Islam / Occident : ceux qui ont fait du lien

Mar / 11

Islam / Occident : ceux qui ont fait du lien

By / akim /

Islam / Occident
Ceux qui ont fait du lien

Abd el-Kader

Jamais entendu parler de l’émir Abd el-Kader ? Rien d’étonnant tant ce philosophe, reconnu au Maghreb comme fondateur de l’État algérien, reste dans l’histoire de France un personnage controversé et méconnu du grand public. Symbole de la résistance algérienne contre l’oppression coloniale, il lutte pendant quinze ans − de 1832 à 1847− contre les troupes françaises, les obligeant à signer divers traités de paix. Une paix vite rompue par de nouveaux combats qui contraindront l’émir à capituler devant la France, où il sera un temps emprisonné. Toutefois, cet adversaire – qui fut aussi un grand mystique musulman − n’en deviendra pas moins un ami loyal du pays. Et pour cause : en 1860, Abd el-Kader intervient pour protéger les chrétiens lors des massacres en Syrie, ce qui lui vaut d’être fait grand-croix de la Légion d’honneur par Napoléon III. Si le concours précieux apporté par l’émir à la France durant le Second Empire ne saurait être sous-estimé, certains nostalgiques des colonies refusent toujours de reconnaître son rôle pacificateur. Une figure emblématique des relations passionnelles entre la France et l’Algérie.
Charles Cohen

Amadou Hampâté Bâ

La grande œuvre d’Amadou Hampâté Bâ, c’est la préservation de la tradition orale africaine. Né en 1901 au Mali occupé par la France dès 1878, ce fils de chef peul suit à contrecœur la voie imposée et devient administrateur colonial indigène. Défendre ses semblables sans provoquer la colère de l’autorité coloniale : la tâche est rude. Sa vive habileté, son esprit de justice et sa connaissance des coutumes lui permettront de résoudre pacifiquement maints conflits. Musulman convaincu, il est accusé de prosélytisme par des prêtres, eux-mêmes aveuglés par leur mission de conversion au catholicisme. En 1942, Théodore Monod l’introduit à l’Institut Francophone d’Afrique Noire de Dakar. Hampâté Bâ y pratique l’ethnologie et l’histoire, suite logique de sa passion pour les témoignages oraux qu’il a, toute sa vie, traqués. Son aura pousse le Mali à le nommer ambassadeur de l’Unesco en 1960 ; il y apporte ses dons de diplomate érudit et de conteur, forçant le respect des puissants. En 1966, des moyens sont enfin affectés à la sauvegarde des traditions orales, «archives historiques et scientifiques de la culture africaine». Quant à son œuvre d’écrivain, elle se perpétue au fil des années sur tous les continents. 

Mark Baugé

Eva de Vitray-Meyerovitch

Un destin des plus romanesque. Elle naît en 1909 à Boulogne-Billancourt dans une famille aisée. À vingt-deux ans, elle épouse Lazare Meyerovitch, d’origine juive, qui rejoindra les Forces françaises libres. Eva se lie avec les Joliot-Curie. Éprise de sciences humaines et de philosophie, elle est l’une des premières femmes à entrer au CNRS, à un poste de direction. Et la cause des femmes pour l’égalité, elle la défendra sans relâche, tout au long de sa vie. Eva de Vitray-Meyerovitch découvre l’islam dans les années 50. Une rencontre fulgurante, qui donnera naissance à une œuvre. Ayant appris le persan, elle traduit, notamment, les textes du poète Rûmi, référence du soufisme, la mystique musulmane. Son rayonnement est international. Elle est la première femme invitée à enseigner à la prestigieuse université islamique d’Al-Azhar au Caire. Eva de Vitray décède en 1999. Depuis 2008, «son corps repose à Konya (Turquie) à proximité du mausolée de Rûmî, qui fut à l’origine de l’ordre des derviches tourneurs»(1).
 Marc Cheb Sun

1. http://eva-de-vitray.blogspot.fr

« Vous voyez des faits qui sont religieux en apparence mais qui, en réalité, n’ont rien à voir avec l’essentiel de la religion. »

Eva de Vitray-Meyerovitch
Islam, l’autre visage, éditions Albin Michel.

akim