Juil / 13
Tinariwen à Arles : ce blues qui nous unit
Les Tinariwen étaient de passage au Festival des Suds à Arles le 11 juillet. Rencontre avec les légendaires ambassadeurs du blues touareg. Entre mémoires et résistances.
Quand il évoque Amatssou, le nouvel album des Tinariwen, fusion de blues touareg et de country signifiant « au-delà de la peur » en tamashek (ndlr : l’une des langues les plus importantes chez les Touaregs), Abdallah ag Alhousseini affirme ceci : « nous sommes ouverts à toutes les portes, nous ne mettons pas de barrières dans la musique. Il faut toujours s’ouvrir des portes pour les développer dans le même sens. » Des mots à l’opposée des temps qui courent où les barrières se multiplient dans ce monde fragmenté et perpétuellement en guerre, à l’image de la culture touareg morcelée entre six Etats. « Chez nous, c’est la catastrophe dans le Grand Sahara, au Niger, en Libye, au Mali. » Ici, Abdallah fait référence au Sahel, région du monde où se concentre le nombre le plus élevé d’attaques terroristes. Abdhallah est à quelques heures de monter avec les siens, sur la scène du Théâtre Antique d’Arles, et ce 21 ans après. Toujours dans ce même engagement de tirer de l’oubli leur région du nord du Mali. « Nous chantons l’exil et la souffrance, mais il faut parfois des guerres pour trouver la paix. Nous n’avons jamais vécu la paix. Nous n’avons jamais ressenti la paix totale. Il est certain qu’il faut la chanter. »
« Une tempête de sable partout dans le monde »
Accueillir les musiques du monde entier, les Suds à Arles en ont fait leur spécialité depuis 1996. Au-delà de la programmation musicale, le festival impulse des rencontres publiques animées par Mediapart sur des thèmes de société. Le matin du concert, étaient réunis l’artiste syrien Fawaz Baker, l’avocate Clara Steg ayant déposé plainte après l’annulation du concert de Bilal Hassani à Metz, ainsi que la directrice d’études Pascale Bonniel-Chalier. Ensemble, ils ont évoqué la menace qui pèse en France sur la place de la diversité culturelle et plus largement de la liberté d’expression. A cela, Abdallah répond qu’il « ne suit pas trop les informations », tout en ressentant « une tempête de sable partout dans le monde. » Les liens de Tinariwen avec la France, il les résume ainsi : « Le premier lien, c’est le fait que la France ait colonisé l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique du Nord. Le premier départ du Sahara de Tinariwen, c’était en 1999 vers la France. On y prend aussi le départ pour nous rendre aux Etats-Unis, au Japon, en Australie. Nos managers et techniciens sont Français. C’est la langue que l’on pratique pour nous exprimer à travers le monde. » Dans sa bulle pour quelques jours d’été encore, Arles, ville laboratoire qui cultive les espaces de libertés, a bien entendu succombé aux riffs électriques et autres chants hypnotiques. Un blues qui nous unit. Au même titre que la transe funky-vaudou des Nana Benz du Togo, ovni musical de Lomé venu assurer la première partie avec brio.
Florian Dacheux
© Photos F.Gardin / F.Dacheux