Sep / 21
22 ans après les faits, Adecco est enfin renvoyée devant le tribunal correctionnel de Paris le 28 septembre. La société d’intérim est notamment accusée de « fichage racial ». Entre 1997 et 2001, son agence de Paris-Montparnasse aurait écarté 500 intérimaires noirs de certaines missions dans l’hôtellerie-restauration. Les victimes devraient donc pouvoir réclamer justice, à condition qu’elles se portent partie civile. Pas si simple selon Samuel Thomas, président de l’association Maison des Potes qui a porté l’affaire avec SOS Racisme. Il lance un appel aux personnes qui souhaitent se porter partie civile à prendre contact avec son association.
Adecco accusée de racisme et de fichage ethnique
«Je ne souhaite à aucune victime de discrimination de devoir attendre 23 ans après un dépôt de plainte pour obtenir le procès. Pendant tout ce temps, les discriminations raciales n’ont pas cessé. » Ces mots sont ceux de Samuel Thomas, président de la Maison des Potes, qui ne cesse de se battre pour obtenir justice. Après 22 années d’instruction, c’est en effet devant la 31e chambre correctionnelle du Tribunal Judiciaire de Paris, que le parquet a convoqué pour le 28 septembre la société Adecco (ndlr : dont deux anciens responsables de l’agence Montparnasse Restauration) pour des délits de discrimination raciale et de fichage « racial » de 500 intérimaires noirs de peau, commis entre 1997 et 2001. « Tous les faits reprochés à Adecco avaient été établis dans la plainte que j’avais déposé il y a 22 ans au nom de SOS Racisme, avec les témoignages des anciens salariés d’Adecco, le fichier des intérimaires saisi par huissier de justice, le rapport de l’inspection du travail, les aveux enregistrés en caméra cachée de la direction d’Adecco, explique Samuel Thomas. Dès le début de l’instruction, Adecco a même reconnu par écrit au juge que la discrimination raciale réclamée par les clients était très importante dans l’hôtellerie-restauration et que le système reproché avait bien été mis en place par l’agence parisienne. » Par ailleurs, le premier commandant de police chargé de l’enquête avait obtenu dès le début de l’instruction tous les aveux des salariés d’Adecco chargés de ficher les PR4 (ndlr : noms de code discriminants désignant des « personnes de nationalité étrangère très typées ») et de répercuter les ordres des clients qui ne voulaient que des BBR (ndlr : « bleus, blancs, rouges », comprendre des Français blancs).
Mais 22 années après, combien de victimes la Maison des Potes va-t-elle réussir à joindre pour les informer qu’elles peuvent se constituer partie civile et espérer obtenir gain de cause ? « Même si les faits jugés seront vieux de 22 ans, ce procès aura nous l’espérons une grande vertu pédagogique contre les systèmes de discrimination raciale à, l’embauche, qui continuent encore aujourd’hui même si les codes ont encore changé dans le milieu du recrutement, poursuit Samuel Thomas. Ce procès mettra en lumière ces discriminations à l’embauche qui perdurent dans l’hôtellerie restauration comme ailleurs. Mais la pédagogie du procès à venir ne sera pour autant pas complète puisque aucun client commanditaire de la discrimination ne sera jugé. » Si l’association Maison des Potes a bien conservé un fichier avec les numéros de téléphone des victimes potentielles, Samuel Thomas n’a pu joindre que 20 personnes depuis que la date du procès a été fixée. « Contacter des gens qui ont changé d’adresse, de téléphone, c’est compliqué, a-t-il confié. Si on n’arrive pas à joindre les gens, s’ils ne peuvent pas venir expliquer au tribunal ce que ça fait de subir une discrimination à cause de leur couleur de peau, le tribunal aura du mal à évaluer le préjudice parce qu’il n’entendra pas les victimes. »
Fl. D.