<span class=Frictions: le Story telling 3.0">

Juin / 03

Frictions: le Story telling 3.0

By / Marc Cheb Sun /

Avec l’ère digitale, on aura jamais autant consommé de contenus et d’histoires. Les médias en ligne sont nombreux, mais il est de plus en plus difficile d’en assurer la qualité. En marge, les séries se développent et supplantent le cinéma. Le monde entier est connecté sur son smartphone, en quête de contenu. C’est à ces consommateurs que Frictions entend répondre en apportant une offre qualitative, mêlant fictions courtes, chroniques et reportages, réalisés par des auteurs et journalistes, de tous horizons, le tout en français et anglais. Un projet ambitieux que nous présentent leurs deux fondateurs, l’auteur Walid Rachedi et le journaliste Ryad Maouche. 

Frictions: le Story telling 3.0

En quelques mots, Frictions c’est quoi ?

W.R. : C’est une revue littéraire digitale qui entend réinventer l’expérience de lecture et de littérature. A la source du projet, nous nous demandions comment allier l’exigence éditoriale d’une revue comme XXI ou New Yorker et l’adapter aux nouveaux usages issus du numérique. Actuellement, nos pensées sont souvent nourries par des choses de piètre qualité, et ça se ressent parfois dans le manque de finesse de nos perceptions du monde. En résumé, nous souhaitons raconter le réel via la fiction et le reportage, avec les codes de la fiction dont nous voulons nous servir pour proposer des angles différents. On nous vendait la mondialisation heureuse, elle n’a pas eu lieu mais la conversation est bien mondiale. On peut facilement dresser un parallèle sociétal entre les réalités des USA, du Brésil ou de la France, mais une histoire produira toujours plus d’authenticité, un voyage plus subtil s’il vogue dans leurs différentes réalités. C’est là le point de rencontre et de friction, d’où le titre de la revue : l’audience converge, les points de vues divergent. Chaque type d’audience détient une part de ressenti qui mérite d’être écoutée, même lorsqu’on ne partage pas son point de vue. C’est l’intérêt de notre revue. Une conversation mondiale avec des points de vue différents. Les outils numériques permettent ça !

Illustration : Guilherme Kramer, street artiste de Sao Polo.

Qu’en est-il de l’équilibre entre la partie journalistique et la partie fictionnelle ?

R.M. : Le site va s’articuler comme des séries : avec des épisodes, une trame narrative, des personnages, quel que soient le type : fiction ou pas. Nos thèmes sont en prise avec des sujets de société, mais toujours avec un angle, un point de vue, une voix. Une signalétique, sous forme de tag et de rubrique, permettra au lecteur de savoir s’il aborde un texte fictionnel ou journalistique. C’est important car nous sommes à l’ère des fake news et on ne peut pas se permettre l’ambiguïté.

Nous présenterons des enquêtes et des chroniques à la manière anglo-saxonne (first person essay), des situations liées à un récit de vie qui viendront nourrir des réflexions sur nos thématiques.  Par ailleurs, on ne va pas se limiter aux textes. Nous proposerons également des podcasts de fiction et non fiction. Pour la fiction, on aura donc de la lecture dramatique avec un habillage musical, un peu comme ce qu’on peut trouver sur France Culture. On ambitionne dans le futur de faire des continuités dialoguées, un travail de création comme des feuilletons radio.

Et pour la non-fiction, des séries documentaires qui s’appuieront des témoignages et du reportage. On veut que ce soit une plateforme de création, qui devienne un outil de repérage d’auteurs, d’acteurs.  Un bon contenu a besoin de bons auteurs. Ils sont vitaux à la création y compris audiovisuelle.

Le projet est uniquement online ? Vous prévoyez une appli ?

W.R. : Notre site va s’adapter également aux terminaux mobiles dans un premier temps et, ensuite, nous prévoyons une appli et la présence sur les plateformes de podcast. La version papier n’est pas encore au programme, nous attendons de voir ce que suscite le projet. La dimension digitale est prépondérante parce qu’elle correspond aux modes de vies de notre cible, mais cela dit, c’est un support, comme l’a été et l’est encore le livre. Le danger est de sacraliser le livre au point que ça ne parle qu’à une élite. Que ça devienne la nouvelle musique classique.

 

ÉPIDÉMIQUES, une nouvelle de Marc Cheb Sun en ligne pour l’ouverture de Frictions.

D’où est venue cette idée et ça vous a pris combien de temps de monter le projet ?

 

W.R. : En tant que romancier, le temps de l’édition est tellement long, et la question d’être dans l’air du temps est cruciale. En même temps, il y a un tel manque de réactivité qu’on est régulièrement frustré de la lenteur ou de l’absence de parution de nos textes. Par ailleurs, il y a une quantité de voix qui manque au paysage, des gens qui écrivent des choses de grand intérêt et dont les textes ne trouvent pas de résonance. On ambitionne de devenir une sorte de pépinière de talents, où se mêleraient des auteurs confirmés et connus, et des auteurs novices talentueux.

 

R.M. : Et sur le volet journalisme, on trouve qu’un bon reportage bien écrit peut-être aussi prenant qu’une bonne fiction, je pense notamment au travail de Florence Aubenas. Nous travaillons intensément sur le projet depuis huit mois. En fait, paradoxalement, le confinement nous a obligé à accélérer. Le thème de cette conversation mondiale pour la première saison était tout trouvé : la crise du coronavirus. Le lancement est donc prévu le lundi 8, avec des auteurs de différents pays et continents : Sud-Américains, Français, Africains, le tout en français et anglais.

 

Comment vous envisagez le futur du média, notamment en terme de rentabilité ?

 

W.R. : Le contenu sera gratuit. On va chercher des partenaires économiques qui se reconnaissent dans les gens à qui on prétend parler (les lecteurs des grandes villes). L’idée est de créer un studio de création d’histoires par le biais de notre réseau d’auteurs et de créateurs internationaux. Nous pouvons proposer notre savoir-faire et nos différents talents et formats aux industries créatives de l’édition ou de l’audiovisuel. Nous pouvons même à terme envisager la co-production de contenu avec les acteurs de ces secteurs, tout est ouvert.

 

Propos recueillis par Bilguissa DIALLO

 

Retrouvez la première saison de Frictions dès lundi 8 juin sur Frictions.co
Instagram : frictions.mag

Marc Cheb Sun