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Nov / 08

À Saint-Denis, pour un lieu de tous les possibles

By / Florian Dacheux /

Cofondée au printemps 2017 par Luca Poissonnet-Tikarouchene et Yanis Khames, deux Dionysiens, l’association Saint-Denis Ville au Cœur agit contre toutes les discriminations et tente de déconstruire les discours de stigmatisation qui pèsent sur les quartiers populaires. Rencontre à l’heure où l’équipe vit un moment décisif dans son évolution. Celle de l’ouverture prochaine d’un café solidaire façon tiers-lieu dans le quartier Allende.

À Saint-Denis, pour un lieu de tous les possibles

Amis depuis leur rencontre sur les bancs de la faculté de Paris 8 à Saint-Denis, Luca Poissonnet-Tikarouchene et Yanis Khames n’ont pas tardé à converger vers une cause commune : agir contre les représentations négatives des banlieues populaires. Nous sommes en février 2017, en pleine affaire Théo, relative au coup de matraque reçu au niveau de l’anus par Théodore Luhaka à Aulnay-sous-Bois. Une affaire, emblématique des violences policières de cette dernière décennie, qui ne va faire qu’amplifier leur motivation à fonder leur association. C’est la naissance de Saint-Denis Ville Au Cœur. Et avec elle, tous les talents et les cultures de Seine-Saint-Denis. « L’affaire Théo, ça nous a vraiment choqué, se souvient Luca. Pour en parler et expliquer les enjeux systémiques derrière tout cela, on a décidé très vite d’organiser la reconstitution d’un procès des violences policières au Théâtre de la Belle Etoile le 12 mars 2017. Une compagnie de théâtre a reconstitué la scène avec la version des policiers et la vraie version. Des étudiants en droit ont joué le rôle des juges et des avocats. L’événement nous a vraiment confortés dans notre idée d’agir au niveau local. On s’est dit que ce serait bien de pérenniser la dynamique en place pour se battre pour l’égalité et contre les discriminations et pour l’ensemble des habitants des quartiers populaires. En les sensibilisant et en faisant du lien sur ce qu’ils subissent et sur ce qu’ils peuvent faire parfois faire subir en retour. »

A l’initiative de la toute première Pride des Banlieues

Profondément affectés depuis de nombreuses années par les clichés, préjugés et autres ciblages médiatiques subis par les quartiers populaires condamnés à la rubrique faits divers, Luca et Yanis, qui ont d’abord œuvré en tant que bénévoles à la Croix Rouge, vont multiplier des actions de différentes natures pour lutter contre ces imaginaires stigmatisants. A Saint-Denis, là où ils ont grandi, ces deux étudiants en sciences politiques impulsent des interventions en milieu scolaire pour libérer la parole et guider la réflexion sur les discriminations, tout en organisant des activités sportives pour les jeunes ne partant pas en vacances ou encore des actions sur les petits gestes écoresponsables du quotidien. Avant de coordonner la toute première Pride des Banlieues le 9 juin 2019, réunissant près de 5000 personnes de la place de la Résistance au parvis de la basilique Saint-Denis. « On ne pouvait plus supporter de voir que les luttes LGBTQIA+ soient utilisées à des fins racistes, poursuit Luca. Alors on a décidé de marcher pour dire que la banlieue peut être homophobe comme tout le reste de la France, pas plus pas moins. Notre objectif est de changer les regards. » Au tour de Yanis d’ajouter : « Il manquait des représentations pour celles et ceux qui subissent l’intersection de plusieurs discriminations. A chaque fois qu’on parle de ces sujets, c’est un prétexte pour pointer du doigt les quartiers populaires, les musulmans, les immigrés, etc. On en avait marre que la banlieue soit le bouc-émissaire de la haine envers la communauté LGBTQIA+. Il y a clairement une instrumentalisation raciste de ces identités contre les banlieues. »

Un tiers-lieu à l’intersection entre un centre socioculturel et un café chaleureux

Depuis deux ans, l’association Saint-Denis-Ville au Cœur, boostée par son duo hyperactif, a poursuivi son engagement dans l’idée de faire pousser les premières graines d’une communauté fière et engagée autour de problématiques stimulantes. Une autodétermination que l’association souhaite officialiser à travers l’ouverture prochaine du Café À L’Asso ainsi baptisé, un café solidaire au cœur d’Allende, un quartier qui gagnerait à créer du lien entre ses deux populations voisines : les habitants et les quelques 23 000 étudiants de l’Université Paris 8. « L’idée part d’un constat : le manque d’espace de convivialité dans le quartier. Ce lieu, on le voit comme un espace d’échanges, de partenariats et un véritable laboratoire d’idées, à l’intersection entre un centre socioculturel et un café chaleureux. Le café aura pour ambition de s’adapter aux besoins et envies de toutes et tous. Un comité des usages sera mis en place. Au café, habitants et étudiants, qui vivent parfois des situations identiques comme la précarité ou l’isolement social, pourront profiter du confort et des services d’un café associatif ainsi que d’une vaste gamme d’accompagnements pour l’inclusion numérique, la recherche d’emploi, d’activités culturelles et d’ateliers solidaires. Cela va vraiment nous permettre de changer d’échelle et d’être plus efficaces, tout en obtenant des revenus pour financer davantage d’actions. Le but étant de stimuler le lien social et l’activité économique locale. Mais aussi d’offrir un lieu de vie lgbt-friendly au quartier, ce qui n’existe pas actuellement. » Pour concrétiser ce projet notamment parrainé par Marc Cheb Sun, le directeur éditorial de D’Ailleurs & D’Ici, l’association a organisé une soirée de lever de fond le 5 novembre au 6B avant de mettre en ligne une campagne de crowdfunding qui court jusqu’au 10 décembre. Du financement des travaux à l’achat du matériel nécessaire à l’ouverture du lieu d’ici septembre 2022, ils ont besoin de lever au moins 35 000 euros. Alors que l’association compte aujourd’hui une vingtaine de bénévoles actifs, Luca et Yanis, tous deux engagés dans leur dernière année de master, ne s’interdisent rien pour l’avenir. « Ce projet, c’est un nouveau départ pour l’association. Cette ville, Saint-Denis, on y a grandi, on l’aime autant pour ses qualités que pour ses défauts. C’est comme si on avait une forme de responsabilités vis-à-vis de notre ville. Partir, on le verrait comme un abandon, en analysant la situation sans avoir rien essayé. On va tout faire pour répondre aux problèmes que l’on vit. Et si on peut faire de cet engagement notre métier, on le fera. » En ligne de mire : l’organisation de la seconde Pride des Banlieues en juin 2022.


Florian Dacheux
(Photos : SDVC & Cha Giordano)


Pour soutenir le projet du Café à l’Asso, rendez-vous sur ce lien Ulule.

Pour en savoir plus ? Saint-Denis Ville Au Coeur | Facebook & saintdenisvilleaucœur@gmail.com

Florian Dacheux