<span class=Le spectacle vivant entre en résistance">

Juin / 25

Le spectacle vivant entre en résistance

By / Florian Dacheux /

Réunis sur la scène de la Cour d’honneur du Palais des Papes à Avignon lundi 24 juin, la maire de la ville et les dirigeants des Festivals In, Off et des scènes permanentes, ont appelé à voter contre l’extrême droite. Un appel à la mobilisation du public comme des électeurs.

Le spectacle vivant entre en résistance

Déjà singulière par son démarrage anticipé au 29 juin en raison de la tenue des Jeux Olympiques en France, la 78e édition du Festival d’Avignon (ndlr : plus importante manifestation de théâtre et de spectacle vivant du monde) va connaître une première semaine mouvementée dans l’entre-deux tours des élections législatives (30 juillet et 7 juin). Alors que les deux Festivals (In et Off) observent un ralentissement des réservations depuis le soir du 9 juin et l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, leurs dirigeants et la maire de la ville se sont montrés assez clairs sur leurs intentions. « Le message principal que j’ai à faire passer : votez et venez au Festival », a affirmé la maire socialiste Cécile Helle depuis la Cour d’honneur du Palais des Papes avant de poursuivre : « Le Festival est depuis toujours un lieu de résistance, un lieu de débat, qui défend des valeurs de liberté, de solidarité et de tolérance. » Quatre jours après la manifestation à Paris qui avait réuni plusieurs centaines de professionnels du monde de la culture contre « l’extrême droite et le délitement du service public », Avignon a pris le relais pour un mois. « Nous avons plus que jamais besoin de la culture et de ce Festival qui permet d’appréhender la complexité du monde qui se dessine », a d’abord rappelé Françoise Nyssen, la présidente du Festival In, avant que Tiago Rodrigues prenne la parole. Directeur du In depuis deux ans, le dramaturge portugais, qui a grandi entouré d’adultes qui ont vécu sous la dictature de Salazar, est allé droit au but. « Il faut être à la hauteur de nos responsabilités historiques et de notre code génétique, a-t-il martelé. Se battre pour les valeurs d’un festival démocratique, populaire, républicain, féministe, écologique et antiraciste. Et faire barrage à l’extrême droite. Le Festival permet de défendre une pluralité d’esthétiques multiples, en vivant une expérience collective, en cohésion. Il s’agit de débattre pour ne pas se battre. »

La maire Cécile Helle, entourée des responsables des Festivals In et Off d'Avignon. © Ville d'Avignon - C. Aubry

Des actions de résistance dès l’ouverture

Sur la question de la mobilisation, Tiago Rodrigues promet l’ouverture de l’agora du cloître Saint-Louis ce samedi 29 juin à 17h, en marge de la manifestation à l’appel d’une intersyndicale de la branche culture. A l’issue et en fonction des résultats du 1er tour des législatives, un certain nombre d’actions sera annoncé dès le 1er juillet. Tous ont parlé « d’urgence à voter », de la facilité d’un « vote par procuration », « face à des politiques qui peuvent décider de l’avenir d’un festival comme celui-ci ». Du côté du Off, Laurent Rochus, directeur de La Factory, a estimé que c’était « l’occasion de faire cité ensemble : reprenons le monde depuis nos théâtres, depuis nos envies de le rêver meilleur en tout cas ». Pour les Scènes d’Avignon, Alain Timar, directeur du Théâtre des Halles, a cité Ariane Mnouchkine, la fondatrice du Théâtre du Soleil qui, dans une tribune pour Libération, épingle la gauche, son propre cercle, tout en abordant le dilemme moral de faire du théâtre sous un gouvernement RN : « Qu’est-ce qu’on n’a pas fait ? Ou fait que nous n’aurions pas dû faire ? ». « Si j’avais la réponse, je ferai de la politique, pas du théâtre, a répondu Tiago Rodrigues. Ce texte de Mnouchkine avec son autocritique vient nous interpeller. » Avant de défendre les dispositifs locaux de démocratisation d’accès à la culture, en lien avec les établissements scolaires, les centres sociaux et l’association Culture du Cœur : « Sans autocritique, il n’y aurait pas de programme Première fois qui permet à plus de 5 000 spectateurs et spectatrices de venir découvrir le Festival d’Avignon, il n’y aurait pas des parcours d’éducation artistique et culturelle qui touche plus de 4000 scolaires par an. » Tout est loin d’être parfait dans cet écosystème de l’art vivant mais la période sombre que nous traversons semble souder certains face à une extrême droite qui pourrait bien détruire les services publics, tout comme le statut, unique au monde, de l’intermittence du spectacle. Sans oublier « ce qui se passe dans des secteurs où il y a une mainmise par certains sur l’édition ou la presse », a rappelé Françoise Nyssen, en référence aux conquêtes de l’empire Bolloré. Une lucidité qui mérite d’exister. A suivre sur les planches et dans les rues…

 

 

Florian Dacheux

(photos © Christophe Raynaud de Lage)

A quelques jours de l’ouverture, le 29 juin, le Festival d’Avignon propose 5000 places à tarifs réduits pour l’ensemble des spectacles de la programmation qui ont lieu la première semaine du 29 juin au 7 juillet. Avec le code EarlyFDA24, profitez des premiers jours du Festival à prix réduit via ce lien.

Florian Dacheux