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Sep / 02

DEMI PORTION : « Écrire, c’est un combat »

By / akim /

DEMI PORTION

« Écrire, c’est un combat »

Il y a dans ses yeux tout l’amour de la Méditerranée. Dans sa voix, une tendresse enfouie et la sagesse d’un artiste aguerri. Rachid Daif alias Demi Portion poursuit son long chemin entrepris il y a près de 20 ans… date de sa rencontre avec le mouvement hip-hop et l’ouverture de son premier dico. Entretien avec un trentenaire bien dans ses pompes, à la sortie de son show du 11 août dernier au No Logo Festival à Fraisans dans le Jura. 

Le rap occupe votre quotidien depuis vos 16 ans. Quel a été le déclic ?

Ce qui m’a plu dans le rap, c’est  le breakdance au départ. J’en faisais un peu. Après on est rentré dans un atelier d’écriture. On a commencé à avoir des platines, à faire un peu de graff, on touchait à tout ce qu’il y avait au sein de la culture hip-hop. J’écoutais beaucoup de rap américain. J’ai commencé à être fasciné très jeune. En 1996, j’ai fait ma toute première scène. Deux minutes sur scène, c’était comme si j’avais fait une heure.

Votre nom circule aujourd’hui un peu partout en France. D’Oxmo Puccino à Kery James, de nombreux grands noms du rap ont salué votre travail. Ça vous fait quoi ? C’était beaucoup plus difficile à l’époque. Aujourd’hui, il y a les réseaux sociaux. Mais on fait beaucoup, beaucoup de terrain. J’essaie de prendre beaucoup de recul. Cela me nourrit de ne pas speeder. Par contre, je bosse, toujours, pour la passion, pour le live. On kiffe l’aventure. On la vit au maximum.

 

Que représente le rap pour vous ?

Le rap, c’est ma vie. Je me réveille, je ne le calcule pas. Le rap, c’est un état d’esprit qui est dans ma tête depuis tout petit. Je ne suis ni un ancien, ni un nouveau. Il y a le patrimoine, Kery, IAM, Raggasonic. Et nous, on est les petits bébés. On essaie de montrer que c’est possible de le faire malgré les grosses machines Apple, Coca ou Mc Donald’s. Nous, nous sommes à côté. Les petits snacks avec le petit hamburger qui fait plaisir. Et si dans le menu, il y a une petite boisson, une petite frite, des petites sauces qui font plaisir, si on nous aide, ça aidera toujours pour s’ouvrir dans la dégustation. Pour que cela ne soit pas fade, histoire de nourrir la chose. La musique est une recette. Écrire, c’est un combat. Cela n’a jamais été facile de faire du rap. On ne sera ni Jay-Z, ni Nas. On fait notre musique et ça me suffit.

«Nous, nous sommes à côté.
Les petits snacks avec le petit hamburger qui fait plaisir»
«Comme dans toutes les villes de France, il y a toujours un petit coin, une petite Zup»

C’est pourquoi vous êtes si attaché à Sète ?

Je suis né à Sète et j’y suis bien. C’est un petit Marseille. C’est populaire, il y a un peu de tout, toutes les origines. Nous avons grandi dans notre quartier de l’île de Thau. Comme dans toutes les villes de France, il y a toujours un petit coin, une petite Zup où nos parents faisaient de mal à personne et essayaient de nous montrer les bonnes valeurs. Ce n’est pas Paris, ni Marseille, ni Lyon. C’est une petite ville. J’y ai fait les 400 coups. J’y ai tout appris. A part les week-ends, nous y sommes la semaine. C’est chez nous. Je ne suis jamais parti ailleurs pour trouver d’autres vibrations pour écrire mais c’est une aventure qui me plairait à fond.

 

Votre prochain album, La Bonne École, sort en janvier 2020. Petit débrief du titre ?

C’est pour la bonne époque. Aujourd’hui, on essaie d’être de bons élèves. La musique, ce n’est pas une fin en soi, ça peut s’arrêter. Alors j’essaie d’être un bon prof et d’être raisonnable.

 

C’est un message adressé à la jeunesse ?

Le titre parle un peu aux anciens et aux jeunes. La musique, c’est une encyclopédie. Les jeunes vivent avec leurs temps. Nous, on vivait avec MC Solaar, Mickaël Jackson. Dans notre cassette, il y avait de tout. Aujourd’hui, avec internet, les jeunes écoutent de tout, il ne faut pas leur reprocher. Ce que je leur dis, c’est d’essayer de piocher ce qu’il y avait à l’époque dans le rap, comme Africa Bambaataa. Pour essayer de savoir pourquoi le hip-hop était là et pourquoi il est né dans le Bronx. Ce que voulait dire le terme hip-hop. À la base, c’était une instru avec deux à trois petits rythmes. Pour combattre le racisme aux Etats-Unis.

 

Le racisme justement, quel en est votre vision aujourd’hui depuis Sète ?

Pour être honnête, je ne fais pas attention au racisme. Je me dis que 1% ne nous aime pas et que 99% nous aime. Je me dis toujours ça. Donc l’hypocrisie, le regard des gens, ceux qui font du mal, ceux qui font du bien, non je n’y fais pas attention. On vit dans une ville où les mentalités sont plus ou moins à l’ancienne. Je comprends tout à fait que certains y fassent attention. J’entends aussi. Aujourd’hui, les gens n’ont plus le choix de voir que tout a changé, que leurs enfants vivent différemment, et qu’on est mieux comme ça.

 

C’était votre première fois au No Logo. Vos impressions à chaud ?

C’était trop bien. Le public était sous la pluie, certains dans la boue, c’était particulier. Nous étions les seuls rappeurs à l’affiche. Cela met un peu de pression. On joue à l’ancienne, à deux, avec DJ Rolxx. On a tout donné. Nous sommes contents d’être pris au sérieux, que l’on nous fasse jouer devant de grands noms comme Ziggy Marley ou Patrice.

 

Vous reveniez tout juste de la 4e édition du Demi Festival, un festival hip-hop que vous avez fondé en 2016 à Sète…

En effet on revient de quatre jours de folie. Ce festival, c’est d’abord pour défendre la musique indépendante. C’est un rassemblement d’artistes que l’on ne trouve pas forcément à l’affiche de gros festivals. C’est cool qu’il y ait un engouement autour de notre festival car il manque ce genre de programmation en France pour ceux qui le méritent.

 

Pas trop dur de devoir quitter Sète au petit matin pour Fraisans où vous étiez attendu sur la scène du No Logo à 17h ?

C’était la première fois qu’on louait un bus tour. On est parti à 4h du matin sans même avoir le temps de faire le bilan. Quand on est arrivé on avait encore un peu la tête à Sète et notre corps au No Logo. On est venu avec tous nos potes qui ont bossé dur sur le Demi Festival. Ils y ont mis toute leur force. On en a perdu nos voix. On s’est dit que venir au No Logo c’était un beau cadeau d’anniversaire. On a fait tellement de concerts.

« Un atelier d’écriture, des platines, un peu de graff… »

Ce «made in Sète», c’est votre force ?
On a toujours bossé chez nous. On voit du monde mais pour être honnête je ne me sens pas à l’aise dans les grands studios. J’y suis déjà allé pour des collaborations, des featurings. Mais quand il s’agit de faire un son en solo, je préfère le faire chez moi.

 

Enfin D’ailleurs et d’ici , ça vous inspire quoi ?
Les frontières, le monde, la découverte, la richesse culturelle, voir autre chose, quitter sa zone de confort.

 

Recueilli par Florian Dacheux

Crédits photo noir et blanc : Florian Dacheux

Crédits photo couleur : Mehdi Bouallaga

akim