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Août / 17

LA PLANÈTE DES WEB-ENTREPRENEURS

By / akim /

LA PLANÈTE DES WEB-ENTREPRENEURS

Et si le numérique représentait l’avenir des jeunes dans les territoires oubliés de la République ? Ils sont français, d’ailleurs et d’ici, diplômés ou autodidactes et ont créé leur entreprise en banlieue, en zone rurale ou dans les Dom-Tom. Attention, énergie débordante.

Son idée, Aurélie Kolani la sent germer quand, jeune maman, elle regrette de ne pas être témoin des premiers pas de sa fille confiée à une nounou pendant qu’elle travaille. Elle imagine une plate-forme web qui permettrait aux assistantes maternelles de proposer aux parents de voir, via une webcam, leur enfant à certains moments de la journée. Le concept existe aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Son projet s’enrichit d’autres services. Depuis six mois, nounouvideo.com est opérationnel et Aurélie vise la rentabilité d’ici un an.

L’envie de se lancer a vu le jour dans ce quartier défavorisé du nord de Bordeaux. C’est là qu’Aurélie est née, de parents d’origine togolaise, là qu’elle a grandi, là qu’elle a créé son entreprise, après un parcours qui l’a menée, BEP de vente en poche, à la téléprospection puis à une société d’événementiel. « C’est important d’entreprendre dans ce quartier où les liens de solidarité sont forts. Vous y trouvez des ressources insoupçonnées. » Comme ce voisin, sans emploi mais fou d’informatique, à qui elle confiera la programmation de son site. Pour Aurélie, internet est la clé de l’entrepreneuriat : peu de frais, la possibilité de communiquer avec des milliers d’inconnus… L’avenir selon elle. D’après un sondage Opinion Way pour Microsoft (2014), 80 % des jeunes en ZUS sont attirés professionnellement par le numérique (contre 69 % pour l’ensemble des sondés). Un sur deux aimerait créer une entreprise dans ce domaine (33 % pour l’ensemble). « Mon histoire peut en inspirer d’autres », affirme Aurélie Kolani qui envisage un développement vers l’Angleterre et l’Espagne. Jeter un pont entre l’Afrique et la France, c’est la démarche d’e-market Africa, projet mijoté à Villepinte (93) par Fatoumata Sidibé. L’idée : donner la possibilité à la diaspora africaine de faire ses courses alimentaires en ligne, ainsi que celles de proches restés au pays, par un système de prépaiement et de livraison permettant de s’affranchir des coûts de transfert d’argent ou de rompre l’isolement des villages. « Contribuer aux besoins de sa famille en un clic, en favorisant l’activité des agriculteurs locaux et des coopératives de femmes, c’est une démarche plus constructive que d’envoyer de l’argent », explique cette pétulante jeune femme.

SE RÉAPPROPRIER LE PROJET POUR DEVENIR UN JOUR

LA NOUVELLE GÉNÉRATION D'ENTREPRENEURS.

Un incroyable vivier de talents

BTS assistante de gestion en poche, elle a d’abord fait ses griffes dans des groupes importants. Puis s’est lancée en auto-entrepreneur, en raflant des concours qui lui apportent huit mille euros : elle crée le site internet, achète un ordinateur, et les premières denrées alimentaires. Sollicitée pour développer le concept au Maroc, elle est hébergée dans une université de Bamako, et dans l’incubateur social de HEC en France. « Ici, il existe beaucoup de possibilités d’accompagnement, mais les jeunes n’ont pas toujours l’information. » Une étude réalisée en 2010 par Opinion Way, pour l’Adive et La Nouvelle PME, montre que 75 % des créateurs en ZUS sont actifs, contre 54 % au niveau national, à niveau d’études comparable. Seuls 14 % sont au chômage. On est loin du cliché. Surtout quand on écoute Allan Faure, jeune Français originaire de Guadeloupe, à la tête de Shopping-97, premier site d’achats groupés des Antilles et membre fondateur de Guadeloupe Tech, qui soutient les entreprises du numérique. Allan est venu en métropole à dix-sept ans pour des études d’ingénieur et commence sa carrière comme consultant.

 Deux ans après, le maire de sa commune d’origine lui propose de structurer le système d’information de la ville. Dans la foulée, Allan Faure lance sa plate-forme sur le modèle du site Groupon. Depuis, la société compte quatre salariés. Chiffre d’affaires : un million d’euros. Pas mal pour quelqu’un qui a débuté avec deux mille euros, sans emprunt. « Le numérique est une chance inouïe pour qui veut démarrer sans se mettre en péril. Il ouvre les possibilités. » Depuis, Allan prépare un nouveau projet web proposant les meilleures pratiques mondiales aux TPE et PME. Sa conviction, Allan la transmet en soutenant des projets. Aurélie Kolani caresse l’idée d’ouvrir un local associatif pour initier les femmes à l’informatique. Fatoumata Sibidé a mis sur pied un atelier pour inciter les jeunes femmes à créer leur activité. Et du côté de Montpellier, Salim Zein, ancien prof, vient de lancer un centre culturel numérique permettant à des jeunes d’inventer des jeux vidéo pédagogiques, diffusés par le biais de classes numériques itinérantes. « Avec les notions de code, de langue, de graphisme, c’est déjà une petite entreprise. Le plus important, c’est qu’ils retrouvent l’estime de soi en se réappropriant le projet. Pour devenir un jour la nouvelle génération d’entrepreneurs. »

Aurélie KOLANI nounouvideo.com

Cap sur les zones rurales

C’est une autre frontière que Sébastien Gallot a franchie, celle des territoires ruraux. Autodidacte, sa partie, c’est le déménagement de site, pour ceux qui souhaitent changer d’hébergeur. « Je ne vois pas mes clients, tout passe par la communication électronique, je peux travailler n’importe où. » Son environnement : Boult, un village de cinq cent soixante habitants, entre Besançon et Vesoul. « Dans cette région très rurale, il n’y a pas de fibre optique, pas de couverture 4G, ni même 3G, et de gros problèmes d’accès au réseau. La zone haut débit s’arrête aux limites des grandes villes. » Pour partager son expérience, Sébastien a rejoint Silicon Comté, une structure qui rassemble les acteurs numériques de la région, leur permet d’échanger sur toutes questions professionnelles. Bien d’autres initiatives semblables ont émergé sur le territoire français.

Des coups de pouce ? http://france.planetfinance.org

http://www.adive.fr

http://www.financites.fr

RETROUVEZ CET ARTICLE DANS LA REVUE PAPIER NUMÉRO 2

Texte : Pascale Colisson

Grandes images : Eugénie Bacot

 

 

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