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Nov / 27

Génération Podcast : Du vécu et des bonnes ondes

By / Florian Dacheux /

Véritable espace de créativité à écouter n’importe où et n’importe quand, le podcast n’en finit plus de révolutionner le monde des médias. Qu’ils soient amateurs ou néophytes, les podcasteurs fourmillent d’idées et de bonnes ondes pour laisser place à la narration, aux témoignages et à ces dialogues basés sur le vécu autour de questions de société souvent délaissées. Voici notre top 5 du moment !

Génération podcast : du vécu et des bonnes ondes

Les enfants du bruit et de l’odeur

 

« Sur son palier d’HLM, le dit travailleur voit une famille entassée avec le père, trois ou quatre épouses et une vingtaine de gosses, qui touche 50 000 francs de prestations sociales sans, naturellement, travailler. […] Si vous ajoutez à cela le bruit et l’odeur, le travailleur français, sur le palier, il devient fou. » C’est en référence à cette phrase raciste de Jacques Chirac, prononcée un certain 19 juin 1991 à Orléans alors qu’il était président du RPR et maire de Paris, que le podcast  Les Enfants du bruit et de l’odeur doit son nom. Lancé en janvier 2020 par Prisca et Ulriche, deux vraies amies d’enfance aujourd’hui mamans, ce podcast militant aborde les problématiques que rencontrent les personnes racisées durant leurs parcours scolaires. « Nous avons repris ce terme pour qu’il ne tombe pas dans l’oubli, explique Prisca. Les stéréotypes ne changent pas et ils se transmettent. Il faut énormément d’années pour faire changer les choses, encore faut-il encore avoir la capacité d’être représenté ou d’être écouté. » En donnant la parole aux personnes concernées à raison d’un rendez-vous mensuel, le duo poste des conversations intimes où chacun vient témoigner d’un obstacle rencontré, de la maternelle aux bancs de la fac. « Le racisme pratiqué à l’école, soit par des moqueries d’autres élèves ou par des stéréotypes véhiculés dans l’enseignement, est un énorme poids difficile à porter pour un enfant. L’humour est souvent mis en avant pour minimiser les actes racistes alors qu’il s’agit de micro-agressions régulières. Il n’y a pas de place à l’école pour en parler. Le racisme est nié, et quand on en parle, on nous fait passer pour des victimes. » Des enjeux éducatifs cruciaux lorsque bon nombre d’adultes se murent dans le silence… « Aucun enfant ne naît raciste, poursuit Prisca. Mais ce racisme systémique fait que des enfants non racisés vont perpétuer ces comportements sociaux. C’est bien beau de parler de vivre ensemble mais on ne peut plus faire semblant face aux répercussions que le racisme peut avoir dans la construction de l’individu. » Un combat que Prisca et Ulriche entendent également mener via leur libraire en ligne inclusive en plein développement. A suivre !

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Kiffe ta race

 

Fondée dans l’idée d’explorer les questions raciales sur le mode de la conversation et du vécu, le podcast Kiffe ta race en est déjà à sa troisième saison. Un mardi sur deux, la journaliste Rokhaya Diallo et l’écrivaine Grace Ly reçoivent des invités de tout horizon. « Nous avons créé ce podcast car nous avions des conversations sur comment le racisme et le sexisme affectaient notre quotidien, raconte Grace Ly, qui s’est notamment élevée contre le racisme anti-asiatique, amplifié au début de la crise sanitaire. On y parle de la dissonance entre ce que l’on vit et ce que l’on nous dit dans l’espace public. » Ensemble, elles croient très fort à ces formats audio numériques et gratuits qui permettent non seulement de libérer la parole mais aussi de faire émerger des solutions collectives.  

« Cela fait un bien fou de parler et d’échanger, affirme Grace Ly. Le racisme a été trop longtemps cantonné à l’intimité. On en parlait chez nous avec nos proches, et puis c’est tout. Plus on rencontre des gens qui nous font part de leurs expériences, plus c’est important pour notre construction commune. On peut tout à fait être universel en parlant de soi. » Alors que la rhétorique de l’extrême droite refait surface sur de nombreux plateaux de télévision, l’art du podcast devient une arme d’éducation massive pour contrer une forme de déni généralisé. 

« Le racisme n’a pas été confiné pendant le confinement, ajoute Grace Ly. On a pu le voir quand des habitants de banlieue ont été stigmatisés comme des gens moins disciplinés.

La crise sanitaire est déjà assez difficile à vivre alors si il faut en plus combattre ce racisme ordinaire exacerbé, la lutte est encore plus rude. Mais il faut toujours y croire. Hélas, on ne peut pas y mettre fin toutes seules. »

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Frictions

 

Porté par l’amour de la narration, le podcast  Frictions revisite les codes de la radio avec une bonne dose de liberté qui donne à chaque session auditive un rendu cinématographique calibré comme du papier à musique. La musique, Walid Rachedi et Ryad Maouche, les deux frères à l’origine du podcast issu de la revue digitale éponyme lancée en juin dernier, ils l’ont dans le sang. Chaque série est subtilement accompagnée d’une playlist qui vient polir des récits concoctés par une dizaine d’auteurs postés aux quatre coins du globe. Conscients que la conversation est devenue mondiale sur de nombreux thèmes de société tels que l’écologie, le racisme ou encore les bullshit jobs, Walid et Ryad ont pour seule ambition de raconter des histoires.

En soignant chaque étape : de l’habillage sonore à la mise en scène.  « La force d’une bonne narration est de s’effacer derrière ses personnages, affirme Walid, écrivain issu du secteur du digital. Le langage du podcast est propice au rythme et à la musicalité. Le flow est important comme les ambiances musicales qui viennent en miroir pour former un tout cohérent. » Tous deux fans de rap, ils assument avec brio leurs influences et défendent sans encombres leur ligne éditoriale.

« Si il y a bien un point commun avec le rap, c’est le fait de raconter des histoires, renchérit Ryad, le petit frère spécialisé dans les nouveaux formats journalistiques. Le style d’écriture va droit au but avec de bonnes phrases et de bonnes images à la manière d’une punchline. » Habités par l’envie de mettre en avant des voix singulières et plurielles via la fiction ou le reportage, ils révèlent que les préoccupations convergent sans pour autant aboutir à des perceptions communes. La fameux point de friction. 

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 « Pour parler d’un sujet d’actualité, on va le faire à travers des voix locales qui permettent de s’identifier », précise Ryad. 

De la série Epidémiques née au début de la crise sanitaire à l’histoire d’Abdel séquencée sur trois pays en passant par celle d’Emily, enceinte en plein confinement, chaque immersion nous plonge dans un bouillon de cultures. L’œuvre de deux frères ambitieux qui verraient bien leur plateforme servir à terme de source d’inspirations pour le monde du cinéma. 

Joyeux Bazar 

 

Franco-Camerounaise, Alexia Sena s’intéresse de plus en plus aux personnes ayant comme elle une double culture.

Journaliste et rédactrice freelance passée par le monde de la finance, elle a lancé le podcast  Joyeux Bazar  au début de l’année 2020 autour des périls et délices d’une identité multiculturelle. « A 15 ans, je suis rentrée en France pour mes études, confie celle qui a multiplié pendant son enfance les allers-retours entre Paris et Douala. A l’adolescence, j’ai voulu m’assimiler car c’était trop compliqué pour moi de faire cohabiter mes deux cultures. »

« En 2017, quand je suis revenue en famille au Cameroun le temps d’une année où j’étais chroniqueuse radio, je me suis rendue compte à quel point j’étais décalée. » C’est en devenant maman que son questionnement est né. Comme pour témoigner de son gros bazar intérieur avant de prolonger ses réflexions avec d’autres. « Le podcast, avec cette émotion dans la voix, s’y prête vraiment, poursuit Alexia qui reçoit aujourd’hui un(e) invité(e) un mercredi sur deux. On est multiculturel, peu importe d’où. Entre un franco-serbe et une russe-congolaise, il peut y avoir des choses en partage. Il y a cette idée de foisonnement non linéaire. J’accorde beaucoup d’importance à l’histoire que les personnes vont vouloir me raconter. » 

Des histoires qui depuis septembre parlent davantage de l’ailleurs, qu’il soit géographique ou imaginaire.

Outre son projet d’insérer des archives sonores dans ses prochaines créations, elle rêve de recueillir un jour tous ces témoignages dans un livre. Et ainsi revenir à l’écriture, son premier amour.

Nouvelles écoutes

 

Pionnier sur la scène des podcasts natifs,  Nouvelles Écoutes , cofondé en 2016 par les journalistes Lauren Bastide et Julien Neuville, n’est plus vraiment à présenter. Et bien un peu quand même ! Avec pas moins de 21 podcasts à son actif, ce studio de création et de production sonore indépendant brille dans son idée de « se faire écho de la société telle qu’elle est, telle qu’elle bouge, telle qu’elle s’interroge ».

De La Poudre, un podcast autour des luttes féministes et antiracistes contemporaines, à  Quoi de Meuf, une conversation à la fois générationnelle et intersectionnelle sur les questions relatives au genre, à la race et à la classe, l’équipe prend le temps de tendre son micro et de produire des contenus percutants pour une société plus inclusive et plus libre.

« Nous pratiquons un journalisme du réel, rigoureux sur le fond et exigeant dans sa forme, écrivent-ils dans leur manifeste. Nous créons des fictions qui questionnent, avec tout le sérieux des enfants qui s’amusent. Car il n’a jamais été aussi urgent de cogiter, aussi jubilatoire de créer. » Leur ambition ? Devenir le label référent de la création sonore française dans le monde. Immersion garantie !


Florian Dacheux

D’autres podcasts à suivre
Bien d’autres podcasts ont attiré notre attention tels que L’Entourage, Sans Blanc de Rien, Na3na3, L’Orient à l’envers ou encore Binge Audio. N’hésitez pas à écouter !

 

La suite ?
Rendez-vous en mai 2021 pour notre Semaine du Podcast, à l’occasion du « Mois des Mémoires » de la Fondation Pour la Mémoire de l’Esclavage.

Florian Dacheux