Lilian Thuram et le racisme : «Il ne faut pas baisser la garde»

La Fondation Lilian Thuram lance la 9e édition du concours national Nous Autres destiné aux élèves de la maternelle à la 6e. Pour participer, les enseignants doivent inscrire leur classe et déposer leur production artistique sur le site internet dédié avant le 13 mars. On en parle avec l’ex défenseur emblématique de l’Equipe de France de football.

Depuis neuf ans, à l’initiative de la Fondation créée par Lilian Thuram, des milliers d’élèves ont produit des œuvres vivantes, plastiques et artistiques pour travailler à la déconstruction du racisme. Au vu des dernières actualités, on se demande en quoi ce concours peut nous aider à changer les mentalités.  Et comment ce concours, né il y a 9 ans déjà, contribue-t-il à la nécessité de travailler sur les mécanismes de domination, notamment issus de notre histoire commune (esclavage, traite, guerre d’Algérie, …) ? « Je nous souhaite de ne pas déprimer », nous confie, d’emblée, au bout du fil, Lilian Thuram. « Lorsque vous voulez qu’il y ait plus d’égalité et de fraternité, il faut savoir qu’il y a d’autres camps qui ne veulent pas cela, qui veulent rester dans une hiérarchie, en légitimant toute sorte de violence. C’est pourquoi il est important de mettre des stratégies en place pour expliquer aux jeunes dans quelle société nous vivons, tout en leur disant que des femmes et hommes s’élèvent contre cela depuis des siècles.

Le racisme reste avant tout une construction à la fois politique, économique et idéologique. Il faut travailler sur la violence des systèmes économiques. L’esclavage et la traite constituaient un système économique qui a normalisé cette violence. L’histoire nous a conditionnés. »

C’est en ce sens que sa Fondation d’éducation contre le racisme (en partenariat avec La CASDEN Banque Populaire et la MGEN) renouvelle le concours national Nous Autres, destiné aux élèves de la maternelle à la 6^e. Le jury souhaite notamment faire réfléchir la jeunesse et leurs encadrants sur la défense de l’égalité entre tous les êtres humains ainsi que sur les mécanismes de domination. « A travers leurs productions, on les invite à participer à la réflexion, à comprendre les enjeux de cette hiérarchisation de la société, poursuit Lilian Thuram. Si chacun de nous transmet cette réflexion auprès des jeunes, elle pénétrera la société. Qu’on puisse en discuter, c’est ça qui est important. Cela vaut également pour le sexisme et l’homophobie. » Pour participer au concours, nul besoin d’être un expert de telle ou telle discipline. Alors que les enseignants doivent inscrire leur classe et déposer leur production artistique sur le site dédié (concoursnousautres.fr) avant le 13 mars, l’auteur de La Pensée Blanche passe ce message aux jeunes : « Ce n’est pas le magnifique qui nous intéresse en premier. C’est le fait d’avoir réfléchi ensemble. C’est comment on recrée du lien. Il n’est pas nécessaire d’avoir un talent artistique. Il faut que les enfants prennent du plaisir. Chaque année, il y a des supers œuvres, des chansons, des mises en scène. Avant d’être des êtres de raisons, nous sommes des êtres d’émotion ».

Parmi les récompenses que recevront les lauréats le 14 mai au théâtre du musée du Quai Branly, à Paris, figure la fameuse carte L’Afrique au centre, changeons nos imaginaires (dont une édition de Chéri Samba est actuellement présentée au Mucem à Marseille). Une carte essentielle dans le combat que porte Lilian Thuram. « Il faut dire aux enfants de questionner nos points de vue, qu’il ne faut pas avoir peur de regarder les choses d’un autre point de vue, de décentrer le regard, confirme l’ancien footballeur. Ecouter un autre angle, c’est ça la vraie richesse. En confrontant nos différents points de vue, on a la capacité de devenir beaucoup plus intelligents. » Après la sortie de son dernier ouvrage Mes Etoiles Noires en Images (Editions La Martinière), Lilian Thuram s’apprête à donner plusieurs conférences de l’autre côté de la Méditerranée. Grâce à un partenariat entre sa Fondation et l’Alliance internationale des éditeurs indépendants, 11 maisons d’édition en Afrique francophone coéditent La pensée blanche, publié initialement aux éditions Philippe Rey. Ce qui ne l’empêchera pas de garder un œil sur l’hexagone. « Ce qui se passe nous montre qu’il ne faut pas baisser la garde, conclut-il. Certains discours voudraient nous démoraliser. Si on déprime, on donne raison à ceux qui croient en la hiérarchie et qui légitiment la pauvreté. Il faut défendre le « nous » le plus ample. » De quoi inspirer les candidat-es au concours.

Florian Dacheux