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Mar / 14

Apprendre le français, oui, mais pourquoi ?

By / Cynthia Augustin /

Apprendre le français, oui, mais pourquoi ?

A l’occasion de la 28e Semaine de la Francophonie qui a lieu du 18 au 26 mars, focus sur l’apprentissage du français en France. L’apprendre, oui, mais pour quelles raisons ? Formatrice de FLE (Français Langue Etrangère) depuis plus de dix ans, Cynthia Augustin nous donne quelques réponses.

Comme disait le philosophe autrichien Ludwig Wittgenstein, « les limites de mes langues sont les limites de mon propre univers ». Saviez-vous que le français est la 5e langue mondiale, après l’anglais, le chinois mandarin, l’hindi et l’espagnol, et la seule, avec l’anglais, à être présente sur les cinq continents ? C’est bien simple, la Francophonie, en chiffres, ce sont : 88 États et gouvernements (54 membres, 7 membres associés et 27 observateurs), 321 millions de francophones dont 255 millions de locuteurs quotidiens ! Lorsque l’on parle de la francophonie, il s’agit plus exactement de l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie), un organisme fondé le 20 mars 1970 à Niamey au Niger, dans un objectif (dixit) de « promotion de la langue française, d’entretien de la coopération des pays où l’on parle le français couramment, de maintien de la paix et de développement des projets dans divers domaines » avec ces pays dits frères de langue. Indépendamment de l’OIF et des autres organismes promouvant la langue française, le gouvernement organise régulièrement des événements afin de rassembler des personnes qui ont cette langue en partage. La 28e Semaine de la Francophonie aura lieu en ce sens du 18 au 26 mars. Sans oublier la Journée Internationale de la Francophonie du 20 mars. 

« J’apprends le français pour la sociabilisation »

Au-delà de ces instances, pour quelles raisons apprendre le français ? En tant que formatrice de FLE (Français Langue Etrangère) depuis plus de 10 ans, j’ai enseigné à des personnes qui voulaient apprendre le français pour différentes raisons. A l’instar de Maksym, Ukrainien vivant en France depuis 8 ans : « J’apprends le français pour la sociabilisation ». Au tour de Fabiana, une Brésilienne installée en France depuis 4 ans, d’ajouter : « J’étudie le français parce que mon mari est français et j’habite en France. Donc, il est très important, pour moi, d’apprendre la langue française, pour que je puisse m’exprimer, connaître d’autres personnes et une nouvelle culture. » D’autres apprenants m’ont confié qu’ils apprenaient le français pour trouver un travail, pour survivre dans un pays où ils devaient se nourrir, se loger, s’habiller. Certains ont suivi leurs conjoints et ont appris le français par plaisir sans obligation personnelle ni professionnelle. Car, oui, il y a beaucoup de personnes qui vivent en France parfois depuis plusieurs années sans parler le français. Ils utilisent l’anglais ou leur langue maternelle pour travailler et ont peu d’interaction avec des personnes parlants le français. D’autres encore apprennent le français pour se libérer d’une situation d’emprise et de violences conjugales, afin de pouvoir témoigner et défendre ses droits. Mais que résulte-t-il d’une formation en français lorsque l’on atteint un niveau courant (Niveau C du CECR) ou un niveau intermédiaire avancé (Niveau B2 du CECR) ? Certains diront qu’ils ont pris confiance en eux, qu’ils ont moins peurs de l’altérité. D’autres qu’ils sont libres ou commencent à être libres d’être eux-mêmes grâce à la pratique quotidienne du français. Ils peuvent donner leur opinion, partager leur histoire et expérience de vie. Ils peuvent dire « non » et faire des choix beaucoup plus conscients, qui leur ressemblent plus. Ils assument qui ils sont, peu importe leur pays d’origine. Apprendre le français en France, c’est une prise de pouvoir dans sa vie. C’est acquérir une nouvelle forme de liberté. Celle d’être soi puis de se sentir chez soi, alors qu’au départ, on peut vous faire ressentir que vous n’êtes pas chez vous. C’est pouvoir choisir son travail, son lieu d’habitation plus facilement, comprendre l’actualité. C’est pouvoir, face à des situations dramatiques, quitter une situation personnelle ou professionnelle dans laquelle, la langue sert à s’échapper. C’est une façon de gagner du respect et une certaine liberté. Dans sa vie sociale comme dans sa vie privée.

 

Cynthia Augustin

A contrario : pourquoi les Français ont-ils tant de difficultés à apprendre des langues étrangères ?

 

Il est de notoriété publique que les Français ne sont pas bons dans l’apprentissage de l’anglais et des langues étrangères en général. Quelles sont les raisons pouvant expliquer ce phénomène ? Selon Aurélie Gigot, enseignante en anglais au lycée Suger de Saint-Denis, « il est difficile d’apprendre une langue étrangère lorsqu’on a peu d’heure de langue dans le système scolaire français. Apprendre une langue c’est proposer une nouvelle perspective de vie et du monde aux élèves, et il faut du temps pour cela ». Outre un enseignement trop souvent axé sur la théorie et l’écrit, le nombre insuffisant d’heures consacrées par le système éducatif à l’enseignement de l’anglais et des langues étrangères et ce, du niveau primaire jusqu’à l’enseignement supérieur, est en effet l’explication majeure. Mais pas seulement. Bien qu’il y ait également des raisons liées à la reproduction phonétique, à l’origine (latine, germanique ou autre), à l’apprentissage de l’écriture (des autres langues), on pourrait parler de protectionnisme linguistico-culturel, surtout depuis que l’anglais est devenu la langue internationale de référence après la Seconde Guerre mondiale. Protectionnisme vis-à-vis la langue française et de la tradition littéraire issue du courant des Lumières, doublage quasi systématique des films et des programmes télévisuels étrangers, ou encore peur, très ancrée dans la culture française, de faire des erreurs (lathophobie)… Les causes sont nombreuses. Alors, trop fiers ces Français ? Arrogants ? Une chose est sûre : inconsciemment ou non, les Français font trop peu d’efforts dans ce sens, contrairement à des pays (tels que Norvège, Suède, Danemark) où les langues officielles sont peu ou pas utilisées hors de leurs frontières. A l’instar des Français, Britanniques et Espagnols rencontrent des problématiques semblables, de part l’utilisation de leurs langues respectives dans le monde. Pourtant, comme disait le réalisateur Federico Fellini : « Une langue différente est une vision différente de la vie ».

Cynthia Augustin