<span class=Éducation et style">

Mai / 09

Éducation et style

By / akim /

Éducation et style

Vif et volubile. On pourrait croire que Rodrigue Laventure saute d’une idée à l’autre comme un oiseau de branche en branche, à l’image du surnom « West Kolibri », que son père lui a donné. Ce serait oublier qu’il a été, dix années durant, danseur professionnel, une école de rigueur où le corps doit dépasser la souffrance pour atteindre la perfection.
Son goût pour la mode, il le doit à ses origines. « Je suis influencé par les éléments qu’on trouve chez moi, à la Martinique. Je pars des paysages dans lesquels j’ai grandi et où je retourne chaque année. Là où les bleus, les verts, les jaunes sont intenses et chatoyants. » Cotonnades africaines, soie moirée, imprimés chamarrés, broderies anglaises, cet autodidacte crée un style métissé, casual, élégant.
Ses mannequins portent bermudas et chemises de coupe classique, col fermé ou largement ouvert, avec chapeaux en tissu chiné. Je remarque qu’ils semblent venir de La Nouvelle-Orléans, il sourit : « C’est vrai que je m’inspire de la créolité, cette capacité à créer du neuf à partir de différentes civilisations. Ce sont des silhouettes à la fois nonchalantes et élégantes, très antillaises. »
Rodrigue se dit « fabricant de vêtements », pas styliste. Sa première collection, il l’a confectionnée pour lui-même, a fait venir des mannequins et toute une équipe pour la photographier. Ses premiers clients ? Il s’amuse : « Surtout les filles, alors que c’était une collection homme. Cela rejoint ma conception de la mode, quelque chose de basique et portable. La fille doit aller en soirée, le pressing est fermé, elle pique les fringues de son mec. »
Rodrigue Laventure ne pense pas carrière. Il vit plusieurs vies. Photographe, danseur, chanteur, écrivain, styliste. Au gré de rencontres, d’impulsions… Alors qu’il donne des cours de danse, on lui propose de travailler dans une structure pour handicapés. Chemin faisant, une voie se profile : éducateur spécialisé en prévention. Quelques années plus tard, Rodrigue reprend ses études. Il sera éducateur de rue à Paris. Un métier qui repose sur la confiance qu’il tisse avec les jeunes en souffrance. La raison profonde d’un tel itinéraire ? Rodrigue Laventure, d’habitude si prolixe, reste énigmatique. Je découvre un personnage plus grave et complexe qu’il n’y paraît. Lui parle de pudeur. De la volonté d’être dans l’empathie, le partage. « On me demande souvent comment je concilie tout ça. Une évidence, pour moi. Un jour tu es avec deux mannequins magnifiques, le lendemain tu retournes au boulot. » Auprès de jeunes âgés de douze à vingt-cinq ans auxquels il veut transmettre, contre vents et marées, une sorte de Yes, you can.

Véronique Valentino

akim