« La Tsigane », une ode à la tolérance par le théâtre

Juil / 04

« La Tsigane », une ode à la tolérance par le théâtre

By / Oguz Aziz /

Le documentaire La Tsigane, sur la route avec Tamèrantong ! retrace l’épopée théâtrale d’une troupe d’enfants et d’adolescents de milieux populaires de Saint-Denis (93). Pendant cinq ans, ils ont joué une comédie, façon Roméo et Juliette des temps modernes, contre le racisme anti-Roms. Une ode à la tolérance et à l’émancipation par le théâtre.

« La Tsigane », une ode à la tolérance par le théâtre

C‘est leur dernière représentation. Les jeunes du spectacle fondent en larmes. Ils se prennent dans les bras. Après cinq ans de tournée, c’est la fin de leur spectacle théâtral. La fin d’une aventure. C’est ainsi que commence le film La Tsigane, sur la route avec Tamèrantong ! Le documentaire raconte l’épopée théâtrale du spectacle La Tsigane de Lord Stanley mis en scène par Christine Pellicane de la compagnie Tamèrantong. Cette troupe fait de l’éducation populaire par le théâtre depuis trente-cinq ans, intervenant ces dernières années dans les quartiers populaires de Belleville à Paris, de Mantes-la-Jolie dans les Yvelines et de la Plaine à Saint-Denis. C’est dans cette dernière ville du 93 que la compagnie a accompagné au Théâtre de la Belle Étoile une vingtaine d’enfants et d’adolescents, pour beaucoup de classes populaires, avec des problématiques sociales, éducatives ou familiales. La comédie La Tsigane de Lord Stanley est inspirée du conte Norma et le Beau Lord écossais de Jean Portail, qui reprend une légende gitane de la Camargue sur une histoire d’amour. La première est une Tsigane pauvre. Et le deuxième est un Gadjo, un étranger dans la langue romani, riche aristocrate. Tout les oppose, mais ils tombent amoureux. Et doivent se battre contre leur milieu respectif. Un Roméo et Juliette comique et loufoque. « C’est une pièce qui porte sur la différence et l’amour », résume Ilefe, une des jeunes comédiennes.

« On a tous vu des Roms se faire expulser, maltraiter, injurier. Et cela fait mal. »

Le projet débute en 2011 à la Plaine, quand les Roms sont alors durement stigmatisés, vus comme « l’ennemi de la nation », raconte Christine Pellicane. Des bidonvilles se construisent dans ce Nord parisien. Les clichés racistes contre les Roms sont tenaces. Et la pièce est vue comme un moyen de lutter contre ces idées réactionnaires. « Les jeunes avaient eux-mêmes des préjugés. Dans le film, ils disent d’ailleurs que quand on ne connaît pas, on a peur de l’autre. Du coup, pour casser les préjugés, on leur explique qu’ils en sont eux-mêmes victimes », souligne la metteuse en scène. Les jeunes sont sensibilisés à la question du racisme anti-Roms. Des rencontres sont organisées. « On a tous vu des Roms se faire expulser, se faire maltraiter, injurier. Et cela fait mal », raconte un jeune acteur dans le documentaire.

Avant-première le 30 juin à Paris, suivie d’un échange avec le réalisateur Sébastien Lefèbvre, la metteuse en scène Christine Pellicane et la troupe.

 

Une aventure humaine de 8 ans

L’aventure s’étale sur huit années, de la création de la pièce avec les premiers ateliers d’initiation, aux premières représentations, en 2013, de la région parisienne à Nice en passant par Vesoul. Au total, une cinquantaine de tournées ont lieu jusqu’en 2018. L’idée du documentaire est née à la fin de l’aventure afin d’en garder une trace. Le film montre d’ailleurs l’évolution des jeunes que l’on voit grandir à travers le temps. Le réalisateur y alterne des images d’archives – captées par lui ou d’autres – avec des interviews récentes où les acteurs et actrices reviennent quasiment deux ans après la dernière représentation sur tout ce que le projet leur a apporté. « On les voit évoluer dans le théâtre, mais aussi dans leur vie en général. C’est incroyable de voir comment la compagnie a accompagné ces jeunes. Quand ils sortent de l’aventure, ils sont prêts pour la vie », témoigne le réalisateur Sébastien Lefèbvre, qui suit le travail de Tamèrantong depuis environ 20 ans.

« Plus que du théâtre »

« J’ai eu aussi envie à travers cette aventure de raconter tout le travail de la compagnie », poursuit-il. « L’artistique est indissociable de l’acte social et éducatif. On fait de l’éducation populaire. Ce n’est pas que du théâtre », renchérit Christine Pellicane. Le travail de la compagnie est aussi exigeant que pour des professionnels. Les jeunes répètent parfois plusieurs fois par semaine. Ils deviennent meilleurs. Les performances sont de qualité. Certaines sont impressionnantes. En 2018, la troupe a fait une tournée en Slovaquie où les jeunes ont joué la pièce en… slovaque. Ils ont appris pendant plusieurs mois leur texte dans la langue du pays. Une prouesse « incroyable », raconte Ivan Akimov de la compagnie Kesaj Tchave, qui a aidé à l’organisation de la tournée en Slovaquie. « On est tombé de notre chaise. C’était un miracle linguistique », dit-il, impressionné. La pièce est jouée dans un bidonville tsigane. Les jeunes dionysiens en gardent un souvenir puissant. Comme le dit le réalisateur, « plus que du théâtre, La Tsigane raconte un moment de vie ».

 

Aziz Oguz

 

 

En attendant de trouver un diffuseur, la compagnie compte projeter le film dans des écoles, des structures publiques, des cinémas ou des festivals. Pour les structures intéressées, contacter la compagnie via leur site www.tamerantong.org/

Oguz Aziz