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Août / 22

L’histoire d’un homme ordinaire face à des événements extraordinaires !

By / Marc Cheb Sun /

L’histoire d’un homme ordinaire 

face à des évènements extraordinaires !

Coup de coeur… Hanté par le fantôme de Rachid Taha, voilà un roman qui étonne et emporte loin des sentiers battus. Revigorant en ces temps bien trop sinistres. L’auteur manie l’humour en contournant le drame qui, forcément, finira par ressurgir. Rencontre.

Votre personnage a le même prénom que vous. Rassurez-nous (NDLR : le Mehdi du roman vit avec un fantôme) : on reste loin de l’autofiction, vous confirmez?

(Rires) Ah oui oui oui… Bien sûr, Mehdi, c’est moi mais, en même temps, c’est vous, c’est nous. Comme Flaubert disait : « Emma Bovary, c’est moi ». C’est le type normal, celui que les Américains appellent le ‘guy next door’. Un homme ordinaire qui va être confronté à des événements extraordinaires. Pour le coup, on est dans une fiction, même un peu barrée, qui pousse assez loin le curseur de l’imaginaire. J’ai lu beaucoup d’autofictions, et j’ai aimé ça, mais, là, j’avais envie d’un récit de l’imaginaire. Et puis il y a le fait que les personnages d’origine maghrébine sont encore trop souvent réduits à des dealers, des djihadistes, du flic arabe en rupture avec sa cité ou ce genre de clichés. Cela reflète les obsessions racistes qui travaillent le pays en ce moment. Je tenais à ces deux ruptures : celle d’un narrateur franco-arabe simplement normal et celle de l’imaginaire.

 

Alors ce fantôme…

C’est celui du chanteur Rachid Taha. Et oui ! Un fantôme, un djinn, allez savoir, une apparition qui va venir chambouler la vie de cet homme ordinaire. Et puis Taha, c’est une star de la musique à dimension mondiale, même si on l’a parfois enfermé dans un rôle assez secondaire, celui réservé à la « musique arabe ». Il a travaillé avec Brian Eno, les Clash, il a exploré l’électro bien avant d’autres, sa chanson ‘Rock the Casbah’ est un succès international. C’est quelqu’un qui représentait la culture populaire française au sens le plus noble, la chanson populaire arabe au sens le plus noble, idem pour le rock. On ne lui a pourtant pas rendu, y compris à sa mort, l’hommage qu’il méritait. Et donc j’ai eu l’envie profonde de ressusciter cette personnalité-là.

 

Et il arrive donc d’un coup dans la vie de Mehdi…

Il arrive d’un coup comme des événements extraordinaires sont arrivés, d’un coup eux aussi, dans nos vies, ces dernières années. Je ne vais pas dévoiler la fin du livre (NDLR : non, surtout pas !) C’est un peu le paradoxe de ce personnage : il débarque dans la vie de Mehdi de façon surprenante. Comme peuvent arriver la fantaisie, la folie, la joie. Mais aussi comme surgissent des choses extrêmement difficiles à vivre parfois, comme la violence et la mort. Ce personnage, il symbolise tout ça, l’extraordinaire de l’existence qui peut nous chambouler à jamais.

 

Moi, ce livre, je l’ai aussi senti comme une sorte de métaphore. Mais très ancrée dans le réel.

Il y a un côté conte ou fable, évidemment, parce qu’il y a un peu de fantastique, un peu de folie. Mais les personnages sont effectivement très ancrés dans la réalité. Il y a Mehdi, qui est traité « d’arabe de service » par sa fille, qui, elle-même serait traitée de « wokiste » par Darmanin. Il y a Gus, le gilet jaune qui est aussi un poète urbain. Il n’y a pas de bons ou de mauvais personnages, j’ai essayé de tous les aimer. Ils ont un côté exaspérant et un autre très attachant. C’est aussi la question au centre de notre époque, comment fait-on, les uns et les autres, pour arriver à revivre ensemble sans s’écharper sur les réseaux sociaux ou dans la vraie vie ?

 

Le contexte politique a son importance…

Oui, il y a un contexte politique, mais ce n’est pas un livre politique. C’est plutôt un livre qui veut raconter l’époque et qui essaie de le faire avec un peu de fantaisie pour dévoiler et comprendre des choses plus difficiles. Ce ne sont pas les discours politiciens aujourd’hui qui permettent de comprendre l’époque. On est tous un peu perdus. Je me suis dit que passer par la fantaisie pour comprendre une histoire récente, qu’on vient de vivre tous, ça serait un bon détour qui permettait, à la fois d’essayer de comprendre les choses ensemble, et aussi de passer un bon moment.

 

Recueilli par Marc Cheb Sun

 

‘Mon fantôme’, Mehdi Ouraoui, Fayard. Sortie le 23 août.

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