Jan / 10
Les Rascals, le film qu’on ne voit pas venir
Inspiré de faits réels, Les Rascals, qui sort en salles ce 11 janvier 2023, remonte aux origines du mouvement antifa. Pour son premier long-métrage, Jimmy Laporal-Trésor nous plonge dans ce Paris des bandes de jeunes des années 1980 alors que l’extrême droite gagne du terrain dans tout le pays. Le cinéaste ausculte avec brio la montée du racisme et des mouvements skins.
Marseille, le 3 janvier 2023. Cinéma Les Variétés. Avant-première du film Les Rascals en présence du réalisateur Jimmy Laporal-Trésor et du producteur Manuel Chiche.
Ça commence comme ci comme ça. On est en 1984 dans le Paris des bandes de jeunes. On déambule d’une bande à l’autre, d’une boîte à l’autre, tantôt revival rockabilly, tantôt skins. On fait connaissance avec chacun des Rascals, toutes origines confondues. On est entre mecs, on plaisante sans arrêt, on flirte avec les blagues racistes, on s’lance des défis à la première fille qui passe, mais surtout on a la testostérone très chatouilleuse. Le ton monte vite, les prétextes sont futiles mais les couteaux ne demandent qu’à sortir de la poche quand deux bandes s’affrontent. Et d’un coup c’est carrément trash, on passe dans une autre dimension. On est chez un disquaire. Un des Rascals reconnaît le patron, un skin qui l’a violemment agressé quand il était enfant. S’ensuit une bagarre soudaine, brutale, fatale. Un autre des Rascals est grièvement blessé sous les yeux de sa sœur. La jeune étudiante n’aura de cesse de le venger. Une détermination qui, avec la complicité du président de sa fac, la conduira jusqu’au cœur de la mouvance des skins d’extrême-droite, nervis supplétifs du FN, copains de certains policiers. C’est une époque où le FN crée la surprise en envoyant dix députés au Parlement européen, où l’ordre nationaliste règne à la fac de droit d’Assas, avec son cortège récurrent d’expéditions punitives. On ne plaisante plus du tout. La voix charmeuse et les rythmes festifs de Victor Leed cèdent la place à la radicalité punk de la Souris Déglinguée.
Au cours du débat qui suit la projection, Jimmy Laporal-Trésor ne cache pas son pessimisme pour l’avenir. Lui, au moins, à travers une histoire tragique, haletante, rondement menée, il aura fait le taf. Nous alerter sur le sens de la violence, sur ses liens dans une histoire de France pas si lointaine avec l’extrême-droite parlementaire. Curieusement, personne dans le public n’a évoqué le rôle essentiel donné à une jeune femme. Ce n’est pourtant pas le moindre mérite de ce film. Mention particulière donc à l’actrice Angelina Woreth et à son « complice » Victor Meutelet. Jimmy Laporal-Trésor, un premier long métrage, de la très bonne graine.
Marie Vanaret
(Photos © Lea Renner)