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Juil / 06

La résilience des voix d’Outre-mer

By / Florian Dacheux /

Du 5 au 21 juillet, la programmation des Théâtres d’Outre-Mer en Avignon est notre coup de cœur du Festival OFF. La Chapelle du Verbe Incarné abrite cette année des pièces venues notamment de La Réunion, de Mayotte, de Guyane et des Antilles. Un théâtre plus que jamais en résistance.

La résilience des voix d’Outre-mer

«Ce festival n’a pas le goût de fête que nous espérions. Nous voilà, gens de culture, un peu perdus, désarçonnés face à cette déferlante extrême. Qu’avons-nous fait ? Qu’avons-nous mal fait ? Cette déferlante nous parle d’une autre culture, celle du repli sur soi, de l’exclusion, de la peur de l’autre, la peur d’être grand remplacé. » Ces mots sont ceux de Greg Germain, co-directeur de la Chapelle du Verbe Incarné, en référence à l’instabilité politique du moment qui voit l’extrême droite aux portes du pouvoir. Il poursuit : « En juillet 1998, quand la municipalité nous permet d’utiliser cette chapelle, notre ambition citoyenne était simple, au même titre que les théâtres qui soutiennent des compagnies des Pyrénées ou de Loire-Atlantique : donner une plus grande visibilité aux cultures d’Outre-mer et donner aux créateurs une égalité des chances, en essayant de combattre les nombreux clichés et l’extrême ignorance sur ces terres françaises. Le théâtre n’est pas seulement un art, c’est une façon d’appréhender le monde. Le Off est un lieu de brassage culturel, de genres, de formes populaires et savantes qui nous permet de faire émerger une culture populaire. »

 

De Firmine Richard à Christiane Taubira

Pour cette nouvelle édition du Off, la programmation ne manque pas d’esprit de résistance jusqu’au 21 juillet. A commencer par Olympe, une pièce dans laquelle la formidable Firmine Richard revient sur les derniers jours de la vie de l’écrivaine avant-gardiste Olympe de Gouges. Ecrit par Franck Salin à partir des œuvres littéraires et de la correspondance de cette pionnière du féminisme et de la lutte pour l’abolition de l’esclavage des Noirs, ce monologue dresse d’elle un portrait sensible aux accents occitans et guadeloupéens, renforcé par les parenthèses musicales de deux virtuoses (violoncelle et percussions). Autre résistance ? Celle incarnée par Tropique du képone, une pièce de danse performative aux manières afrofuturistes. Partant du scandale du chlordécone et de ses conséquences sur les territoires de Martinique et de Guadeloupe, Marlène Myrtil et Myriam Soulanges soulignent l’urgence d’agir et la nécessité de sortir des ordres imposés. En juillet, on évoquera également la question du cyberharcèlement avec Maïwenn, 16 ans et demi, en lutte pour son indépendance et qui se créé une liberté illusoire sur Instagram. Sans oublier Kal qui raconte l’amour comme rempart impossible contre les violences du monde, Elles avant nous qui questionne la vie quotidienne et l’avenir des jeunes filles de Mayotte, Moi Kadhafi qui s’intéresse notamment à la facette panafricaniste du leader lybien, Cette guerre que nous n’avons pas faite qui met en scène un homme qui prend conscience que son peuple est aliéné, ou encore La Supplication sur la résilience des victimes de la catastrophe de Tchernobyl. Cette édition verra enfin de nombreuses rencontres. La Chapelle du Verbe Incarné conviera en effet Christiane Taubira le 18 juillet à lire des poèmes et textes de Claude McKay, au côté du conteur-comédien Lamine Diagne et du poète-slameur afro-américain Mike Ladd. Figure phare de la Harlem Renaissance dans les années 20, Claude McKay a notamment inspiré Aimé Césaire et son concept de Négritude. Bref, une édition 2024 plus que jamais engagée sur les questions raciales, sociales et politiques qui résonnent tout particulièrement aujourd’hui. Un seul regret ? La disparation, le 2 avril dernier, de Maryse Condé. Résidant à Gordes, à quelques encablures d’Avignon, l’auteure guadeloupéenne, prix Nobel de littérature alternatif, ne sera donc pas présente à l’inauguration de la Médiathèque (dont elle avait accepté qu’elle porte son nom) dans le futur Centre de ressources pour les Arts de la Scène que deviendra la Chapelle du Verbe Incarné. Greg Germain et Marie-Pierre Bousque, co-directrice, retiennent d’elles ces paroles : « Un jour viendra où la terre sera ronde et où les hommes se rappelleront qu’ils sont des frères et seront plus tolérants. Ils n’auront plus peur les uns des autres […]. Ce temps viendra. Il faut le croire. »

 

 

Fl. D.

© Eloïse Legay

"Les années McKay 100 ans après", événement marrainé par Christiane Taubira, à l’occasion du centenaire du séjour en France de McKay, éclaire sur sa vie et son œuvre, avec un film, un spectacle, des performances, des colloques et de nouvelles publications.

Pêle-mêle : nos autres coups de cœur du OFF !

 

And Here I Am, le 6 juillet à 20h au Théâtre des Carmes
Basé sur une histoire vraie, And Here I Am suit le parcours d’Ahmed Tobasi, jeune palestinien né dans un camp de réfugiés. L’écrivain irakien primé Hassan Abdulrazzak et la metteuse en scène britannique Zoe Lafferty nous transportent au cœur de sa quête de sens et de liberté, de la Cisjordanie à l’exil politique en Norvège. Directeur artistique du Freedom Theatre de Jénine, Ahmed Tobasi incarne ainsi son propre personnage dans ce spectacle qui tourne à travers le monde depuis 2017.

 

Joue-la comme Mehdi du 12 au 21 juillet à 20h10 au Pixel Théâtre
Dans Joue-la comme Mehdi, on retrouve Mehdi Dix, slameur de tous les possibles, connu pour détruire les clichés sans en parler. Un griot des temps modernes à mi-chemin entre Raymond Devos et Oxmo Puccino. « De la poésie de blédard », sourit-il. Un gars sensible au talent d’écriture hors-norme.

 

Dans la solitude des champs de coton jusqu’au 21 juillet à 16h10 à la Factory
« Nous avons pris ce texte sous l’angle des rapports entre un blanc descendu d’un immeuble climatisé, de passage pour faire des affaires dans un lieu aseptisé, comme il en existe tant dans les villes mondes, et la pauvreté périphérique d’une ville d’Afrique », explique le metteur en scène Laurent Rochut (également directeur et fondateur de La Factory) qui donne une dimension géopolitique à l’une des plus célèbres pièces de Bernard-Marie Koltès

 

L’art de ne pas dire jusqu’au 21 juillet à 19h05 à La Factory
Dans la continuité de son livre Le Pouvoir Rhétorique, Clément Viktorovitch, docteur en science politique, révélé à travers ses chroniques de vulgarisation à la radio et sa chaîne Twitch, apparaît pour la première fois sur les planches dans une fiction grinçante. Il y incarne le conseiller en communication du Président de la République qui, après avoir été brutalement évincé, cherche à se venger.

 

Salade, tomate, oignons jusqu’au 20 juillet à 20h15 à Présence Pasteur
Dans un flot de mots, Jean-Christophe Folly fait valser les clichés sur les racines et l’héritage. Seul en scène, il dresse le portrait d’êtres en quête d’identité, d’appartenance et de terroir. Comment faire pour réussir à vivre sereinement une vie hantée par des ancêtres dont on ne sait plus rien, dont on n’a jamais rien su ? Jusqu’où la liberté est-elle possible quand on ne se reconnaît dans rien ?

 

Derrière les fronts le 16 juillet à 20h au Théâtre des Carmes
Alors que le peuple de Palestine est actuellement victime d’un génocide et que des conflits ont lieu partout dans le monde, Derrière les fronts explore la souffrance intime et la dépression collective d’un peuple soumis à l’occupation. Un spectacle qui mêle théâtre et danse, adapté des chroniques de la psychiatre palestinienne Samah Jabr, du documentaire éponyme de Alexandra Dols et contenant des extraits de Gaza d’Ici-là de Frank Smith.

 

France jusqu’au 21 juillet à 20h05 à Présence Pasteur
Replongez dans la Coupe du Monde de Football 98 qui voit l’équipe de Zidane monter sur le toit du monde. Football, théâtre, danse, sont réunis pour questionner la construction, l’identité, la joie collective. Une pièce qui nous replonge dans une époque où l’on croyait encore au mythe d’une France plurielle unie et fière de l’être.

 

Classement sans suite jusqu’au 21 juillet à 18h30 à La Luna
C’est l’histoire de toutes les victimes d’agressions sexuelles qui décident de porter plainte, quels que soient leur âge, leur genre, leur classe sociale, leur origine, leur lien avec l’agresseur. Sur scène, cinq interprètes représentent chacun un rôle symbolique : la victime, l’agresseur, l’entourage de la victime, les associations, les institutions judiciaires et policières. Une pièce qui nous rappelle au combien les stéréotypes sexistes doivent encore être largement déconstruits.

Florian Dacheux