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Juil / 19

Waly Dia, la satire contre nos maux

By / Florian Dacheux /

Waly Dia, la satire contre nos maux

Alors que l’humour et la liberté d’expression semblent contrarier de plus en plus les sommets de l’Etat, à en croire la nouvelle forme de censure sur France Inter, l’humoriste Waly Dia continue à nous faire rire. Actuellement en préparation de son nouveau spectacle avec un show freestyle qu’il joue au Festival Off d’Avignon jusqu’au 29 juillet, nos maux l’inspirent et c’est ça qu’on aime ! Mercredi soir, sur la scène du Théâtre Actuel situé intra-muros, il n’a pas manqué de vanner d’emblée les remparts d’Avignon, évoquant « une cité médiévale abritant des saltimbanques tout en laissant les Sarrazins en dehors ». Comme d’habitude, Waly Dia vise juste et n’omet rien. Des condamnations et affaires qui concernent des personnalités politiques, en passant par l’écologie dans les quartiers populaires où les habitants sont bien souvent plus habitués que la moyenne nationale à éteindre la lumière ou à être économe en eau, Waly a encore plein de choses à dire. Tant mieux, car on a aussi besoin de lui !

Est-ce votre première fois au Festival Off d’Avignon ?
C’est la deuxième fois que je viens. J’étais venu en 2018 pour du freestyle pendant trois semaines afin de trouver des choses pour le rodage de mon spectacle Ensemble ou rien qui a tourné pendant quatre ans. Comme la dernière fois, je construis mon nouveau spectacle avec le public.

 

Comment ça fonctionne ?
J’ai des idées, des thèmes, des angles. J’aime bien savoir quelles sont les préoccupations des gens à un moment précis. Cela me permet de voir ce qui se croise, ce qui ne se croise pas, ce sur quoi on est d’accord ou non. Cela me permet d’être dans une urgence d’écriture que tu n’as pas chez toi, car il faut trouver un truc tout de suite en direct. C’est beaucoup plus difficile et en même temps c’est un état que tu ne trouves pas dans ton bureau ou ta chambre. Je joue mon spectacle et je rentre. Il faut que je sois dans ma petite bulle pour que ça serve à quelque chose. Avignon, c’est tout sauf des vacances.

 

Quels thèmes reviennent dans les demandes du public ? Y-a-t-il des revendications majeures ?
Il y a bien sûr mes thèmes de prédilection qui reviennent forcément. Cela parle d’inégalités croisées, de politique, d’actualités. Il y a également un thème, qui n’était pas trop présent dans mes spectacles précédents, c’est l’écologie. Je sens qu’il y a ce besoin d’en parler, d’en rire, de prendre du recul. Il y a des grosses inquiétudes, c’est évident. J’espère qu’ils n’attendent pas de moi que je les résolve car ça va être compliqué, même si j’ai aussi ma vision de ça. Il y a aussi de nouvelles formes de discriminations qui arrivent, notamment avec la communauté LGBTQIA+, avec cette envie d’en parler, d’être défendue. Je pense que tout cela va faire un bon cocktail.

 

Nous vivons dans un pays qui cultive le déni sur de nombreux sujets de société. En quoi l’humour est un levier efficace pour lutter contre le racisme ordinaire et les discriminations en général ?
On pourrait se dire que nous sommes protégés par une espèce de licence satirique. En fait non. Quand il y a trop d’anti-déni, ils ferment les vannes. Donc l’humour, les vannes, les blagues, c’est une partie de la solution. Je ne crois pas avoir choisi l’humour. J’ai fait cela un peu au pif. J’ai mes colères et mes revendications mais je me suis rendu compte que j’avais envie de me marrer aussi. Je n’ai pas envie de souffrir tout au long de ma vie. Je sais que je ne changerai pas le monde mais je ferai rire ceux qui le font. Me dire cette formule « vous me faites chier mais je m’amuse » me plaît.

« Les règles du jeu sont contre nous mais nous sommes de bons tricheurs »

Après neuf ans d’antenne quotidienne, la direction de la radio publique France Inter a décidé de déplacer au dimanche soir C’est encore nous, l’émission à laquelle vous participiez au côté de l’animatrice Charline Vanhoenacker. Comment vivez-vous cette décision alors que l’émission attire plus d’un million d’auditeurs chaque jour ? Et comptez-vous poursuivre à la rentrée ?
On s’est posé la question de savoir si on arrêtait ou pas. Mais si on s’en va, cet espace-là disparaît totalement. On s’est dit, à la fois pour nous et par respect pour les gens qui nous écoutent, qu’il fallait conserver cet espace. Evidemment, c’est le dimanche à 23h70. On sait très bien que c’est une mise au placard. Disons qu’on va faire avec.

 

Avec Ensemble ou rien ou à travers vos chroniques à l’antenne, vous avez tout dit ou presque. Comment se renouvelle-t-on ? Et y a-t-il un thème où vous aimeriez avoir davantage d’impact ?
Face à la redite que nous avons en face, il faut continuer le combat avec d’autres mots et des angles différents. Je ne m’interdis rien. Je m’amuse avec tout ce qui nous tombe dessus. Je n’ai pas envie d’avoir de l’impact sur quelque chose de précis. Je ne me donne pas ce rôle-là. En revanche, j’ai bien compris que la manière dont j’amène les sujets provoque quelque chose, ne serait-ce que pour faire comprendre que nous sommes beaucoup à penser comme ça. On a toujours l’impression qu’on est tout seul dans notre coin. Mais je le vois dans les salles où je joue. Cet instant où tout le monde se regarde. Je pense que ma mission est là : montrer aux gens qu’on est plein face aux extrêmes. Nous ne sommes pas 3 ou 4 dans une association, deux autres qui militent ici et là. Les règles du jeu sont contre nous mais nous sommes de bons tricheurs.

 

Diriez-vous que votre pratique de l’humour participe à faire à la fois rire, réfléchir et informer les gens qui seraient dépassés par les non-dits de notre société et de certains médias ?
En vérité, je ne me leurre pas. J’ai le temps de regarder, d’observer, d’analyser, de trouver les failles. J’ai appris avec ce métier à décrypter ce qu’il se passe, à pointer les absurdités. Cela permet de faire circuler des informations mises sous le tapis. C’est nécessaire.

 

Recueilli par Florian Dacheux

(photos © Kevin Clément)

 

Où le voir ? Jusqu’au 29 juillet au Théâtre Actuel au Festival OFF Avignon.
Puis dès février 2024 pour son nouveau spectacle au Théâtre de l’Oeuvre à Paris.

Florian Dacheux