigts : tout y passe. Malgré les années tragiques de la Seconde Guerre mondiale, où ils seront assignés à résidence par l’État, parfois enfermés dans des camps d’internement, les Français itinérants devront attendre 1969 pour voir disparaître ce document… aussitôt remplacé par d’autres «titres de circulation ». Dans la droite ligne des décennies passées, la nouvelle loi maintient un statut d’exception pour les «Gens du voyage», comme elle les appelle désormais.
Aurélia Blanc
Voir enquête Gens du voyage dans D’ailleurs et d’ici, numéro 1, octobre 2014, éditions Philippe Rey.
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Grande image : Anaïs Dombret