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FEMMES ISSUES DE LA DIVERSITÉ : COMMENT FAVORISER LEUR ACCÈS AUX POSTES À RESPONSABILITÉ ?
Jeudi 28 mars, PDG, entrepreneurs, chefs d’entreprises et chercheurs étaient invités à l’ambassade des États-Unis à Paris, pour réagir aux dix propositions formulées par des femmes issues de la diversité, lors d’un atelier-conférence sur l’invisibilisation de ces femmes dans les lieux de pouvoir, organisé en septembre dernier par le média Femme & Pouvoir TV, et dont nous sommes partenaire et que nous retrouverons régulièrement.
“Comment faciliter l’accès des femmes issues des diversités culturelles dans les lieux de pouvoir ?”
C’est une question que la fondatrice du média Femme & Pouvoir TV, Carole Da Silva, se pose depuis une vingtaine d’années et à laquelle elle a décidé d’apporter des réponses concrètes, en lançant, “ Les Jeudis du Pouvoir ”.
Un rendez-vous mensuel où des femmes du secteur public et privé (élues, fonctionnaires, cheffes d’entreprises, entrepreneures, enseignantes) et issues de la diversité réfléchissent, en alliance avec les hommes, aux moyens permettant d’accéder aux postes à responsabilité, avec un regard croisé France – États-Unis.
Après un atelier-conférence en septembre dernier, où dix femmes ont proposé dix solutions concrètes pour briser les plafonds de verre, les dirigeants d’entreprises étaient invités à réagir à ces dernières, ce jeudi 28 mars, à l’ambassade des États-Unis.
Éviter le diversity washing avec la mise en place et la mesure d’actions concrètes dans les entreprises.
“Intégrer des politiques d’inclusion à tous les niveaux de l’entreprise, en particulier au sein des comités exécutifs”, première solution proposée à l’atelier-conférence, a particulièrement retenu l’attention d’Eric Lallier, PDG de Lenovo France.
Il était invité à réagir aux propositions aux côtés d’autres dirigeants et acteurs du secteur public et privé : Aline Crépin, directrice-adjointe du cabinet de recrutement Up skills; Mahi Traoré, proviseure du lycée Lucas-de-Nehou, Tong Chhor, directeur d’Elvink et Senior Force Plus, Amirouche Laïdi, fondateur du Club Averroès et directeur de l’agence Origines communication, et Felicia Henderson, consultante et maîtresse de conférence à l’INSEAD et Sciences-Po.
“Lorsqu’on représente au mieux la société au sein de l’entreprise, on prend les meilleures décisions”, constate-t-il. Le PDG porte un regard optimiste sur l’évolution et la considération des questions de la diversité et de l’inclusion culturelle en France, en soulignant qu’elles “font partie des stratégies d’entreprise depuis une bonne vingtaine d’années, voire au-delà”. Il propose de “mettre en place un indicateur de performance” pour évaluer les résultats des politiques d’inclusion et diversité mises en place dans les entreprises.
Felicia Henderson, considère que les entreprises doivent faire davantage pour inclure les femmes issues de la diversité. “Dans les entreprises qui parlent des inégalités hommes-femmes, il y a un effacement des femmes issues de la diversité culturelle. Ce n’est pas seulement un problème de genre, mais d’intersectionnalité.”, analyse-t-elle.
Présente en septembre dernier, elle proposait de former les dirigeants d’entreprises et managers pour saisir les enjeux d’inclusion et de diversité.
Pour elle, il est nécessaire de chiffrer la présence de femmes issues de la diversité à des postes à responsabilité, de savoir si elles se sentent réellement incluses” et d’analyser la culture organisationnelle de l’entreprise. “Il faut se demander si tout le monde peut évoluer ou si c’est une culture où l’on évolue parce qu’on coche quelques cases”, ajoute-t-elle.
Amirouche Laîdi estime que ce débat a été totalement et volontairement occulté par les pouvoirs publics français malgré un combat mené depuis plus de 20 ans. Ce n’est pas surprenant que ce débat puisse à nouveau se tenir à l’ambassade des États-Unis. “Ici, on peut dire les choses. “, souligne-t-il.
L’entrepreneuriat : la solution choisie pour gagner en légitimité
Après la prise de parole des entreprises, c’était au tour de Kadia Sylla Moisson, Séverine Le Loarne-Lemaire, Somesha Ferdinand, Chrystèle Sanon et Audra Shallal de venir s’exprimer, lors de la seconde table ronde “ Et si l’entrepreneuriat était la solution ?”
Plafond de verre atteint en raison de leur genre, origine, apparence, ou classe sociale, et rarement en raison de leurs compétences, certaines femmes ont décidé d’embrasser la voie de l’entrepreneuriat.
Pour la chercheure Séverine Le Loarne-Lemaire, en entrepreneuriat, les femmes issues de la diversité culturelle s’en sortent plutôt bien, car elles ont l’avantage d’être biculturelles, c’est-à-dire un pied en France et le second dans leur pays d’origine.
Cependant, elles peuvent se heurter aux mêmes freins qu’en entreprise, notamment pour avoir accès à des financements.
“J’ai l’habitude de rentrer dans une salle et de me sentir forte, et je ne me suis jamais sentie aussi faible que dans les salles où je venais demander de l’argent. Je sentais dans le regard de ceux qui m’écoutaient qu’il n’y avait pas un alignement, qu’on ne se comprenait pas”, témoigne Chrystèle Sanon, fondatrice de Qwampus, plateforme destinée à accompagner les porteurs de projets entrepreneuriaux. “La question de donner son argent est une question qui repose sur la confiance. Plus je suis proche de toi, plus je te connais, plus je te ressemble et plus j’ai confiance. ”
Une des solutions pour Audra Shallal est d’encourager les femmes à investir dans des projets de femmes entrepreneures. C’est l’objectif de son réseau de Business Angels Flynn Fly Invest, créé avec deux autres femmes et un homme.
Une initiative approuvée par Chrystèle Sanon qui insiste sur la mise en œuvre de la deuxième proposition : “combattre l’auto-limitation en instaurant des réseaux de soutien mutuel”. Un avis partagé par Kadia Sylla Moisson, directrice Afrique du cabinet Grant Alexander, “J’ai décidé d’entreprendre pour assumer mes ambitions et disposer de temps libre pour m’occuper de ma famille”. Pour encourager les femmes dans leurs projets entrepreneuriaux, elle a créé la Maison Muller, espace de coworking et événementiel “pour que les femmes puissent gagner en confiance, rencontrer d’autres personnes, se connecter à d’autres réseaux pour pouvoir être en autonomie économique”.
De l’entreprise à l’entrepreneuriat : accompagner les femmes issues de la diversité avec le mentorat
“On parle beaucoup des organisations, mais notre rôle, à échelle individuelle, est de se soutenir”, souligne Chrystèle Sanon. La cheffe d’entreprise considère qu’il est nécessaire de réfléchir à la 10ᵉ proposition : “Initier des actions éducatives au sein des établissements et des familles”.
C’est cet accompagnement qui favorisera le passage à l’action. “La légitimité, on la gagne par l’action. Le mindset c’est le résultat des dynamiques dans lesquelles vous vous êtes placées.”, conclut-elle.
Pour le permettre, la plupart des intervenants sont en faveur d’une solution, qui fait écho à la 2ᵉ proposition, “encourager l’essor professionnel en incitant à atteindre des niveaux élevés de réussite et d’accomplissement” : le mentorat.
Préconisé par Tong Chhor, Chrystèle Sanon, Kadia Sylla Moisson et Audra Shallal, le mentorat permettrait aux femmes issues de la diversité de gagner en confiance et de s’imposer dans les lieux de pouvoir.
Après ce premier échange entre personnes issues de la diversité et les entreprises, les rencontres “Les Jeudis du Pouvoir” vont continuer d’explorer les freins (syndrome de l’imposteur, santé mentale, préjugés, auto-limitation) et les solutions (mentorat, sororité, engagement des dirigeants, mesures) pour faciliter l’accès des femmes aux postes à responsabilité.
Keisha Mougani, de Femme & Pouvoir TV