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Avr / 01

« Une religion du mouvement »

By / akim /

« Une religion du mouvement »

Philosophe sénégalais, auteur de Comment philosopher en islam, Souleymane Bachir Diagne nous parle islam et pluralité. 

 

En quoi l’islam est-il pluriel ?
L’islam est une pluralité de fait. À la mort du Prophète Mohammed, en 632, la communauté musulmane s’est divisée sur la question politique, celle du leadership à l’origine de différences théologiques entre sunnites et chiites. Les sociétés musulmanes sont elles-mêmes très variées. Et, plus important encore, l’islam prône le pluralisme, l’acceptation de la diversité. Le verset 49, sourate V, me paraît fondamental. Si Dieu avait voulu, Il aurait fait de vous une communauté unique : mais Il voulait vous éprouver. En somme, le Créateur est à l’origine de la multiplicité de l’humanité. Faites œuvre de bonnes actions vers Dieu et, à votre mort, il vous dira ce qu’il en est de vos divergences : ce verset incite les individus à être bons dans leurs différences, sans uniformité. Reconnaître la pluralité est donc une injonction faite aux musulmans.

 

Au Moyen Âge, l’Andalousie musulmane incarne la tolérance.
Le Destin, ce film de Youssef Chahine sur la vie d’Averroès (1112-1199), capte bien l’essence de cette époque de pluralisme, malgré des périodes d’intolérance. Le penseur musulman enseignait à des étudiants de toutes confessions, et qui venaient de partout. Durant cette longue période, les trois religions abrahamiques (juive, chrétienne et musulmane) coexistaient dans cette région, en état d’effervescence intellectuelle et spirituelle. C’est un horizon que l’on doit à nouveau espérer.Comme l’explique le penseur Mohamed Iqbal (1877-1938), l’islam est une religion du mouvement, du devenir, qui ne peut rester pétrifiée. Les croyants, par fidélité et par exigence, ont l’obligation de respecter cet esprit.

 

L’islam souffre-t-il d’une vision arabocentrée ?
Il n’y a pas de centre ni de périphérie en islam. Ne serait-ce que démographiquement, le centre de gravité n’est pas le monde arabe. Les plus grands pays musulmans sont du côté de l’Asie, en Indonésie, au Pakistan et en Inde ! La partie africaine, elle, est en croissance continuelle.

 

En Arabie Saoudite, le mouvement rigoriste wahhabite domine…
C’est une forme du salafisme. Étymologiquement, le mot salaf signifie les « pieux ancêtres ». Le salafiste est donc censé pratiquer la religion telle qu’elle était « à son origine ». Mais aujourd’hui, tous les courants prétendent se référer aux origines. De ce point de vue, alors, tout le monde serait salafiste ! En réalité, cette prétendue tradition, qui affirme reproduire la pratique et les approches des anciens – sans rien y ajouter, ni en retrancher – est elle-même reconstruite. Personne ne peut véritablement dire à quoi cette origine ressemblait. On ne sait pas si les salaf priaient les bras croisés ou les bras le long du corps. Vous voyez : même pour une chose aussi simple, nous n’avons pas de certitude.

Propos recueillis par Aziz Oguz
1. Comment philosopher en islaméditions Philippe Rey/Jimsaan.

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