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Oct / 08

M.A.DONN reprend la scène en Rap -Sodie-

By / Marc Cheb Sun /

M.A. DONN 

reprend la scène

en Rap (sodie)

Après dix ans d’absence sur la scène marseillaise, M.A DONN, rappeuse et comédienne, revient dans Rapsodie, une comédie musicale urbaine signée Kamel Saleh, le réalisateur du film culte Comme un aimant.

Rapsodie, c’est un nouveau film en finalisation mais c’est aussi un spectacle qui sera présenté dans la cité phocéenne -au Silo- le 25 octobre prochain.

Rencontre avec une femme déterminée et totalement hors-clichés.

Nous voilà au Silo, la salle est vide. On travaille aujourd’hui avec Hamidat, la chorégraphe et une danseuse. La scène est vertigineuse. Concentrée, M.A. DONN m’entraîne au fond de la salle pour réaliser cet entretien. La soirée du 25, c’est dans trois semaines… Demain, quoi !

 

Comment es-tu venue au rap, au cinéma, à la scène ?

Je suis rentrée dans le rap par l’écriture. J’ai toujours beaucoup écrit. Je suis arrivée à Marseille à 21 ans -je venais de Nice- et, suite à l’assassinat de ma mère un an plus tard, donc il y a 20 ans, je me suis mise au rap. Je commençais à mixer avec un collectif de DJ sur Marseille. Et j’adorais ça ! J’étais rap français à fond, tout le monde me disait « Il faut que tu rappes, il faut que tu rappes, c’est pas possible ». J’avais un truc particulier avec le rap français, beaucoup plus qu’avec le rap américain, parce qu’il y avait les textes, les messages qui me touchaient beaucoup. Mais, moi, j’avais l’impression que je n’avais pas grand chose à raconter. J’étais aux platines. Et puis, l’assassinat de ma mère (NDLR: le mot féménicide n’avait pas encore trouvé sa place) a été une épreuve énorme.  Là, j’ai dit à un ami DJ : « Je vais bosser mon flow, fais-moi des prods. » Je m’en suis sortie par le rap. C’était ma thérapie. Ça m’a sauvée, sauvée, sauvée. Un exutoire. Et voilà: un titre, deux, trois, quatre. Je m’arrêtais plus d’écrire, d’écrire, d’écrire. Rapidement, Le Rat Luciano a commencé à m’épauler sur le placement, la musique. De fil en aiguille, j’ai fait mon truc en indé et j’ai sorti un album en 2009, ‘Faut que ça sorte’. Le rappeur Mystik est à la réalisation. À la production, il y a Luciano, DJ H, DJ Faze. Tout en indé. Et puis j’ai mon premier enfant. Et donc je fais une pause. 

 

Tu avais un travail à côté ?

J’étais vendeuse chez Foot Locker, je faisais des études de com’ à Aix, j’ai tout lâché. Le rap prenait tout mon temps et je vibrais. J’avais vraiment besoin de ça. C’était compliqué, les assises, tout ça, très compliqué. Alors je vivais rap, je mangeais rap, je dormais rap. Et là, il y a eu ma rencontre avec Djinn Carrenard et Salomé Blechmans, j’étais enceinte du premier. Ils me proposent de monter sur Paris pour participer à des ateliers qui leur serviraient de casting pour leur deuxième film, ‘FLA, Faire l’amour’ (NDLR: un véritable bijou, ce film!). Me voilà partie à Paris avec le petit bébé. Je me retrouve au milieu de comédiennes qui faisaient du théâtre et des trucs depuis 1 000 ans. Moi, j’arrive sur scène, je me présente : « J’ai jamais fait de cinéma, NI de théâtre. J’ai fait des concerts, des trucs et tout. » Ça s’est bien passé, ça a matché. Et j’ai été choisie. Après un tournage compliqué mais intense, on part à Cannes pour l’ouverture de la Semaine de la Critique où le film était sélectionné. C’était en 2014. À ce moment- là, j’avais un autre bébé, un deuxième enfant. Toute ma carrière et mon parcours ont été ponctués par les naissances de mes enfants.

 

Euh… Il y en a combien en tout ?

J’ai cinq enfants. Bon, là, ça va, il n’y en aura plus (rires). Maintenant, on va tout droit, ça y est ! Donc, il y a le deuxième et puis, dans la foulée, la troisième. Un bébé, un petit et un pas très grand, à partir un peu à droite, à gauche, faire les projections de ‘FLA’. Mais c’était compliqué de boucler les fins de mois. J’avais besoin de stabilité. Donc, je dis Stop et je passe mon concours pour être enseignante. C’est quelque chose qui avait déjà germé dans ma tête des années avant. Alors j’enseigne un an et je tombe enceinte… de jumelles !

En répétition, devant la scène du Silo.

Effectivement, c’est tout un destin…

Oui, voilà, c’est ça. La pause, forcément. Et puis, je me suis séparée avec le papa. Et là… Arrive le concert de Soprano. Avec mes deux fils, nous voilà partis au Vélodrome. Déjà, deux ou trois jours avant, je sentais un truc. Ça faisait des années que je n’avais pas fait de concert ou même que je n’avais pas assisté à l’un d’eux. J’ai averti mes enfants : « Je vous préviens, à ce concert, je risque de me transformer »…

Dès la première note de Soprano au Vélodrome et, pendant les trois heures, j’étais sur scène aussi !  Et là, déclic. Je me dis « Non, mais ce n’est pas possible, je suis faite pour ça !» Après cette soirée,  je reste pendant deux ou trois jours allongée… et ça tourne dans ma tête… Est-ce que je reprends la musique ou pas ?  J’y vais ou pas ? J’étais en congé parental.  Et je n’ai plus repris depuis. Je me suis dit, « C’est parti, je m’y remets.». Voilà. Je rencontre un coproducteur, on fait un EP de six titres. Et puis, il y a eu le Covid. Du coup,  je décide de faire des clips participatifs, et tout le monde joue le jeu. De là, c’est  la rencontre avec Kamel Saleh. Sur les réseaux sociaux, il voit mes trucs tourner. De fil en aiguille, on commence à parler. J’ai aussi écrit un livre pendant cette période (NDLR: le dernier mot du livre, c’est : COMMENCEMENT…) Je sors le livre en audio, papier et numérique. Avec Kamel, on s’appelait, il me donnait des conseils mais il n’était pas encore question qu’on travaille ensemble mais il m’a dit : «Si tu rencontres demain quelqu’un avec ton énergie, tu déplaceras des montagnes ». Et trois jours après, il m’appelle : « J’ai quelques titres que j’ai écrits comme ça. Est-ce que ça te dirait pas de les interpréter ? On fait un essai. » Et puis on a enregistré ‘Lola’, le premier titre qui fonctionne super bien. ‘Beauté immensité’, un deuxième. On est en mars- avril, il y a un an et quelques, ce n’est pas si vieux que ça. Comme Kamel écrit des scénarios, son écriture est très, très imagée. Et quand on écoute les morceaux, on a presque l’impression d’être dans un film. « Écoute, me fait Kamel, j’ai une idée, c’est une comédie musicale. Laisse-moi un mois, je me replonge dans le scénario, je réadapte et on commence. Et on est au Silo, le salle marseillaise, pendant trois semaines pour travailler. On voit des comédiens, des danseurs. Faf Larage est invité. Hamidat, ma grande amie, une super artiste, devient la chorégraphe.

« Moi, je suis droite dans mes baskets, je me regarde, j’élève mes enfants. Ils sont là, ils sont à fond. La vie est trop courte. »

Entre 95 et 2000, si on me demandait des noms de rappeuses françaises, moi , il m’en sortait sans réfléchir une dizaine. Princess Agnès, Diam’s, Lady Lasty, Bams, Sté… Enfin, tu sais. Bon, aujourd’hui, c’est peut- être aussi moi parce que j’écoute moins de rap, mais quand même j’ai l’impression qu’en France ça n’est pas évident d’être rappeuse ?

Non, parce que les filles qui sont présentes dans la musique urbaine, c’est des chanteuses de R&B. Mais des rappeuses…  C’est un milieu très masculin. Honnêtement, c’est pas facile de s’y faire une place, mais c’est la société qui veut ça. Ce n’est pas spécifique au hip hop. C’est difficile de se faire une place en tant que femme. Je pense que les majors y sont pour beaucoup. Il y a eu Diam’s, parfait, elle correspondait à tous les critères qu’il fallait. Jamel Debbouze était derrière aussi. Et puis, c’est c’est tout. Les portes se sont fermées pour les autres. 

 

Je suis d’accord sur le fait que ce n’est pas propre au hip hop. Mais quand même, il y a un problème. Quand on regarde les clips de rap aujourd’hui, on ne voit pas une femme traverser l’écran, et quand on en voit une, ça serait peut- être aussi bien de ne pas la voir, non ?

Il vaut  mieux ne pas la voir, oui, c’est sûr. La vulgarité, elle est énorme. Et le problème vient à ce niveau- là, le problème vient des hommes – et des femmes aussi qui acceptent ça. Moi, je me rappelle, j’arrivais en studio, les gars ne me prenaient pas au sérieux. Après quand tu passes en cabine, que tu fais ton couplet, ils sont là : « Ah ouais ! » et là, les mecs d’un coup : « Ah merde ! »… Et puis ils mettaient deux ou trois jours à ré-enregistrer leurs trucs parce qu’ils n’avaient pas prévu ça. C’est difficile. 

 

Cette comédie musicale, Rapsodie, on va le rappeler, qui sera à la fois un film et un spectacle, ça va quand même faire bouger les choses. C’est toi qui a le premier rôle, pour le coup. Et je dirais que c’est une rappeuse hors norme.

Je l’accepte complètement.

 

Avec ‘Rapsodie’, le message sur cette force de femme que tu vas exprimer sur scène, dans le film et dans tes morceaux, comment tu le résumerais aujourd’hui ? Qu’est-ce que tu as envie de faire passer ?

C’est la résilience. La vie, elle n’est pas facile. Elle peut être belle mais aussi très dure. Et il faut aller au bout de nos rêves. Il y en a des obstacles, c’est compliqué, mais ils sont aussi dans notre esprit. Il faut aller au bout et vraiment tout faire pour réaliser ses rêves, pour ne pas avoir de regrets. C’est vraiment ça. Après, je sais que ça fait parler. On me connaît un peu dans le milieu du rap marseillais, des gens de mon époque, les jeunes pas du tout, mais forcément, machin, l’âge qu’elle a, cinq enfants, nanani nanana. Ça doit parler, parler, parler, mais j’en ai rien à foutre. Moi, je suis droite dans mes baskets, je me regarde, j’élève mes enfants. Ils sont là, ils sont à fond, ils vont être au Silo. La vie est trop courte. Franchement. Quel que soit l’âge. On s’en fout !

 

Recueilli par Marc Cheb Sun

Site web Rapsodie : www.rapsodie-en-scene.com

Site web de M.A. DONN : https://www.m-a-donn.com/

Marc Cheb Sun