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Mar / 11

Télévision : Un combat pour la diversité

By / akim /

Un combat pour la diversité

Depuis son bureau, au dix-septième étage d’un immeuble sans âme, son chaleureux franc-parler contraste avec l’anonymat des lieux. La grande reporter, qui a couvert la chute du mur de Berlin, les conflits en Afghanistan ou dans l’ex-Yougoslavie, nous accueille au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).
Mémona Hintermann nous tend un petit dossier : « Ça, vous voyez, c’est une année de travail. Ce rapport, on va encore l’amender et, la semaine prochaine [notre entretien a lieu en novembre 2016, ndlr], on le rendra au parlement avec des préconisations. Il est souverain. À lui d’introduire des modifications législatives afin de donner les outils nécessaires à la juste représentation de la société dans l’audiovisuel ». Sa mission au sein de l’institution, où elle préside le groupe de travail Diversité, a commencé en janvier 2013 et prendra fin en 2019. Son objectif ? Augmenter la proportion de personnes issues de la diversité sur nos écrans. « Je vais faire mes courses, je prends le métro, et la société que je rencontre n’est pas celle que je vois à la télé. » Voilà le constat lucide de cette native de l’île de La Réunion. « J’ai présenté ma candidature parce que je me sentais concernée, du fait de mon histoire personnelle, par toutes les questions liées à la différence et la diversité. » Et elle nous montre une photo de sa famille arc-en-ciel, une image où chacun pourrait se reconnaître dans un des multiples visages rassemblés.
Au fil de la discussion, une question revient sans cesse : celle des statistiques ethniques. En France, elles sont interdites. Si on estime à environ 30 % le nombre de personnes non-blanches, aucun chiffre officiel n’existe. La position de Mémona Hintermann est claire, et elle diffère de celle du CSA : « Je le dis depuis longtemps, je suis pour les statistiques ethniques ! Si on sait combien il y a de personnes non-blanches, on pourra instaurer des quotas ».
Le CSA possède un outil alternatif qui permet de mesurer le nombre de personnes présentes sur les plateaux télé, divertissements ou fictions, perçues comme non-blanches. Tous les ans, Mme Hintermann choisit deux semaines non contiguës. Vingt personnes sont chargées d’observer les programmes des chaînes hertziennes, entre 17 heures et minuit. Elles répertorient ensuite les protagonistes qui leur semblent être d’origine étrangère. À des chiffres précis, le CSA oppose un ressenti.
En 2015, le Conseil estimait à 14 % le nombre de personnes issues de la diversité, visibles sur les chaînes gratuites. En recul de deux points par rapport à 2014. « En 2019, je veux atteindre 20 %, assure Mémona Hintermann. Et si quelqu’un pense que c’est trop, qu’il vienne me le prouver ! »
Ses principaux interlocuteurs ? les présidents de chaînes de télévision. « Je les reçois ici, dans ce même canapé où vous êtes installés. Porte close, je leur demande si le pays réel ressemble au pays fantasmé de la télé. Parfois s’ensuit un long silence. Et parfois ils admettent que ce n’est pas le cas. » Alors pourquoi si peu de résultats ?

« Ils ne veulent pas être contraints à faire des projections sur le temps. Or nous demandons à ce que des plans d’action soient réalisés. On le sait clairement : les Ahmed, Li et Aminata ne sont pas représentés avec toute la dignité qui s’attache aux êtres humains. Dans 37 % des cas, on les voit dans des personnages de dealers, de voleurs, etc. Et si l’on s’attarde sur les premiers rôles dans les fictions, seuls 9 % sont occupés par des personnes non blanches. Aujourd’hui, celles et ceux qui ont des ascendances étrangères visibles sont aussi professeurs, chercheurs, ingénieurs. Où sont-ils dans l’audio-visuel ? » .

RETROUVEZ CET ARTICLE DANS LA REVUE PAPIER NUMÉRO 3

Texte recueilli par Ryad Maouche

 

akim