Tranche de vie/ « Je suis SOCIO-DIDACTE »

Juin / 17

Tranche de vie/ « Je suis SOCIO-DIDACTE »

By / Marc Cheb Sun /

Accrochez-vous : c’est le plus long portrait que j’aie jamais écrit ou publié. Privilège de rédac-chef, j’assume ! Mais le gars vaut le détour : un cocktail d’humanisme et d’entrepreneuriat mêlé à une vision de l’éducation. Une tranche de vie avec ses chutes et ses rencontres. Let’s go, Yallah, c’est parti !

Tranche de vie

Il dit :

Je suis "socio-
didacte"

« J‘ai grandi à Paris dans le XIXème, et ce qui est marrant c’est qu’on vivait dans deux chambres de bonne en fait. On était six dans une des deux ! Et moi comme j’ai connu que ça, bah j’étais grave content. Quand mon grand frère est parti, j’étais même triste. Comment j’ai pleuré ! Parce que pour moi il n’y avait plus la même ambiance. On s’ennuyait jamais, y’avait tout le temps du bruit. Moi j’aime vivre dans le bruit, je dors dans le bruit. Les gens rigolent : j’suis même capable de m’endormir en boîte de nuit. Je peux dormir comme ça, normal, parce que je suis né dans le bruit, j’ai vécu dedans, j’aime bien en fait. La première fois que j’ai déménagé et que j’ai dû dormir seul, c’était hyper étrange, j’étais limite angoissé… T’imagines : y’avait aucun bruit. »

 

Il est comme ça, Boniface N’Cho. Il a 33 ans mais dès qu’il parle de l’enfance, il redevient enfant, son sourire, ses expressions, ses émotions : d’un coup il est le gosse qu’il décrit.

 

« Chez nous, c’était peut-être petit mais on n’a jamais manqué. Des fois, j’allais chez des amis, y’avait rien à manger. Chez moi, quelle que soit l’heure, tu viens, y’a à manger et puis c’est tout. Même si j’arrive avec dix amis, y’a à manger pour dix. »

 

Ses parents, il les admire, ça se sent. Une sorte de dette morale. Ils arrivent de Côte d’Ivoire dans les années 80  et font leurs études à Jussieu.

 

« Après son doctorat en biochimie, mon père a travaillé dans un laboratoire en pharmacie. Il n’a pas pu évoluer dans son métier parce qu’il était noir. Ça lui a fait mal mais il a rebondi : il a monté une société de nettoyage. Ma mère ? Une force incroyable… C’est eux qui nous ont poussés à faire des études, à aller le plus loin possible. »

 

Là, il sourit moins : visiblement la scolarité a été une période… compliquée.

 

« En primaire, je faisais partie des derniers de la classe. J’avais du mal à me concentrer, et ça a continué en secondaire : j’ai besoin que ça bouge tout le temps (Il dit ça et toc : il bouge !) Y’a un truc que j’aimais bien : c’était démonter tout ce que je trouvais. J’m’en rends compte maintenant, j’étais très manuel. Je démonte, je remonte, ça marche pas mais j’essaie de comprendre pourquoi et je re-démonte. J’adorais faire ça. J’avais une petite boîte à outils. Tous les trucs que je trouvais, je les dévissais. J’ai un jouet : au lieu de jouer avec, je le dévisse. Quand les ordinateurs sont sortis, j’ai beaucoup aimé la programmation. J’essayais de faire des jeux, des petits programmes. Rester assis sur une chaise toute la journée, c’est hyper compliqué pour moi, j’ai besoin que ça soit dynamique, faut que je fasse plusieurs choses en même temps.

Le collège… Je ne sais plus pourquoi : au lieu d’aller dans celui où étaient mes frères et sœurs, je suis arrivé dans un autre, quelques rues plus loin. Et là je me retrouve à être le seul Noir dans ma classe. Madame Tellier se présente à moi : Bonjour, je suis votre prof principal et votre prof de latin. Mais moi, je ne savais même pas ce que c’était le Latin…. Ça a été l’un des grands tournants de ma vie. Avec du recul, je crois juste que c’était ma destinée. En fait dans ce nouveau collège, je me suis fait des amis qui m’ont vraiment soutenu, on est restés très proches. C’est la famille ; aujourd’hui on a même acheté une maison ensemble !

Je le disais : me concentrer, c’est mon problème. Et ça été doublement difficile parce que j’ai dû le faire deux fois : et oui redoublement en première. Puis en terminale. Tous tes potes sont dans la même classe, et toi tu redoubles, deux fois en plus… Trop de pressions ! Pour ma deuxième terminale, j’ai changé de Lycée. Bon, j’ai fini par avoir mon Bac… et avec mention ! Après j’ai vite lâché l’école pour acquérir des compétences sur ce que j’étais capable de faire. J’ai appris au fil des rencontres. Moi je dis que je suis un enfant de l’éducation populaire parce que les gens ont accepté de m’apprendre. J’aime pas le terme autodidacte, je suis un socio-didacte. J ’ai appris via la société. »

 

Socio-didacte, oui, OK, il fallait y penser… Alors, voilà, combat gagné : 2004, il a quinze ans, c’est la fameuse arrivée en S… et au prestigieux lycée Sophie Germain, dans l’élégant quartier parisien du Marais. L’un des seuls lycées du centre sectorisé avec les quartiers populaires des XIXème et XXème arrondissements. D’où le brassage rare que l’on trouve dans cet établissement.

"MOI J'AIMERAIS FAIRE DE LA POLITIQUE, MAIS UN NOIR COMME MOI?"

Et oui : à la mairie du IVème arrondissement de Paris !

Et Boniface débarque en politique !

 

« Je me souviens du père d’un ami, Monsieur Jésu, à qui j’ai dit : Moi j’aimerais bien faire de la politique, lui il me sort : Mais si tu veux, tu peux, alors je réponds : Ah ouais ?, ben non.. Un Noir comme moi ? Il m’a répondu d’une manière tellement simple –Et alors ?- que ça a déclenché quelque chose dans ma tête. C’est nous : on se met des barrières, la société nous les impose inconsciemment et on grandit avec des barrières psychologiques. On se dit : On est cantonnés à faire ça, et du coup on va se cantonner à le faire. Monsieur Jesu et Fabienne Debu font partie des parents d’amies qui ont cru en moi depuis tout petit. Sans le savoir ils m’ont aidé à m’affirmer et ont toujours valoriser mon potentiel. Rien que la phrase de ce monsieur, dite tranquillement, ça m’a ouvert des perspectives et j’ai pensé : Finalement, oui, tout est possible.  La preuve : quand j’étais en seconde, j’avais que des mauvaises notes, de très mauvaises notes. Mais je voulais aller en S. Mon prof de Chimie, Monsieur Vogiel, me dit : C’est impossible. Moi je lui réponds : Si j’ai des mauvaises notes, c’est parce que je ne travaille pas. Si je travaille, je suis capable d’avoir la meilleure note. Il persiste : c’est impossible. Je lui fais : Ah ouais ? OK, je m’assois devant à tous les cours et, au prochain contrôle, vous allez voir. Je rentre chez moi. Je révise, révise, révise. Le jour du contrôle,  j’me dis Faut que j’aie 20 parce que, eux, ils pensent que je suis bête. Moi je sais que je suis pas bête ! On passe le contrôle, j’ai gratté comme j’ai jamais gratté, j’étais au fond tout seul, ils croyaient que j’allais tricher. Le jour où le prof rend les copies,  je vois, j’ai pas ma copie. ..Parce qu’il rend les meilleures notes à la fin. Il me rend ma feuille, j’ai eu 18,5. Toute la classe s’est levée, ils m’ont applaudi, j’ai pleuré. Et c’est ce prof qui s’est battu pour que j’aille en S. »

 

Un parcours se dessine, coûte que coûte…

JE DIS À MES POTES : "DISPERSEZ-VOUS, ALLEZ FAIRE DES RENCONTRES"

« Avec du recul, je me rends compte que la formation bac S m’a appris à raisonner. Pas le contenu des fractions, des intégrales, ça, je ne m’en souviens plus. Elle m’a appris à construire un raisonnement. C’est ce que les mathématiques m’ont enseigné. Et c’est hyper important. Vers la fin du lycée-début de la fac, j’ai commencé à sentir un attrait pour la communication. Pourquoi ? Parce que j’aimais bien discuter avec les gens et j’ai pensé : Pour rencontrer des gens, la com’, c’est le meilleur truc. Je sors beaucoup et quand on arrive en soirée, je dis à mes potes : Dispersez-vous, on se connaît, on n’a pas besoin de rester ensemble, allez, on va faire des rencontres et on se revoit en fin de soirée ! »

Et ce n’est pas tout : en 2007, juste avant les municipales, il entre en politique, chez les écolos d’EELV. Histoire de s’activer un peu plus…

 

« Déjà des jeunes, chez les Verts à cette époque-là,  il n’y’en a pas beaucoup,  et un jeune Noir, c’est un ovni. En plus dans le centre, tu vois. Je milite dans le IVème. Je ne suis pas dans le carcan, là où on peut m’attendre : pas dans le 93, pas dans le XIXème. J’avais travaillé pour une association, Paris par rues méconnues, qui proposait de découvrir les quartiers populaires à travers des balades guidées et j’étais aussi administrateur de Vivacité Ile-de-France, un réseau d’éducation à l’environnement urbain. »

 

Mais le gars, par dessus tout, a la fibre entrepreneur. Du genre « entrepreneur social » : ces gens un peu bizarres qui mêlent efficacité et croissance du business à l’utilité sociale. Une vocation certes passée par des chemins tortueux… Flash back.

 

« Un jour, j’avais dans les dix-sept ans, je repère un bar dans le XIXème. Je vais voir son boss, M. Hadj Said Musthapha, et lui sors : Y’a personne dans votre café, moi je vais organiser des soirées. Votre bière, elle est à 2€, je la mets à 3€ quand c’est ma soirée. Et l’euro supplémentaire, c’est pour moi. Vous n’investissez rien, je m’occupe de tout, je connais du monde, je vais remplir.

C’est comme ça qu’avec mes amies, on a lancé Jeunes talents sur libre scène. Le concept est simple : on vous offre une scène, ramenez-nous du monde. Bingo : les soirées étaient pleines, y’avait du monde tout le temps. Et la journée, bin j’allais toujours au lycée…  Le patron de ce café est devenu un très bon ami qui m’a aiguillé sur le chemin difficile l’entrepreneuriat.

A cette époque, y’avait beaucoup de T-shirts Mec de Paname, Mec de banlieue… moi j’étais dedans ! J’en ai vendu plein dans les quartiers. Comme c’était ma période très retour aux sources, j’ai commencé à faire des T-shirts Côte d’Ivoire. Je suis allé dans les quartiers des Ivoiriens, à Marcadet, c’est là que j’ai rencontré John Zino qui est devenu un ami. Je suis monté associé dans sa boîte, on a produit des DVD et des T Shirts de Tiken Jah, j’ai distribué un album d’Alpha Blondy. Ma deuxième vie après la journée au lycée. On a fini par organiser un concert de Tiken Jah dans un stade au Sénégal -un pays où je n’avais jamais mis les pieds !

Je connaissais une fille, son père était plein de fric : à Noël, il lui a offert un chèque de 50 000€ ! Et elle me sort : Je ne sais pas quoi en faire

Ben moi j’étais en train d’organiser notre concert au Sénégal. Prête-moi 20 000€ et, t’inquiète, je te les rends. Elle me fait le chèque ! Je ne la remercierai jamais assez pour la confiance qu’elle m’a donnée. Mais au Sénégal, fin décembre, il y a eu plein des manifestations, tout le pays était bloqué. Le concert n’a pas marché, y’a eu quasiment personne. Bref : j’ai 19 ans, mon père fait le ménage, ma mère fait le ménage, et je me retrouve avec 20 000€ de dettes… Je dirais que c’est le second grand tournant de ma vie. »

"Là, JE RENTRE DANS UN TROU NOIR. J'AI CONNU LE SOMBRE DU SOMBRE: PMU, POKER..."

« Et là. je rentre dans un trou terrible. J’ai connu le sombre du sombre : le PMU, le poker, j’y allais tout le temps. Le PMU, la première fois, j’y entre pour tenter le coup mais je plonge dedans : je deviens un joueur, pire qu’un joueur. C’est l’addiction totale. A cette époque je vis dans le Marais avec ma copine Zelda. Elle me voit sombrer, la pauvre. Un jour, elle me dit : Je ne plus rien faire pour toi, rentres chez tes parents. La je me senti lâché, abandonné. En vrai, c’était sa plus belle preuve d’amour. Elle m’a donné le coup pied au cul dont j’avais besoin.

Et je lui en serai éternellement reconnaissant.

J’ai souffert parce que je devais de l’argent. Alors je retourne chez mes parents et je réfléchis : eux, ils gagnent le SMIC, ils ont eu six enfants, on n’a jamais manqué de rien. Moi j’ai 20 000€ de dettes, j’ai 19 ans, je me plains ? Et là, j’ai recommencé à travailler. J’ai fait le ménage, j’ai bossé dans la sécurité, et tout ce que je gagnais, je le remboursai. Ça m’a pris une année pour tout lui rendre. »

Chose faite, le voilà en paix avec lui-même. Aujourd’hui on parle de Boniface comme d’un « serial entrepreneur ». Une vocation ?

 

« En fait je n’avais pas le choix. Pour réaliser mon rêve, fallait que je passe par l’entreprise. Développer, ça partie de mon ADN. Et ça me porte depuis mon engagement associatif. J’ai constaté que les associations avaient du mal à communiquer, j’ai commencé à faire un peu de com’ urbaine. Tout s’est fait avec des rencontres, une fois de plus. J’allais avec mon ordinateur dans les salons de coiffure à Barbès et Château rouge et, direct, je leur créai leur carte de visite. J’ai créé mon petit réseau. Un jour, un monsieur qui dirigeait un magazine de foot féminin m’a proposé de m’occuper de sa com’. Là je me suis dit : Je ne suis pas capable, je vais me planter. Donc j’ai cherché quelqu’un qui avait l’expérience pour assurer le contrat et, en échange, je lui ai demandé de regarder et d’apprendre. Et j’ai appris. Christopher et Nicolas m’ont accueilli comme des frères des le premier jour. Après diverses aventures (en fait, là, c’est moi qui résume : j’écris un portrait, pas une saga en 3 saisons !!!), j’ai créé mon agence. Tout seul, puis un salarié, deux salariés… Aujourd’hui on est 4. L’agence a été un pilier. Elle m’a permis de rencontrer John Dieme qui, aujourd’hui, est mon associé sur Groomer’s. J’ai aimé sa dynamique, sa manière de penser, sa sincérité. C’est une denrée rare, c’est hyper important. Et il est très différent de moi : moi, la rue je l’ai connue de loin, lui est beaucoup plus mec de cité. Pour lui, aller manger en terrasse, c’était un truc de bouffon. On a évolué ensemble en s’apportant ce que nos parcours nous avaient donné et appris. Maintenant, c’est le premier à me dire : Allez, viens on va là… On a même une cantine ans le XVIème, et ouais ! On se fait plaisir, de la grande cuisine africaine, un vrai kiff ! »

L’aventure Groomer’s

 

Boniface parle aussi d’une « responsabilité » que lui et John veulent regarder en face.

 

« On porte le poids d’une génération, on a une vraie responsabilité, oui. Nous devons marquer cette société de notre empreinte et faire en sorte qu’elle puisse porter les autres. Que ceux qui arrivent derrière se disent qu’ils ont leur place. Nous, on n’a pas eu la chance d’avoir des exemples, sauf nos parents mais, eux, n’étaient pas dans le même ancrage, c’est normal. La société nous renvoyait une image péjorative, rien d’autre sauf dans des créneaux décidés à notre place : le sport… C’était très ancré, même de manière inconsciente chez les gens bien à gauche. Cette marque-là, elle transpire en nous. »

 

Alors l’aventure Groomer’s, comment ça arrive cette histoire-là ?

 

« Au départ, le cheveu, la beauté, la coiffure, c’est l’univers de John. Moi, ça m’intéresse de loin. Mais il a ce don-là… Ce don de m’attraper et de m’emmener. Voilà : je me retrouve associé et co-fondateur de la marque. Le barber, c’est un mix entre coiffeur et barbier. C’est un expert de la tondeuse. On n’apprend pas ça dans les CAP de coiffure. Il a fallu démocratiser ce savoir. La typologie du cheveu change, partout ou presque. Le barber est capable de faire toutes coupes sur tous types de cheveux. On a mis en place des formations depuis deux ans. On a créé dix-huit formations d’initiation à la profession avec la Chambre des métiers, avec une vraie pédagogie motivante. Pour les jeunes, c’est valorisant : la beauté masculine, c’est un métier stylé, tendance et en plein essor.

Le but, c’est de créer une vraie école. Je m’y retrouve justement parce que le projet est aussi social. On est des entrepreneurs, certes un peu balbutiants, mais on veut transmettre quelque chose. On a fait des erreurs : on aimerait que les suivants ne les fassent pas. On aimerait que chacun soit en capacité de construire.

 

Un proverbe chinois dit : « si tu croises quelqu’un qui a faim, ne lui donne pas à manger. Apprends-lui à pécher ».

 

« Nous voulons écrire une histoire possible. Comment apporter sa pierre à l’édifice pour que les générations futures évoluent dans de bonnes conditions ? Pour ça, le développement de Groomer’s, c’est important. Aujourd’hui nous avons trois salons, plus deux en franchise et deux projets d’ouverture. Et pourtant, au début, aucune banque ne nous a suivis. On a créé cette histoire en sollicitant notre réseau. »

"NOUS VOULONS ÉCRIRE UNE HISTOIRE POSSIBLE."

Bon, voilà, c’est fini ? Ah bin non, il y a encore Montessori…  

 

« Montessori, j‘suis tombé dedans par hasard (je lui rappellerai bien la pensée : « Une rencontre n’est jamais un hasard, mais une nécessité », mais je me tais !) Même si maintenant je sais qu’il n’y a pas de hasard (Ah bin voilà !) Marie-Christine Snyders, fondatrice de l’école, me contacte en 2015 pour savoir si je veux m’investir dans son association. Faut savoir que Marie-Christine fait partie des parents de mes amis qui m’ont vu grandir. Elle me connaît depuis que je suis en 6ème. Et oui j’ai eu beaucoup de Mamans !! Moi, au début, j’avais pas le temps pour ça ! Je suis dans le développement de mon agence, l’idée de Groomer’s est en entrain de naître : m’investir dans un nouveau truc, ça ne me chauffe pas du tout. Son fils Emmanuel, qui travaille à l’école et qui fait partie de mes très bons amis, passe me voir un soir. Il me dit : En fait Boni, on a des soucis a l’école. Il nous faut un président qui aie des notions en gestion. Je suis convaincu que tu vas pouvoir bien gérer ça. En gros, si tu ne reprends pas l’école, on a un risque très sérieux de fermeture avec 40 salariés sur le carreau. On est en juillet 2015… J’avais plus le choix ! Le frérot a besoin de moi, on y va ! Je commence à regarder les comptes, à comprendre un peu l’histoire et j’organise des rendez-vous individuels avec tous les salariés, de la directrice au personnel de ménage. Je me rends vite compte que ce projet de pédagogie différente, ouverte sur le potentiel de chaque enfant, est juste magnifique. L’équipe a juste besoin de quelqu’un qui s’occupe des problèmes financiers pour pouvoir faire ce qu’elle sait faire de mieux : s’occuper des enfants!

J’embarque Fatoumata avec moi dans cette folle aventure, une amie de John. Elle sera mes yeux et mes oreilles parce que je ne peux pas être à temps plein sur la structure. Au final, je ne fais pas grand chose. Je dis juste à l’équipe : Les problèmes d’argent, je connais, je m’en occupe… Vous, occupez-vous des enfants. Et la machine se remet en route. En 2017, je décide de transformer la structure en Scop (société-coopérative autogérée). Au début j’ai reçu un non quasi unanime : on n’a pas le temps, on n’y connaît rien et j’en passe. Comme tout le monde a toujours cru en moi, moi je crois en chacun des membres de mon équipe. On va y arriver. Depuis 2017, Plaisir d’enfance a entamé son projet de développement.

L’idée principale, c’est de partager cette pédagogie ouverte avec un maximum d’enfants. On a ouvert un septembre 2019 une crèche à Pantin. Et on entame une dynamique nationale pour 2021. L’aventure ne fait que commencer… »

 

Heureusement pour moi, Boniface N’Cho n’a que 33 ans. Bonne chance au biographe qui écrira son histoire dans vingt ou trente ans.

N’empêche : le gars communique une sacrée énergie, et aussi une vraie tendresse. Un cocktail dynamique et savoureux.

 

 

Marc Cheb Sun

Assisté par Géraldine Julliard

 

Photos : Goldie Williams

Boniface et John

Marc Cheb Sun