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Sep / 01

Kamel Saleh nous joue sa Rapsodie

By / Marc Cheb Sun /

Après avoir réalisé les clips Demain c’est loin et Nés sous la même étoile du groupe IAM, Kamel Saleh livre à l’aube des années 2000 son premier long-métrage, un film culte, Comme un aimant. Toujours pieds et poings liés à la bouillante Marseille, là où tout a commencé, il a terminé le tournage de Rapsodie, la première comédie musicale urbaine. en version film, comme en version scénique, Rapsodie révèle la rappeuse-chanteuse-comédienne M.A.Donn (portrait à venir sur D&D).

Kamel Saleh nous joue sa Rapsodie

Tu es l’auteur d’un film culte pour toute une génération, Comme un aimant. Peux-tu revenir sur le contexte de sa création ?
On est en 1989, je discute beaucoup cinéma avec Akhenaton. On a à peu près les mêmes goûts et les mêmes références. À cette période, je fais du théâtre et je réalise des petits films avec mon caméscope fraîchement acheté à crédit dans un magasin ouvert 7 jours sur 7, même le dimanche. C’était encore assez rare de voir une caméra circuler. Akhenaton, lui, fait de la musique avec son groupe. Ensemble, on organise des cinéclubs dans son appartement, dans le quartier de la Plaine, rue des Trois Rois. Ce sont presque des projections débats. J’ai pour ma part depuis très longtemps ce rêve de faire du cinéma, et, d’en faire mon métier, et surtout réaliser un long métrage. On décide d’écrire ensemble un récit sous forme de scénario qui parlerait de cette génération perdue. Tous ces gars avec lesquels on a grandi dans les années 80 et qui ont disparu très jeune à cause entre autres du fléau de la drogue mais aussi de la violence d’une vie trépidante. Une triste hécatombe que l’on a pu constater l’un et l’autre parmi des amis proches sans pour autant avoir vécu dans les mêmes quartiers de Marseille. Marseille, à cette époque, c’est aussi tendu et violent qu’aujourd’hui, mais c’était une autre forme de violence. Marseille, avec ses incartades et ses frasques, c’est un peu le thermomètre du pays. J’ai grandi à Félix Pyat, Cité Bellevue, l’un des premiers quartiers les plus sensibles de France avec Vaulx-en-Velin, et, aujourd’hui c’est encore pire. L’idée du film, c’est de parler de cette jeunesse désemparée, sans codes et sans repères qui brûle la chandelle et la vie par les deux bouts. Je crois que c’est finalement, un film assez personnel, qui parle aussi de nous, de notre vécu. Et de toutes ces interrogations qui sont les nôtres : pourquoi et comment certains sont des laissés pour compte très tôt, depuis l’école, avec un vrai manque de culture et, comment tout ça installe de la colère, de l’agitation et de la frustration. Ici, dans le récit, toute l’amertume et le ressentiment sont tournés contre eux-mêmes. C’est ce qui les conduit à une fin tragique pour la plupart. Le film aurait pu s’appeler mourir à 30 ans. Dans la toute première version du scénario, l’un des personnages, très éprouvé et mal dans sa peau, pète un plomb et, se met à foutre des bombes un peu partout dans la ville. 

Avec le recul, je pense qu’on était un peu trop en avance sur ce genre de sujet et du coup, on s’est même dit qu’aucun producteur ne voudra financer ça. On a donc modifié cette version.

C’est le réalisateur Jean-François Richet (Ma cité va craquer, Mesrine ) qui nous met en contact avec le producteur de Why Not Production, Pascal Caucheteux (Un prophète, Moi, Daniel Blake). Les choses s’enchaînent assez rapidement. Très vite, il est ok pour faire ce film. On tourne un premier court-métrage Santino avec la même équipe de comédiens et de techniciens. Un plan de travail hyper chargé. Deux mois de tournage en plein cagnard, mais quel bonheur d’avoir pu faire ce film à la maison avec tous mes amis d’enfance. Tous ceux que vous voyez dans le film, les personnages, j’ai grandi avec eux. On se connait depuis l’enfance. Pour certains, on a fréquenté les bancs de la même école, comme Houari Djérir, dans le rôle de Houari, Kamel Ferrat qui joue Foued Brahim Aimad, celui de Brabra, et Khalil Mohamed, celui de Kader. Et puis il y a ceux qui viennent d’une autre partie de la ville. Et, le grand frère, Hassen Saleh, qui nous a formés au jeu d’acteur durant les trois mois qui ont précédé le tournage. Et, même si ce film a été très difficile à faire, ça reste pour moi une expérience exceptionnelle. Il est évident qu’on a une vraie attache à ce quartier auquel je fais référence, parce que on y a gravé tous nos plus beaux souvenirs, ceux de l’enfance. Et ce film, Comme un aimant, c’est de là qu’il vient, de notre vécu, de ce Marseille bouillonnant et incertain. Je dirais même insouciant pour ne pas dire bohème.

« Akhenaton a su avant tous les autres que le hip-hop avait un potentiel énorme »

Il y a eu également ce documentaire sur IAM, là aussi le film d’une génération…
Alias Akhenaton, c’est un hommage rendu à cette culture urbaine avec en filigrane l’immigration et, les parents napolitains et italo-américains de Philippe Fragione, qui deviendra Akhenaton. Ça parle de la rencontre avec sa famille américaine qui l’a accueilli à New-York à ses 16 ans, et, c’est de là, que tout est parti. Premier choc culturel, première rencontre parmi les précurseurs de ce mouvement et des rappeurs underground de l’époque. Ce type, Akhenaton, a su avant tous les autres que le hip-hop avait un potentiel énorme. Quand on pensait que cette discipline était terminée après les années 80 avec Sidney et son émission HIP-HOP sur TF1, lui très visionnaire nous disait que ce n’était que le début d’une longue histoire et, il avait raison. Preuve en est, le succès mérité du groupe IAM qui continue dans sa lancée et, l’arrivée de nouveaux groupes tout aussi ambitieux. D’ailleurs le rap est aujourd’hui l’une des musiques la plus écoutée. Alias Akhenaton c’est un concentré de tout ça, de notre rencontre, de nos discussions, de nos séjours à New-York. Et pour moi cette envie de narrer des histoires. 

Alors, Rapsodie ? Raconte…

‘Rapsodie’ c’est un triptyque, avec un album de 15 titres, un long métrage cinéma qu’on vient de tourner qui est phase de finalisation. Et la première comédie musicale urbaine que l’on va jouer sur scène le 25 octobre 2023 au Cepac Silo Marseille. Le film et le show racontent la trajectoire d’un jeune homme, fin des années 80, dans un quartier populaire du centre ville de Marseille ravagé par l’héroïne. Entre racisme et exclusion, Moses le personnage principal peine à trouver sa place dans cette société. Et c’est l’arrivée du hip-hop et la musique qui vont être son exutoire et lui permettre de trouver son identité et d’exister enfin. Le tout sur fond de rap, de chant, de gospel, de chorégraphie de toutes sortes. Et un vrai récit autour d’une histoire bien ficelée et du jeu d’acteurs.trices comme on aime en voir. ‘Rapsodie’, c’est aussi comment le Hip-hop à permis l’émergence de la diversité et des styles issus des minorités et des banlieues ouvrières. Ces disciplines qui ont colorées le paysage médiatique français. Avec l’arrivée aussi de quelques films d’abord instigué par Spike Lee et ‘Do the right thing’. Et bien plus tôt par le réalisateur Melvin Van Peebles avec ‘Sweet Sweet Back’ et son Cinéma Blaxploitation. ‘Rapsodie’, c’est l’héritage de tout ça.

« Le hip-hop est né dans les décombres d’une dure réalité sociale »

L’autofinancement est-il une démarche possible ?
C’est une alternative intéressante qu’il ne faut pas perdre de vue. Ce n’est pas si facile que ça de réunir des fonds, mais ça commence à faire son chemin. Je vois se profiler une forme de cinéma concurrent ou un marché parallèle dans le bon sens du terme. Il y a encore un peu de retard à l’allumage, mais ça se met en place. En revanche, sur les réseaux sociaux, beaucoup s’organise en indépendant et réalise des films et des séries intéressantes. Le grand circuit du cinéma est très verrouillé. En revanche, les plates-formes comme Netflix ou Amazon ont déjà pris de l’avance car elles ont déjà bien saisi les enjeux à venir. Afin de toucher un large un public à travers le monde, ces plateformes mettent en avant dans les récits des problématiques qui parlent des minorités. Surtout à l’heure où l’on met en avant ce phénomène outre-Atlantique de la culture woke. 

Rapsodie, première comédie musicale urbaine.

Pour suivre toute l’actu de Rapsodie (musiques, film, version scénique présentée le 25 octobre à Marseille) :

www.rapsodie-en-scene.com

Marc Cheb Sun