Musulmans : L’ÉNERGIE POSITIVE

Oct / 18

Musulmans : L’ÉNERGIE POSITIVE

By / akim /

Musulmans d'Europe: l'énergie positive

France : l’aumônier humaniste
Cela fait quinze ans que l’aumônier Mohamed Loueslati arpente les prisons de l’ouest de la France. Âgé de soixante-cinq ans, l’imam, aux cheveux et à la moustache grisonnants, se confronte, au plus près, à la violence en milieu carcéral. Pas du genre à baisser les bras ! « Pour être aumônier musulman, il faut croire en Dieu, oui, mais aussi avoir une foi profonde en l’homme, se dire qu’il peut changer et que l’on peut y contribuer. » De l’espérance, il en a besoin pour faire face à une sombre réalité pénitentiaire : surpopulation, agressions, suicides… Son livre L’Islam en prison1 décrit cet « univers de détresse et de misère sociale », prédominant chez les détenus de culture musulmane. « Depuis le xixe siècle, on retrouve dans les prisons les couches les plus populaires de la société. » Le responsable de l’aumônerie du Grand Ouest raconte comment ces prisonniers, français pour la plupart, « cumulent les handicaps ». Des familles souvent éclatées, des parcours scolaires et professionnels chaotiques.
Dans ce monde, « la religion devient un soutien ». Beaucoup y trouvent de l’apaisement. Mais d’autres se radicalisent. « Certains détenus ont la vision d’un islam frelaté, belliqueux, en guerre contre l’Occident. » Le rôle de l’aumônier est ainsi essentiel. Mohamed Loueslati est considéré comme un « grand frère », un « père » dans les deux prisons de Rennes où il travaille régulièrement. « Il faut être à l’écoute. Avec le temps, la confiance s’installe. On peut discuter et changer les mentalités. » D’autant que le travail des aumôniers, peu nombreux et mal payés, est de plus en plus difficile. Après les attentats de janvier, l’État a annoncé le recrutement de soixante aumôniers, qui viendront s’ajouter aux cent quatre-vingt-deux actuels. Mohamed Loueslati s’en réjouit, même s’il sait que cela ne réglera pas tout. Pour cet homme de foi, la réponse doit être aussi spirituelle. « La prison ne peut pas rester un endroit qui se limite à surveiller et punir. Elle doit préparer la réinsertion. » L’aumônier croit aussi profondément à l’école, qu’il faut « remettre sur les rails, en lui faisant jouer son rôle ». Pour empêcher que de jeunes Français tombent dans la délinquance. Et toujours garder espoir en l’homme. « L’être humain est perfectible.  Il n’est pas condamné à vie. » Aziz Oguz
1. L’Islam en prison, éditions Bayard, 2015.

Ramadan festival aux Pays-bas

Des grands repas organisés dans les rues lors de la rupture du jeûne, des familles musulmanes qui ouvrent leurs portes à leurs voisins de toutes croyances… Mais aussi des conférences, des débats. Le Ramadan festival est un cocktail dynamique de dialogue interreligieux et culturel aux Pays-Bas. Depuis 2005, dans neuf villes néerlandaises, des associations musulmanes invitent leurs concitoyens à les rejoindre lors du jeûne du mois saint. Le festival est fortement soutenu par les pouvoirs publics et des personnalités politiques comme Ahmed Aboutaleb, l’actuel maire – musulman − de Rotterdam. Ou encore Job Cohen, ancien édile d’Amsterdam, de culture juive.

L’idée a largement essaimé en dehors des frontières du pays jusqu’à inspirer, en 2010, quarante-deux villes européennes, de la Belgique à la Norvège en passant par la Suisse. L’initiative sera même reprise pendant les Jeux olympiques de Londres, deux ans plus tard. Aujourd’hui, le festival est incontournable aux Pays-Bas. La France reste à la traîne.  Samia Hathroubi

En Norvège : des musulmans protègent une synagogue
Des juifs et musulmans qui se tiennent par les mains… Une action concrète à Oslo ! À l’initiative de jeunes musulmans, plus d’un millier de personnes se sont réunies, en février 2015, devant l’unique lieu de culte hébraïque de la ville pour former une chaîne humaine. Une réponse à l’attaque antisémite commise une semaine plus tôt contre la synagogue de Copenhague. Pour les organisateurs du rassemblement, « l’islam doit défendre ses frères et sœurs, quelles que soient leurs confessions ». Et bien d’autres solidarités s’expriment. En Belgique, l’association des musulmans d’Arlon a organisé une collecte pour sauver la plus vieille synagogue du pays, menacée d’effondrement. Dans une ville qui… n’a pas encore de mosquée ! Message reçu cinq sur cinq.   Samia Hathroubi

Peace and Graff
Le graff, il l’a dans la peau depuis ses seize ans. Une année aux Beaux-Arts, il est poussé vers la sortie et s’en va sans regret. Direction com et pub. « Techniquement, il y a des rapports. Le message du street art doit surgir dans ton quotidien. Un graffeur cherche le point qui va capter le regard et, ça, c’est proche de la pub. J’ai passé quatre ans en agence. Mais, moralement, je ne m’y retrouvais pas. Alors j’ai décidé de me consacrer à mon art, aux thèmes qui sont urgents pour moi : guerres, droits des femmes, GPA (son couple de Daisy, sans Donald, est désormais célèbre !). Mon travail, c’est de poser des questions. La religion est un thème qui suscite des réactions violentes de personnes qui sont contre les religions ou de religieux intolérants. Ces graffs-là sont les plus vite effacés ! Le croissant musulman, c’est moi, l’étoile de David et la croix chrétienne, ils sont dans la pièce à côté, là, ce sont mes meilleurs potes. Après mon agression, certaines distributions d’affiches de ces graffs ont été annulées, le symbole de la paix fait peur ! » Car samedi 30 janvier 2015, en pleine performance Co-exist à Paris, Combo est agressé. Le soir, sur le plateau de Canal, les journalistes sont obsédés par l’origine des casseurs hostiles au peace and graff. Silence : Combo résiste à la « télévision poubelle », comme il dit. « Mon message est clair : si on est tous différents, on est tous pareils. La différence est finalement notre point commun. » Place à l’image ! 

Un graff de Combo

France : la vie en rire
« Message à tous les fous, les cinglés qui décident de se déclarer islamistes-intégristes-djihadistes-pianistes-cyclistes juste pour commettre leurs méfaits : maintenant vous nous laissez tranquilles, c’est déjà assez compliqué de vivre en Europe, merci de choisir une autre religion ! » Dixit Samia Orosemane − après les attentats de janvier 2015 − ou l’art de faire rire quand on aurait plutôt envie de pleurer. L’humoriste, qui a grandi à Clichy-sous-Bois, est passée par le Conservatoire de Paris. Avec son one-woman show Femme de couleurs, Samia jongle entre sketches, vannes et imitations. Et tout le monde y passe ! Son credo ? L’humour sans vulgarité. « Derrière le rire, le message est important. Le vivre ensemble, l’ouverture d’esprit : je défends des valeurs universelles. » Quand certains l’estampent « humour halal » − oui, parce que Samia est musulmane et porte un voile −, la comédienne est claire : «Primo, je ne suis pas un morceau de viande. Secundo, ce n’est pas le spectacle d’une Arabe pour les Arabes. Je m’adresse à tout le monde. » De Paris à Tunis en passant par Bruxelles, Genève et Abidjan !

Maral Amiri

Samia Orosemane

akim