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Mai / 17

Mariage pour tous : 10 ans après, l’homophobie ne faiblit pas

By / Florian Dacheux /

Alors que le 17 mai signe la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie, discriminations et agressions restent en hausse, dix ans après la loi pour le mariage pour tous, où en est-on ? Décryptage en direct de l’Hôtel de ville de Paris qui organisait pour l’occasion une journée de conférences.

Mariage pour tous : 10 ans après, l’homophobie ne faiblit pas

Il y a dix ans était célébré le premier mariage homosexuel en France. Dix ans après, la loi Taubira ouvrant le mariage à tous et toutes a permis 70 000 unions. Dix ans après, pourtant, l’homophobie et la transphobie ne faiblissent pas. Bien au contraire. En 2022, l’association SOS Homophobie, qui vient de publier son rapport annuel sur les LGBTphobies, a recueilli pas moins de 1506 signalements liés à des situations de haine homophobe ou transphobe. Autres chiffres ? Sur l’application FLAG!., 70% des signalements (1783 au total en 2022) sont faits pour des infractions liées à la haine en ligne et 30% correspondent à des faits qui ont lieu dans l’espace physique. Alors que plusieurs joueurs professionnels de Ligue 1 de football viennent de refuser le week-end dernier de jouer avec un flocage arc-en-ciel, le débat sur les identités de genre déchaîne les passions. Insultes, rejets, discriminations, invisibilisations ou simple méconnaissance ? Une chose est sûre, le tabou demeure. Cette réalité, la mairie de Paris en a bien conscience. Au lendemain de l’inauguration dans le Marais de la Bulle, un lieu destiné au soutien des personnes LGBTQIA+ les plus vulnérables telles que les réfugiés, les salons de l’Hôtel de Ville, paré de son plus beau drapeau arc en ciel, ont reçu des experts de la question autour d’une conférence dédiée à l’histoire de l’adoption de la loi française sur le mariage pour tous, son cheminement et ses luttes. « Nous faisons en sorte que Paris reste une ville refuge et inclusive, a d’abord rappelé en préambule Jean-Luc Romero-Michel, adjoint au Maire en charge des droits humains, de l’intégration et de la lutte contre les discriminations. Malgré cela, les personnes trans subissent des attaques inouïes, certaines personnes sur les réseaux sociaux n’ont plus aucune limite. C’est pourquoi il est important de continuer, comme nous le faisons avec les associations, de former les agents municipaux à l’accueil des personnes trans, de former la police municipale, de sensibiliser dans les collèges. » Au tour de l’ex-député Patrick Bloche, l’un des pères du PaCS (Pacte civil de solidarité) en 1999, de rebondir : « N’oublions jamais que l’homosexualité a été dépénalisé en août 1982. Le drame du sida, au milieu des années 1980, a ensuite été un accélérateur pour donner des droits et protéger les couples de même sexe. Puis le débat autour du PaCS a été d’une violence incroyable dans l’hémicycle. Beaucoup de parents vivaient encore comme un drame d’apprendre l’homosexualité de leur enfant. »

Sources : SOS HOMOPHOBIE
« Dix ans plus tard, ce sont encore les associations qui ramassent à la petite cuillère les personnes discriminées. »

Si nous avons seulement retenu le nom de Christiane Taubira, Dominique Bertinotti, ex-ministre déléguée à la Famille sous François Hollande, a bien cosigné ce mariage pour tous. Déjà favorable à l’époque à la PMA pour toutes, l’autrice de Le jour où la gauche s’est perdue (Calmann-Lévy, 2016), se souvient d’une période à la fois douloureuse et libératrice. « Je me suis fait siffler, j’ai vite compris que ce ne serait pas simple, confie-t-elle au micro. Puis il y a un moment que je n’oublierai jamais, le jour où l’Assemblée nationale a définitivement adopté la loi le 17 mai 2013. Nous nous sommes retrouvés à la Mairie du 4e, dans le Marais. Hommes et femmes me tombaient dans les bras. C’était comme si la République reconnaissait enfin tous ces citoyens et citoyennes. Cela m’a submergé. C’est autour de l’homoparentalité que les oppositions se sont ensuite cristallisées. » « La déclaration de François Hollande sur la liberté de conscience des maires a allumé la mèche », selon Vincent Autin, premier homme à en épouser un autre le 29 mai 2013 à Montpellier (ndlr : un mariage sous haute protection, mobilisant près de 500 policiers et gendarmes). La manif pour tous a été un torrent de haine. On considérait que les discriminations envers les personnes LGBT étaient moins graves que les autres. Dix ans plus tard, ce sont encore les associations qui ramassent à la petite cuillère les personnes discriminées. On a oublié une chose : l’amour. » Autre oubli ? La procréation médicalement assistée (PMA) toujours interdite pour les personnes trans, intersexes et non-binaires. Une pétition a été lancée par la Pride des Banlieues le 1er février pour interpeller les pouvoirs publics sur le sujet. « On n’en a pas fini avec l’invisibilisation, renchérit Alice Coffin, journaliste et conseillère de Paris. Cette loi a été absolument fondatrice mais il y a eu une défaillance des associations LGBT traditionnelles, comme il y a eu un rôle joué par les médias dans tout cette communication autour de la manif pour tous. CNews (ex I-Télé) et les médias de Vincent Bolloré sont issus de cette période. Cela manquait clairement de joie. L’homophobie, c’était mieux, ça fait de l’audience. Et ce n’est pas terminé. Fortifions nos luttes contre ce système lié au patriarcat et à l’hétérosexualité triomphante. » Cette France divisée, la sociologue Irène Thery l’observe depuis des décennies. Dans le film La sociologue et l’ourson, diffusé demain soir sur France 2, elle raconte à son fils, réalisateur, les enjeux et le contexte houleux de ces neuf mois de gestation législative vécus en 2012-2013. « Quand une minorité se bat pour obtenir des droits égaux, elle joue un rôle de révélateur, impensé par le modèle majoritaire, rappelle-t-elle. Il était logique que les lesbiennes disent pourquoi pas nous. Désormais, il faut qu’on arrive collectivement à ne plus laisser se reproduire les accusations qui prennent les gens en bouc émissaires. Il reste beaucoup de freins à lever notamment du côté de la filiation pour les personnes transgenres. » Evidemment, nous sommes loin du 18 juillet 1960 et le vote de l’Assemblée nationale de l’amendement Mirguet qui qualifiait l’homosexualité de « fléau social », au même titre que l’alcoolisme, la tuberculose ou le proxénétisme. Il faudra attendre décembre 1980 pour voir la Ministre Monique Pelletier faire abroger l’amendement Mirguet. Deux ans plus tard, en août 1982, la loi Forni abrogeait définitivement le « délit d’homosexualité », mettant un terme à la discrimination pénale visant les homosexuels depuis 1942. A l’Assemblée nationale, la célèbre Gisèle Halimi défend cette « dépénalisation de l’homosexualité ». Plus de 20 ans plus tard, y a-t-il plus de victimes ou est-ce que les victimes parlent plus ? Une chose est sûre, en France comme dans de très nombreux autres pays, malgré un engagement constant pour faire reculer les préjugés, l’acceptation de l’homosexualité et de la transidentité va aujourd’hui de pair avec une radicalisation des violences. Tel est notre paradoxe.

 

Florian Dacheux

 

A noter que d’autre conférences ont eu lieu en ce 17 mai en mairie de Paris, avec notamment ce que la lutte contre le VIH-sida a apporté à l’avancée des droits LGBTQI+ en France, avant un tour d’horizon international de l’avancée des droits LGBTQI+ et du mariage pour tous et pour toutes dans le monde en 2023.

L’INFO EN +

 

Alors que le Mois des visibilités, porté par le collectif Festigays, débute ce 17 mai à Strasbourg, et que le collectif local Fiertés colorées, prépare de son côté la Marche des fiertés de Rouen pour le tout début du mois de juillet, Pap N’diaye, ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse, vient d’annoncer une nouvelle campagne de prévention et de sensibilisation contre les LGBT+phobies dont le message, « Ici on peut être soi », s’adresse à la fois aux élèves LGBT+ et à tous ceux qui pourraient, pour quelque raison que ce soit, être empêchés de vivre pleinement leur identité. De son côté, La Pride des Banlieues sera de retour le samedi 3 juin 2023 à Saint-Denis !

Florian Dacheux