Juin / 26
Cyber Harcèlement : la parole s’invite au collège
Alors que le cyber harcèlement toucherait près d’un jeune sur dix en France, place à la sensibilisation des ados à un tel fléau en hausse constante, avec des ateliers organisés au collège François Villon, dans le 14ème arrondissement de Paris, en juin dernier, par la compagnie de théâtre À Force de rêver et notre association, MultiKultiMédia. L’occasion d’interpeller les jeunes sur le respect de toutes les différences, largement malmenées par ces violences en ligne.
« Combien d’entre vous ont déjà été témoins ou victimes d’insultes, moqueries…, répétées sur les réseaux sociaux ? », interroge le médiateur à la classe. Silence gêné, regards courroucés… Une main se lève, puis deux, trois,…, au final, sept. Les langues se délient : « En fait, c’est toute la classe, Monsieur ! », lance un jeune garçon. « Et les harceleurs, ils sont ici, j’vous le dis ! », accuse une autre, suscitant l’agitation dans la salle. Eclats de voix, rires…, puis retour forcé au calme quand, une fille glisse d’une voix presque inaudible, le regard dans le vide : « on m’a déjà posté ‘sale noire, sale négresse’… ».
La séquence se déroule au collège François Villon, dans le 14ème arrondissement de Paris, à l’occasion d’ateliers de prévention sur le cyber harcèlement organisés mi-juin dans des classes de troisième par la compagnie de théâtre à Force de rêver et l’association MultiKultiMédia. Au programme : le visionnage de la pièce de théâtre #moimaime jouée par des jeunes adultes en difficulté d’insertion sociale dans le cadre du Laboratoire à théâtre de la compagnie, puis un temps d’échanges – assez houleux donc – avec les collégiens sur cette œuvre racontant les destins croisés d’une fille et d’un garçon, victimes de cyber harcèlement. « C’est parce qu’elle a envoyé un ‘nude’ d’elle à son copain qu’on la harcèle dans l’histoire », résume un des collégiens. « Nous on n’a pas compris ce qui se passe avec le garçon agressé », déclarent d’autres. Une réponse fuse dans la salle : « je crois qu’il est homo…*». Nouveau silence.
Avec la crise sanitaire, des violences en hausse de 57 %
Au-delà de la sensibilisation à l’usage des réseaux sociaux et aux dangers qu’ils peuvent receler, l’atelier entend ainsi interpeller les collégiens sur le respect de toute les différences – orientation sexuelle, genre, origine ethnique, handicap… -, problématique largement abordée dans #moimaime. « Moi, je connais quelqu’un qui a fini par se suicider… Il avait quinze ans comme moi. Pendant six mois ou un an, il s’est fait harceler sur son apparence physique », confie un jeune. Une autre réagit : « Sur Twitter, c’est que ça du harcèlement, les mecs, ils nous insultent toujours de pute** ». Sa copine, juste à côté, complète : « Mais qu’est-ce qu’on peut faire pour arrêter ça ? En parler aux adultes ? A un prof ? ».
La séquence s’achève par des infos pratiques communiquées aux élèves, comme le nouveau numéro vert 3020, afin qu’ils puissent peut-être signaler, à l’avenir, tout fait de cyber harcèlement. D’ici là, certains méditerons sans doute sur l’ampleur d’un tel fléau en France qui leur a été exposé : près d’un enfant sur dix victime selon un sondage Ipsos de 2018, et des violences en ligne en hausse de 57 % durant la crise sanitaire, d’après l’association e-Enfance.
Charles Cohen
* 213 plaintes dans une vingtaine de tribunaux ont été déposées début 2019 pour des propos homophobes postés sur Internet, selon l’association Stop homophobie (rappelons que les insultes publiques à caractère homophobe, etc., sont punies d’une peine maximale d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende).
** Entre le 12 et le 18 mars dernier, «garce» a été employé sur Twitter près de 11 000 fois et «pute» près de 86 500 fois, selon l’association Mousse.