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Mai / 04

Comment lutter face au discours de l’extrême-droite

By / Ekim Deger /

C’est dans les locaux de la bibliothèque Robert Desnos de Montreuil qu’une rencontre-débat a eu lieu le 21 avril 2022 sur la fabrique des manipulations et le langage de l’extrême droite. Organisée entre les deux tours de l’élection présidentielle à l’initiative d’Henriette Zoughebi et son association La Coopérative des idées 93, cette conférence a notamment permis à la linguiste Cécile Alduy, auteure de « La langue de Zemmour », d’aider les jeunes participants à décortiquer ce discours contagieux.

Comment lutter face au discours de l’extrême-droite

Etrange sensation de me retrouver dans la bibliothèque où j’ai découvert mes premiers livres, où j’ai rencontré dans une exposition la femme préhistorique la plus ancienne encore connue aujourd’hui, Lucie. Qui aurait cru que je me retrouverais plusieurs décennies plus tard à ce même endroit pour couvrir une conférence sur… l’extrême-droite. Car c’est bien de cela dont il était question en ce 21 avril 2022 : comment fonctionne les manipulations et le langage de l’extrême-droite ? Alors que nous sommes dans « l’entre-deux tours », comment ne pas s’interroger sur l’aboutissement de la normalisation du discours de l’extrême-droite, notamment dans le débat entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Tandis que les deux candidats ont eu droit au même temps de parole lors du débat, ne faut-il pas remettre en cause l’égalité du temps de parole ? Si le racisme est un délit, pourquoi ne pas le sanctionner lors des débats, même si des rhétoriques perverses pour se cacher et faire avancer ses idées sont le plus souvent utilisées ? Par exemple, lorsque certaines personnes utilisent le terme de « wokisme », en le renvoyant à un soi-disant combat identitariste et communautariste, c’est dans le but de discréditer et de décrédibiliser tous les discours pour l’égalité. Concernant la candidature d’Eric Zemmour, nous nous interrogeons sur le manque de garde-fou qui lui a permis de se présenter alors qu’il devrait être illégitime. On comprend rapidement le problème de la proximité entre certains candidats d’extrême-droite avec des hommes affaires influents dans le domaine médiatique. Les réseaux sociaux jouent également un rôle important dans la banalisation des idées d’extrême-droite. Certains y utilisent une langue verbale extrêmement violente. On assiste alors à une brutalisation des consciences. Les conseils de l’intervenante, Cécile Alduy, dont le dernier ouvrage La langue de Zemmour vient de paraître, résonnent dans une salle soucieuse et attentive : « Nous devons refuser les catégories déterministes et essentialistes, et faire très attention à l’importance des mots et aux structures sociales situées derrière ».

Cécile Alduy entourée des étudiantes qui ont participé à la scénographie de la conférence.

 

Car derrière les discours mesurés de l’extrême-droite, se cachent bien des idées ouvertement xénophobes. Paloma, jeune étudiante en sciences et philosophie politique, insiste sur le fait « qu’il ne faut pas confondre la critique des manipulateurs conscients de l’extrême-droite avec certaines personnes qui ne votent pas par adhésion mais afin d’exprimer de la colère et une souffrance sociale qui s’approfondie progressivement ». Lorsque le débat s’ouvre aux questions du public, tout le monde est d’accord pour analyser que 2002 a permis la normalisation ainsi que l’effacement progressif des signes de l’extrême-droite. Nicolas Sarkozy et Manuel Valls sont cités à plusieurs reprises parmi ceux qui ont favorisé la légitimation du discours de l’extrême-droite. Cécile Alduy insiste sur l’importance du ressentiment dans l’idée de bascule chez les électeurs de l’extrême-droite. Ce ressentiment comprend le mépris dont est victime une certaine partie de la population, un faisceau d’émotion politique et un rapport à la société de plus en plus haineux. Tandis que les médias ont une part de responsabilité considérable dans la visibilité de l’extrême-droite, on se demande alors s’il ne faut pas intégrer les mécanismes linguistiques de l’extrême-droite pour récupérer ses électeurs. En effet, le combat ne se situe pas simplement sur les conditions sociales d’existence, mais également sur le terrain de la « communication ».

 

Ekim Deger

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